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Finances

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Bien loin de réorienter l’Europe dans le sens du progrès social et écologique, ce traité nous soumet encore davantage aux marchés

Ratification du TSCG : question préalable -

Par / 11 octobre 2012

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains orateurs convoquent les philosophes de la Grèce antique ou un grand poète comme Victor Hugo à l’appui de leur plaidoyer en faveur du TSCG.

Plus modestement, en ma qualité de citoyen qui a combattu, en d’autres temps, le traité de Maastricht et le traité établissant une Constitution pour l’Europe, je vais vous proposer une lecture peut-être plus terre-à-terre, mais plus fidèle me semble-t-il, du texte.

Approuver la ratification de ce traité portant sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne ne permettra pas, à mon avis, d’ouvrir de nouvelles perspectives à la construction européenne et de la réorienter dans le sens du progrès social et de la transition écologique. En l’état actuel des choses, ce serait, bien au contraire, franchir une nouvelle étape sur la voie de la soumission des pays européens aux marchés financiers, qui sont les principaux responsables de la crise que nous subissons depuis quatre ans.

J’ai été pourtant très attentif, hier et ce matin encore, aux arguments avancés par les défenseurs de la ratification, de droite comme de gauche. J’avoue avoir été davantage convaincu par les orateurs de l’UMP et de l’UCR. Ils ont raison d’approuver massivement la ratification, car, incontestablement, ce traité est le leur. Il est en totale conformité avec la politique conduite lorsque la droite était au gouvernement dans notre pays.

En revanche, je continue à m’interroger sur ce qui pousse la majorité de la gauche à trouver aujourd’hui à ce traité autant de qualités. J’ai entendu beaucoup de choses ces dernières heures, des arguments très sérieux, mais également des éléments plus troublants.

Par exemple, j’ai entendu affirmer que ce traité ne serait pas « récessionniste », qu’il porterait même en lui certains mécanismes de croissance, qu’il serait déjà dépassé – alors à quoi bon en débattre ? – et que même si nous ne le ratifiions pas, cela ne modifierait rien à la situation car tous les mécanismes ont déjà été mis en place à Bruxelles. Pis, si nous ne le ratifiions pas, nous nous exposerions à des sanctions financières terribles !

Pour votre part, monsieur le ministre, vous avez tenu en substance les propos suivants : « ce traité, nous ne l’aurions pas écrit, nous ne l’aurions pas signé, mais nous pouvons en faire une autre lecture ». Au dire de notre collègue Christian Bourquin, il est même vraiment dommage que ce ne soit pas la gauche qui l’ait rédigé, tant il est paré de vertus ! Je suis presque désolé de ne pas partager un tel enthousiasme…

Plus sérieusement, par le biais de la présentation de cette motion, je vais m’efforcer – humblement ! – de montrer toute la nocivité du pacte budgétaire européen, que ce soit pour l’Europe ou pour notre pays. Mais je veux d’abord récuser certaines accusations portées contre tous ceux qui, comme nous, s’opposent à la ratification du traité. Ils sont pourtant nombreux, en France et en Europe, notamment à gauche, dans les organisations syndicales, dans les associations et même chez les économistes. Je ne saurais d’ailleurs trop vous recommander la lecture du communiqué du collectif des économistes atterrés : leur analyse est édifiante.

Voulons-nous que la France manque à sa parole, affaiblir le Président de la République auprès de nos partenaires européens ? Puisqu’il n’y aurait pas d’autres solutions crédibles, aucun « plan B » pour sauver l’euro et les économies européennes, sommes-nous irresponsables et animés de la volonté de détruire la construction européenne et de sortir de la monnaie unique ? Non, bien sûr ! Ce sont là de simples arguments d’autorité utilisés contre nous, à l’instar de la dramatisation d’un rejet du traité, qui, paraît-il, déchaînerait automatiquement une spéculation effrénée des marchés contre la France, au prétexte que nous aurions refusé non pas le sérieux budgétaire, mais les mesures d’asphyxie de l’économie et de baisse des ressources fiscales qu’implique toute politique d’austérité.

