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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un nouveau cache-misère au désengagement de l’Etat

Agence nationale de la cohésion des territoires -

Par / 8 novembre 2018

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi portant création d’une agence nationale de la cohésion des territoires.

Sur la forme, nous ne pouvons que regretter le passage par une proposition de loi, qui prive les parlementaires d’une indispensable étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. Nous soulignons la réactivité du président du Sénat, qui nous a permis de disposer dans des délais extrêmement courts de cet avis. Pourtant, le fait que le Gouvernement ait déjà déclaré l’urgence sur cette proposition de loi témoigne qu’en réalité, il s’agit bien d’un projet de loi déguisé.

M. François Bonhomme. Absolument !

M. Guillaume Gontard. Curieuse méthode...

Sur le fond, tout le monde sera d’accord sur le constat alarmant d’une perte d’ingénierie dans les territoires et d’un accroissement des fractures territoriales mettant à mal l’égalité républicaine. L’idée de proposer aux collectivités un nouvel outil est donc a priori plutôt positive. Mais est-ce réellement de cela qu’il s’agit ?

Il ne faut pas oublier le contexte. Premièrement, le Gouvernement, qui propose la création de cette agence, poursuit la politique de réduction de l’emploi public, tant au sein des collectivités, par la baisse des dotations, que dans les services de l’État. La perte d’ingénierie est ainsi essentiellement la conséquence du désengagement continu de l’État, tout particulièrement de la suppression de l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT.

Le Gouvernement préconise d’aller encore plus loin au travers du plan Action publique 2022 comme du projet de loi de finances, qui prépare un nouveau recul de l’emploi au sein des opérateurs concernés par la création de l’agence. Comment faire mieux avec toujours moins ?

Nous craignons donc que la création de cette structure ne serve simplement de cache-misère, fonctionnant à coût constant et ouvrant la voie à des mutualisations et à une fongibilité des crédits. Tour de passe-passe utile en période de disette budgétaire... À ce titre, il faut souligner que le Conseil d’État estime dans son avis « qu’il conviendra que l’agence soit dotée, tant au plan national que local, des ressources suffisantes ».

Nous en sommes très loin puisque, de manière incompréhensible, la question des ressources reste en suspens. Or, à défaut d’engagement financier nouveau, cette agence sera simplement une nouvelle couche dans le millefeuille territorial, un « machin » de plus qui ne réglera pas les difficultés des territoires en termes de proximité, de maintien des services publics, de présence hospitalière, éducative et judiciaire, de développement d’un réseau de transport ou numérique... Quel accès pour les collectivités les plus fragiles et les communes rurales ?

Cette agence n’est donc pas la baguette magique du retour de l’État au sein des territoires. Pour cela, il faudrait, loin des politiques gouvernementales actuelles, mener une politique offensive d’investissement public et de soutien réel aux collectivités, soutenir avec une ingénierie dédiée et de proximité les initiatives, l’innovation et le dynamisme de nos territoires.

Nous avons également des inquiétudes sur les modalités retenues pour la création de cette agence.

Premièrement, nous estimons que son statut devrait être celui d’un établissement public administratif fonctionnant avec des personnels fonctionnaires ou sous contrat public, afin d’affirmer la dimension d’intérêt général des missions de l’agence, à l’opposé d’une vision presque exclusivement commerciale. Nous nous inscrivons ainsi en faux avec la conception, soutenue dans le rapport de Serge Morvan, d’une logique de guichet faisant face à des « clients ». Les mots utilisés en disent long !
Deuxièmement, nous sommes rassurés pour ce qui concerne les missions de cette agence, car la proposition ne va pas aussi loin que le rapport Morvan en termes d’intégration des opérateurs de l’État, notamment de l’ANRU et de l’ANAH.

Pourtant, nous sommes inquiets. Alors que le CGET est intégré dans cette agence, nous constatons qu’il n’est fait aucune mention de la politique de la ville dans les missions de cette dernière. Pourquoi ce trou noir ? Qui s’occupera demain de ces politiques ? Nous proposerons donc de reprendre très explicitement toutes les missions du CGET, à l’exclusion bien sûr de ce qui relève de l’administration centrale, au sein des compétences de la future agence.

Nous sommes d’ailleurs dubitatifs : l’ensemble de la politique de cohésion des territoires serait confié à cette agence. Nous estimons pourtant que l’État conserve une responsabilité première en la matière.

L’État ne saurait être seulement un guichet. La puissance publique doit offrir une vision, un cadre et les outils pour atteindre des objectifs, outils définis avec le concours de la représentation nationale. La création de l’agence ne peut donc s’accompagner d’une déresponsabilisation de l’État ou d’une multiplication des partenariats public-privé, comme le permet la possible filialisation de la future agence.

Enfin, cette agence se place, non pas dans une volonté de décentralisation, mais dans une vision très verticale du pouvoir. Ce n’est en réalité qu’une déconcentration renforcée autour d’un préfet de département qui devient omnipotent, seul interlocuteur pour les élus locaux.

Par ailleurs, cette nouvelle agence, en se plaçant dans la position d’un guichet unique, reste dans cette même logique de collectivités usagères et non coconstructrices de politiques publiques.

Nous proposerons, à l’inverse, de rendre majoritaire la représentation des collectivités et des élus locaux dans le conseil d’administration de l’agence, au sein duquel la parité entre les femmes et les hommes a d’ores et déjà été retenue par le rapporteur, sur notre initiative. Pour retrouver de la sérénité, les rapports entre l’État et les collectivités doivent être fondés sur une confiance renouvelée et renforcée dans les collectivités.

Face aux enjeux climatiques, nous sommes tous conscients que la transition écologique et énergétique doit passer par les territoires qui sont les plus proches des citoyens, c’est-à-dire les communes et intercommunalités. Nous estimons qu’il convient d’ouvrir une nouvelle phase de décentralisation, mais avec des moyens financiers, humains et techniques de proximité. Il faut sortir du « tout privé », qui se désintéresse de l’intérêt général et de l’égalité républicaine. Les territoires ne peuvent être jugés sous le seul angle de la compétitivité.

Les mots ont leur importance. Or il n’est fait que peu de cas dans ce texte, tout comme dans le rapport Morvan, des habitants, des élus, des associations qui agissent au quotidien pour rendre nos territoires vivants, innovants et vertueux. Le mot « cohésion » a pris la place des mots « égalité » et « équité » pour ce qui est des territoires ; nous le regrettons !

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