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dossier Patrimoine national, la SNCF n’est pas à vendre

Servir la finance ou l’intérêt général ? Pour les libéraux du gouvernement comme de la Commission européenne, le transport ferroviaire se résume à une activité marchande, qui doit enfin être soumise à la logique impérieuse du profit, quitte à en finir avec sa mission historique de service public. C’est le sens profond de la réforme de la SNCF engagée par Emmanuel Macron et sa majorité. Une réforme qui prépare de fait le démantèlement et la privatisation de l’opérateur historique. Selon nous, le train relève au contraire de l’intérêt général. Il nécessite un système d’exploitation modernisé, unifié, public, sur un réseau unique, pour garantir une offre cohérente et performante, ainsi qu’une péréquation à l’échelle nationale.

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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une réforme qui obéit à la délétère idéologie néolibérale

Nouveau pacte ferroviaire -

Par / 29 mai 2018

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’histoire du rail français fait partie intégrante de l’histoire de France. Il s’agit d’un patrimoine national, de ceux qui font la grandeur de notre pays, de ceux auxquels les Français sont particulièrement attachés.

De fait, notre système ferroviaire a toujours compté parmi les meilleurs au monde. Par son maillage extrêmement dense, il est un facteur essentiel d’égalité entre les citoyens et d’unité territoriale. Il assure tant la vitalité des territoires que la cohésion du pays.

Alors que la fracture territoriale et la transition écologique comptent parmi les défis majeurs du siècle, il est primordial de préserver notre réseau et notre excellence ferroviaire.

Pourtant, ce projet de loi est synonyme de retour en arrière. En effet, il y a plus de quatre-vingts ans, la SNCF a été créée pour remédier aux difficultés d’investissements et d’organisation du secteur ferroviaire.

En 1937, pour mettre un terme à la myriade inopérante de petites compagnies privées, le Front populaire décide d’unifier celles-ci en une seule compagnie nationale. Cette décision historique a permis à la SNCF non seulement d’atteindre l’excellence, notamment avec la création du TGV, mais aussi d’achever le maillage du territoire en assurant une nécessaire péréquation entre les lignes rentables économiquement et les lignes rentables socialement.

C’est aujourd’hui précisément cela que menace ce paquet ferroviaire, qui obéit à la délétère idéologie néolibérale. Mais non content de répondre aux exigences européennes d’ouverture à la concurrence, ce projet de loi fait du zèle ! En effet, il n’était nullement besoin de transformer la SNCF en société anonyme. L’opération n’a qu’un seul objectif : permettre demain, par un second texte de loi, l’ouverture du capital de la SNCF et sa privatisation progressive.

Vous ne tromperez personne, cette méthode bien connue a déjà été utilisée pour Renault, France Télécom, EDF-GDF, et j’en passe.

M. Gérard Longuet. Et ça marche bien ! Voyez le résultat !

M. Guillaume Gontard. Même le président de l’ARAFER, instance chargée de superviser la mise en concurrence de l’activité ferroviaire, a reconnu que ce changement de statut n’était pas nécessaire. La seule vertu – si j’ose dire – de ce changement est qu’il oblige le Gouvernement à s’intéresser enfin à la dette de SNCF Réseau, pour ne pas tuer dans l’œuf la future société anonyme.

Cette dette, largement imputable à une stratégie étatique mal pensée du tout LGV, obère toute capacité de rénovation et de modernisation de notre réseau ferré. Or la vétusté de ce dernier est telle que l’on peut s’estimer heureux qu’il n’y ait eu, à ce jour, qu’un seul Brétigny-sur-Orge !

Cités en exemples, l’Allemagne et le Japon ont assumé la reprise de la dette ferroviaire et déployé des investissements massifs dans leur réseau avant la mise en concurrence. Cela aurait dû être le cœur de la réforme : au lieu d’anticiper l’explosion future de la dette, le Gouvernement en éponge le minimum vital tout en contraignant drastiquement les capacités d’investissement de SNCF Réseau.

À ce sujet, il faudra donc nous contenter d’une promesse insuffisante : avec 36 milliards d’euros en dix ans, on est loin des 40 milliards d’euros que l’Allemagne a investis en cinq ans sur son réseau avant d’ouvrir son rail, loin des besoins de nos infrastructures !

