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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Toujours les mêmes recettes : plus de libéralisme, moins de régulation

Economie bleue -

Par / 10 mars 2016

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par des remarques de méthode, eu égard à la procédure d’examen de ce texte, laquelle est particulièrement étrange, voire anormale.

En effet, tout nous conduit à affirmer qu’il s’agit d’un projet de loi, puisque, si la proposition de loi est examinée dans le cadre des niches parlementaires, son examen se poursuit, à la demande du Gouvernement, dans le cadre de la semaine de contrôle. L’utilisation d’une proposition de loi a l’avantage non négligeable d’exonérer le Gouvernement d’un avis en Conseil d’État et d’une étude d’impact, ce qui est regrettable sur un sujet aussi important.

Par ailleurs, ce texte a triplé de volume entre son dépôt et son examen par le Sénat. Tous les sujets sont abordés, de la sécurité aux conditions sociales, en passant par les conditions de fiscalité. Nous considérons que ces dispositions auraient mérité un examen par les autres commissions permanentes du Sénat ou qu’une commission spéciale aurait pu être créée.

J’en viens au contenu.

La politique maritime française est à la croisée des chemins, et le Président Hollande avait pris l’engagement d’agir pour son développement.

C’est un secteur qui souffre, qu’il s’agisse de la marine marchande ou de la pêche. Entre 2006 et 2012, 10 000 emplois ont été perdus selon l’INSEE. La situation est donc des plus préoccupantes. C’est ce que certains ont appelé l’« effacement maritime français ».

Depuis des décennies, nous assistons à la dégradation de l’emploi et des conditions sociales des gens de mer sous l’effet de l’intensification de la concurrence internationale et de la diminution des protections collectives.

Parallèlement, ces politiques ont conduit à la dégradation des écosystèmes marins par une exploitation excessive des ressources. À l’échelle du globe, les populations d’animaux marins ont diminué de moitié depuis 1970. La surpêche est une pratique courante, et peu de mesures sont prises pour y remédier.

Ajoutons qu’il s’agit d’un secteur où la politique communautaire est très forte, et basée essentiellement sur les principes de libre concurrence et de libre circulation. Il s’ensuit un fort dumping social et fiscal, accompagné par les politiques nationales.

Cette proposition de loi, dans la droite ligne du rapport Osons la mer, rendu en 2013 par Arnaud Leroy, son rapporteur à l’Assemblée nationale, vise à accroître la compétitivité de ce secteur avec toujours la même recette : plus de libéralisme et moins de réglementation. En témoigne notamment l’élargissement du recours au RIF, le registre international français, créé en 2005 et reconnu comme un pavillon de complaisance, alors que nous devrions au contraire promouvoir le premier registre.

Ces dispositions ont d’ailleurs été aggravées en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, puisque des amendements revenant sur des aspects sociaux importants, comme la protection des délégués de bord ou encore la consultation des organisations syndicales, ont été adoptés.

Nous ne partageons pas cette philosophie et nous sommes particulièrement opposés à de nombreuses dispositions du titre Ier, qui, sous couvert de simplification et d’efficacité, sont en fait des régressions du droit social.

Nous contestons la logique selon laquelle la suppression des charges sociales permettrait de relancer l’emploi. Ces mêmes politiques sont menées depuis de nombreuses années dans tous les secteurs d’activité, sans qu’aucun effet sur l’emploi ne puisse être prouvé, des études en attestent. Pis, puisque nous trouverons toujours une main-d’œuvre moins chère ici ou là, c’est le cycle infernal du déclin qui est engagé.

Ces points fondamentaux fondent en grande partie notre position sur ce texte.

Pour relancer l’emploi maritime, les solutions sont donc ailleurs. La mer constitue un formidable gisement d’emplois et de ressources, à condition de prendre le tournant du développement durable.

Il faut, par exemple, s’engager vers plus d’intermodalité entre les différents modes de transports de marchandises. Les ports français doivent disposer des infrastructures permettant, une fois les marchandises débarquées, de poursuivre leur acheminement par train ou voie fluviale. Aujourd’hui, contrairement aux grands ports européens, nos ports ne disposent pas de ces infrastructures. Voilà une priorité pour l’action publique.

Autre possibilité de développement : la création d’une filière propre de démantèlement des navires.

Gagner en compétitivité, comme nous y invite cette loi, ce n’est pas libéraliser un peu plus. C’est surtout investir dans l’outil de production, dans les ports, les criées ; c’est investir dans la recherche pour la production de navires performants. Or cette proposition de loi n’aborde ces questions qu’à la marge, avec la création d’une commission des investissements au sein des conseils de développement des ports. Nous rappelons que c’est l’investissement public qui fait aujourd’hui cruellement défaut.

Nous regrettons par ailleurs que les dispositions visant à la création d’une flotte stratégique permettant de garantir la sécurité d’approvisionnement aient été vidées de leur substance. Cette création, a fortiori sous pavillon du premier registre, aurait permis de conserver des compétences, une filière d’officiers et de marins français, ainsi qu’une flotte à la hauteur des besoins nationaux. À ce sujet, le décret paru récemment nous inquiète particulièrement, puisqu’aucune exigence n’est fixée. Nous proposerons par amendement de revenir sur ce point.

Le titre II, qui vise les pêches maritimes et les cultures marines, est pour sa part plutôt positif. Il permet une reconnaissance renforcée de l’aquaculture. Nous soutenons également les dispositions ayant trait à une meilleure traçabilité des produits de la mer.

Enfin, et pour conclure, nous contestons très fortement l’insertion de mesures destinées à lutter contre le terrorisme, qui n’ont rien à faire dans cette proposition de loi. Les questions de sécurité des installations et des navires sont trop importantes pour être traitées de cette manière, en mélangeant lutte contre le terrorisme et lutte contre l’immigration illégale. Ces amalgames sont à nos yeux indignes.

Mme Éliane Assassi. Ils deviennent une habitude !

Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, voilà, brièvement exposées, les raisons qui nous conduiront à voter contre cette proposition de loi.

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