C’est aussi vouloir faire peur à l’opinion publique que de menacer, en avertissant que seuls les pays ayant ratifié le traité pourront bénéficier, le cas échéant, des mécanismes de solidarité.

Refuser d’approuver ce traité en l’état, ce serait manquer à la parole de la France et aux engagements pris par le précédent Président de la République ? Il faut se souvenir qu’au début de cette année, au plus fort de la crise de la dette publique, et devant l’absence de volonté politique des États membres de se défendre contre les attaques spéculatives des marchés financiers, ce sont nos partenaires et amis Allemands qui ont réussi à faire prévaloir leur vision des choses, en faisant d’abord accepter par les États des règles budgétaires draconiennes, avant la mise en place de tout mécanisme de solidarité.

Pourquoi, dans ce cas, avoir considéré, en mars, lorsqu’il a été signé – le Royaume-Uni et la République tchèque s’y sont d’ailleurs refusés –, que ce traité était mauvais et dangereux et avoir fait de sa renégociation un argument majeur de la campagne présidentielle ? J’avoue ne pas bien comprendre !

Les avancées très discutables obtenues par le Président de la République lors du Conseil européen du mois de juin dernier ne changent en rien la nature même du traité. Il reste fondamentalement sous-tendu par la même logique d’orthodoxie budgétaire libérale, totalement étrangère aux réalités économiques et à la vie des sociétés.

Le traité et lesdites « avancées » forment en fait deux blocs différents. Le pacte de croissance, par exemple, dont l’obtention de haute lutte a été revendiquée par le Président de la République, est un accord politique résultant du compromis négocié lors de la réunion du Conseil européen des chefs d’État et de Gouvernement des 28 et 29 juin. En effet, d’un point de vue formel, il n’est pas juridiquement lié au traité, qui n’en fait d’ailleurs aucune mention. Par ailleurs, il convient vraiment de relativiser ce que le Président Hollande avait présenté comme des concessions faites par l’Allemagne. Je me souviens que, à l’époque, un éditorialiste de la presse régionale avait commenté cet épisode en disant, en substance : « nous avons donné notre montre à Mme Merkel, elle nous a donné l’heure ».

Je rappelle que notre groupe avait mis l’accent sur cette réalité dès le débat organisé dans cet hémicycle après la tenue du fameux sommet de juin. Nous ne partagions pas la satisfaction et l’optimisme du Gouvernement, qui nous présentait l’obtention de ces résultats comme un tournant très positif dans la construction européenne. Répétons que les 120 milliards d’euros consacrés à de nouveaux investissements joueront certainement un rôle dans la relance économique, mais que cet effort, s’il ne doit pas être sous-estimé, reste relativement modeste : cela ne représente en effet que 1 % du PIB de l’Union européenne.

Nous le savons tous, ce pacte reprend en grande partie des propositions que la Commission européenne avait jusque-là du mal à imposer. Il repose, pour l’essentiel, sur l’utilisation de fonds existants, qui financeront des projets innovants dans les domaines de l’efficacité énergétique et des infrastructures stratégiques, ainsi que les PME.

Pour autant, les effets de ce train de mesures, dont l’augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d’investissement, demeurent incertains. Dans les jours suivant leur annonce, les analystes jugeaient déjà presque toutes ces dispositions très insuffisantes au regard des besoins économiques et sociaux. Avec l’adoption du pacte de croissance, François Hollande a sans doute obtenu une victoire politique et symbolique en faisant en partie partager ses conceptions par une majorité d’États membres, mais, sur le fond, c’est bien parce qu’il a accepté que le pacte budgétaire signé par son prédécesseur sorte intact de ce sommet que quelques concessions mineures lui ont été faites par la Chancelière allemande. En cédant, il a renoncé à faire valoir auprès de nos partenaires européens certains de ses engagements de campagne.