Il n’y a d’ailleurs aucun exemple d’ouverture à la concurrence qui ne soit pas un échec sans investissement public massif dans les infrastructures. Plus que le dogme concurrentiel bruxellois, c’est l’investissement public qui explique que les modèles ferroviaires allemand et suédois n’aient pas suivi complètement le catastrophique exemple britannique.

Madame la ministre, pour nous répondre, vous nous direz d’attendre le projet de loi de programmation des infrastructures, mais ce texte est renvoyé aux calendes grecques, tout comme le projet de loi d’orientation des mobilités, alors que nous aurions dû consacrer un débat global aux transports du XXIe siècle !

Oui, la création d’un véritable service public ferroviaire méritait une réforme d’envergure. Or, dans une stratégie bien connue d’écran de fumée, le Gouvernement a préféré concentrer le débat sur le statut des cheminots, une paille qui permettra à la SNCF d’économiser 10 millions d’euros, 15 millions d’euros au mieux ; en revanche, ses agents s’en trouveront un peu plus précarisés… Quelle mesquinerie ! Qu’il est commode de tenter de dresser les Français les uns contre les autres pour démanteler sans bruit le service public, patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

À rebours d’un enjeu comptable, rappelons que ces agents dévoués assurent une mission de service public et ne sauraient être des épouvantails masquant les difficultés de la SNCF. À l’opposé des attaques inacceptables que contient ce projet de loi, les cheminots doivent être confortés dans leur statut. Notre rapporteur lui-même l’a reconnu : loin d’être des privilèges, leurs acquis sociaux devraient être la norme pour tous les travailleurs de ce pays.

Nous remercions les cheminots d’avoir, par le sacrifice d’un mois de salaire, empêché le Gouvernement d’aller au bout de sa logique initiale : la privatisation de la SNCF par ordonnances. Grâce à leur engagement, la potion qui sortira du Sénat sera, je l’espère, un peu moins amère.

Néanmoins, selon une logique libérale bien connue de privatisation des profits et de socialisation des pertes, c’est tout le réseau secondaire qui restera à la charge du contribuable. En reportant le problème sur les régions sans accroître les moyens de ces dernières, on menace de disparition progressive des milliers de kilomètres de lignes.

En Allemagne, ce sont ainsi 10 000 kilomètres de lignes, soit 20 % du réseau, qui ont disparu en vingt ans. En France, Spinetta nous en promet 9 000 !

Une telle perspective est plus qu’alarmante (M. Jean-Paul Émorine acquiesce.) quand on examine les enquêtes d’opinion qui, en France, aux États-Unis ou en Autriche, établissent une corrélation irréfutable entre l’éloignement d’une gare et le vote d’extrême droite. Ce constat a d’ailleurs été relevé il y a quelques instants : supprimer une gare, supprimer une ligne, c’est renforcer ce sentiment d’abandon qui mine la concorde nationale.

Mme Cécile Cukierman. Exactement !

M. Guillaume Gontard. Enfin, deux ans après la signature de l’accord de Paris, comment peut-on encore envisager de remplacer des trains par des cars, des trains de fret par des camions ? Comment peut-on envisager d’accroître nos émissions de gaz à effet de serre ?

La réflexion sur l’avenir de la SNCF doit partir des besoins et non des moyens ; du besoin de mobilité de tous nos territoires et du besoin impérieux de transition écologique.

Chers collègues, vous l’aurez compris, de notre point de vue, ce projet de loi n’apporte pas de solutions aux problèmes actuels du rail français ; pis encore, il les aggravera. Nous sommes loin d’un grand service public du ferroviaire. Partout en Europe, l’ouverture à la concurrence, vendue comme une potion magique, a systématiquement entraîné une augmentation des tarifs, des suppressions de lignes au détriment des territoires, une baisse des services et de la sécurité, ainsi qu’un allongement des trajets.

Madame la ministre, affirmer qu’il en ira différemment chez nous relève du dogmatisme et non du pragmatisme dont vous vous prévalez. Pour toutes ces raisons, vous l’imaginez bien, les élus du groupe CRCE ne voteront pas ce projet de loi.

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