La ratification du traité budgétaire sans aucune modification, même s’il est flanqué de quelques mesures aux effets incertains sur la croissance, permettra avant tout d’appliquer des politiques d’austérité dans tous les pays.

Je l’admets tout à fait, le contexte a évolué, avec la décision de la BCE de mieux s’impliquer dans le sauvetage de l’euro et le « feu vert » de la Cour constitutionnelle allemande au Mécanisme européen de solidarité. Mais ces dispositifs sont des mesures d’accompagnement, un placebo pour atténuer les ravages des politiques d’austérité menées par tous les gouvernements européens, dont ils ne contrebalanceront pas efficacement les graves effets.

Mes chers collègues, ce n’est pas sur le pacte de croissance, ni sur la taxe sur les transactions financières, ni sur la supervision bancaire que vous êtes appelés à vous prononcer aujourd’hui, mais bel et bien sur le traité signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Ainsi, contrairement à ce que prétendent le Premier ministre et les membres du Gouvernement, si le contexte général a peut-être légèrement évolué en Europe, le traité lui-même n’a pas changé depuis sa signature, en mars dernier. Son application sera très néfaste pour les peuples et les pays européens.

Serait-ce prendre le risque d’ouvrir une crise politique en Europe que de ne pas ratifier ce traité en l’état ? Après tout, au plan juridique, si la France ne le ratifie pas, il pourra néanmoins entrer en vigueur le 1er janvier 2013 dès lors que douze des dix-sept pays de la zone euro l’auront ratifié. Par ailleurs, s’il s’agit de respecter des règles budgétaires, de donner des gages de sérieux à nos amis Allemands pour qu’ils acceptent les mécanismes de solidarité et de rassurer les marchés financiers, il existe déjà le fameux six-pack, qui a considérablement durci le pacte de stabilité et renforcé la surveillance macroéconomique des États membres.

Si nous avions vraiment obtenu des avancées aussi importantes qu’on nous l’affirme, ne serait-ce pas au contraire l’occasion d’élargir la brèche, de profiter d’un contexte plus favorable aux positions de la France ? N’est-il pas temps de rassembler un plus grand nombre de pays autour de nos propositions et de notre conception de la construction européenne ?

Politiquement, un « non » français pèserait d’un grand poids en Europe. Il permettrait certainement au Président de la République de remettre sur le tapis sa proposition de renégociation du traité, sur la base d’un nouveau rapport de force en Europe. Cela permettrait, j’en suis persuadé, d’aller plus loin que ce que les Allemands ont accepté de M. Draghi et d’obtenir, par exemple, un accord sur la question centrale de la modification du rôle de la BCE. Nous aurions un certain nombre d’alliés, et serions certainement en position plus favorable pour refuser d’inscrire l’austérité dans le marbre des textes et trouver au contraire un accord temporaire sur un gouvernement économique de la zone euro, qui ouvrirait la voie à l’harmonisation sociale et fiscale de nos économies européennes. Ce serait cela, refonder l’Europe dans le sens du progrès social et démocratique !

Mes chers collègues, je souhaite à présent évoquer les aspects les plus néfastes du traité.

Le raisonnement qui fonde sa logique est que la crise traversée par nos économies européennes est due à la dette publique. Ce dogme, nous le refusons, parce que nous en contestons la vérité. C’est pour cette raison que nous considérons que l’obsession du Président de la République et du Gouvernement de réduire à tout prix les déficits publics nous entraînera inévitablement à appliquer des remèdes pires que le mal.

La montée des déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales, due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, à l’aide publique accordée aux banques commerciales et au recours aux marchés financiers pour emprunter à des taux d’intérêt élevés. La crise est aussi entretenue par la Banque centrale européenne, qui appuie sans condition les banques privées, mais exige à présent des États une « stricte conditionnalité » d’austérité, lorsqu’il s’agit de jouer le rôle de « prêteur en dernier ressort ». La mise en œuvre du traité ne changera rien en la matière.

D’un strict point de vue économique, ce traité est une aberration. C’est pourtant au nom de la rationalité économique que l’on introduit la fameuse « règle d’or », dont l’application interdirait l’engagement de dépenses publiques d’avenir et conduirait à mettre en place un programme drastique de réduction de l’ensemble des politiques publiques, à l’échelon tant national que local.

En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant d’équilibrer leurs comptes publics, le traité est bien sous-tendu, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, par une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels.

Les budgets publics seront peut-être en équilibre, mais par quelles ressources et quelles activités économiques seront-ils alimentés ?

Par ailleurs, la prétendue « solidarité européenne » acceptée par l’Allemagne est une supercherie. Outre qu’elle est conditionnée à la mise en œuvre de mesures qui étranglent littéralement les sociétés, il faut bien comprendre qu’il s’agit surtout d’organiser la garantie, par les États, des grands patrimoines financiers des banques privées.

Enfin, nous dénonçons vigoureusement la façon dont le traité bafoue les souverainetés nationales en matière budgétaire. En effet, il impose aux représentants des peuples des mesures d’austérité automatiques, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées et contrôlées par des instances non élues. La règle d’équilibre budgétaire, qui n’est certes pas nouvelle, se trouve en effet considérablement durcie, par la fixation d’un plafond de déficit structurel de 0,5 % du PIB.

Plus grave encore, le traité instaure aussi un contrôle permanent et coercitif de la Commission européenne sur l’effort de réduction des déficits budgétaires des États membres. Sa mission est modifiée : désormais, elle surveille et sanctionne.

Très concrètement, en cas de déficit trop important, un mécanisme de correction automatique s’appliquerait à l’État concerné, qui devrait alors présenter à la Commission et au Conseil, pour approbation, un programme de réformes structurelles. La Commission aurait ainsi toute liberté d’imposer, comme c’est aujourd’hui le cas pour la Grèce, des réformes structurelles désastreuses : programmes de privatisations, de flexibilisation du marché du travail ou de baisse des dépenses sociales, notamment.

De plus, comme cela est très explicitement précisé à l’article 7 du traité, chaque État devrait soutenir les mesures antisociales imposées par la Commission à un État voisin. Avec un tel carcan, que reste-t-il de la liberté des relations bilatérales entre États ? En cas de non-respect de la discipline budgétaire ou de transposition insuffisante des dispositions du traité, les États vertueux auraient la possibilité de poursuivre en justice les États en difficulté afin que leur soient infligées de lourdes sanctions. Il s’agit en fait d’instaurer une forme de délation entre États souverains, au risque de provoquer de dangereuses tensions entre les pays et les peuples et, à terme, d’ébranler toute forme de solidarité européenne ! Et dire que le texte du traité qualifie ce processus de « partenariat budgétaire et économique », alors qu’il s’agit purement et simplement d’une mise au pas, s’ajoutant aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance et du six-pack !

Ainsi, l’élaboration du budget de la France sera en permanence placée sous l’étroite surveillance de la Commission européenne, dont le rôle sera renforcé pour en faire un véritable directoire du capitalisme financier à l’échelle de l’Europe.

En amont, les orientations budgétaires des États devront être validées, en mai et juin, par les instances européennes ; en aval, les projets de loi de finances jugés trop dépensiers pourront être attaqués et dénaturés selon les critères de l’orthodoxie budgétaire libérale.

Mes chers collègues, mesurez bien qu’en autorisant la ratification de ce traité, vous franchiriez un nouveau pas vers un fédéralisme européen autoritaire, dont les bases seront jetées dès le prochain Conseil européen des 18 et 19 octobre. Pour notre part, nous refusons de nous engager sur ce chemin. Il est encore temps d’écarter cette perspective en rejetant la ratification du traité.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.

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