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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux

Loi de finances pour 2015 : agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales -

Par / 4 décembre 2014

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souscrivions pour une large part aux grands objectifs affichés lors du récent débat sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Hélas ! La lecture des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » montre que le compte n’y est pas. Les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions pour une véritable politique alimentaire et une réelle orientation en faveur de l’agroécologie.

Comment peut-on assurer une production de qualité sur tous les territoires et un revenu digne aux agriculteurs, objectifs prioritaires de la politique agricole, sans mobiliser les moyens adaptés ?

Les crédits de la mission connaissent une baisse de 4 %, pour la cinquième année consécutive. Certes, une part importante de la baisse des crédits nationaux en 2015 est compensée par l’évolution des crédits communautaires. Mais ceux-ci sont également en diminution.

Malheureusement, si, en mathématiques, moins par moins, cela fait plus, dans le cas présent, l’évolution européenne du budget entraîne pour notre pays une perte d’environ 5 % des aides de premier pilier et de 3 % sur le deuxième pilier.

M. François Patriat. La PAC a été très bien défendue !

M. Michel Le Scouarnec. L’agriculture doit conserver, et même accroître son rôle dans l’aménagement et le développement des territoires. Le renforcement des services publics, des commerces de proximité et de l’emploi est également un enjeu important pour la revitalisation des zones rurales. Aujourd’hui comme hier, il ne suffit pas de proclamer les vertus de la ruralité ; encore faut-il la faire vivre !

De plus, les modes de production agricole doivent nécessairement être diversifiés et permettre la sauvegarde des petits et moyens exploitants familiaux. Il s’agit également de développer des modes d’exploitation durable en privilégiant les plus économes en pesticides et les plus respectueux de la biodiversité et des ressources naturelles.

M. Joël Labbé. Très bien !

M. Michel Le Scouarnec. N’oublions pas le bien-être animal. Les vaches sont mieux dans les prairies à paître l’herbe grasse plutôt qu’attachées du matin au soir dans d’immenses étables !

La nouvelle PAC sera dépourvue de mécanismes efficaces de régulation. Ses effets seront variables selon les productions et les territoires, mais ils ne seront globalement pas à la hauteur des enjeux sociaux, alimentaires et environnementaux. Selon de nombreux observateurs, le verdissement promis est devenu un simple procédé de communication en vue de se donner une image écologique responsable. Sauf pour les compétences transmises aux États, la PAC reste avant tout un outil de l’économie de marché et de la mondialisation. Elle laisse libre cours à la dérégulation, à la fin des quotas et à la spéculation alimentaire.

Et ce ne sont pas les accords transatlantiques en cours de négociation qui vont arranger les choses pour l’agriculture française ; bien au contraire !

Certes, nous devons reconnaître que la plupart des enveloppes au service de l’installation, de la compétitivité, de la sécurité sanitaire, de la forêt ou encore de la prise en charge des frais de fonctionnement des opérateurs sont reconduites.

Je tenais également à saluer l’effort budgétaire à l’appui du renouvellement et de la modernisation des exploitations agricoles. Par exemple, la dotation pour les jeunes agriculteurs augmente de 5 millions d’euros, passant de 21 millions d’euros à 26 millions d’euros. C’était un point fort de la loi agricole que nous avons votée au mois de juillet dernier.

De même, nous nous félicitons du maintien du Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture.

Cependant, le Gouvernement utilisera seulement 1 % du budget du premier pilier. Or il lui était possible d’aller jusqu’à 2 %, ce qui aurait été la marque d’un vrai engagement en faveur de l’installation des nouveaux agriculteurs.

Chaque année, environ 16 000 exploitations agricoles ne trouvent pas de repreneur. Entre 2000 et 2010, notre territoire a perdu 25 % de ses agriculteurs.

D’une part, beaucoup de jeunes exploitants, près de 2 000 chaque année, seront exclus de cette aide, à cause de critères restrictifs. D’autre part, comme cela a été souligné, sur les 13 000 installations constatées chaque année, un peu moins de 60 % sont éligibles au dispositif d’aide réservé aux moins de quarante ans. Nous avions pourtant soulevé la question lors du débat législatif sur l’agriculture et pointé la nécessité d’étendre le dispositif non seulement aux jeunes, mais également à tous les nouveaux agriculteurs.

J’en viens au service public de la sécurité alimentaire. Le Gouvernement mène une politique d’austérité, et ce projet de loi de finances l’illustre.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Mais non !

M. Michel Le Scouarnec. Les restructurations des services du ministère de l’agriculture et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne sont pas remises en cause. L’alimentation, la sécurité alimentaire et la traçabilité auraient dû être des axes essentiels de la loi, notamment s’agissant des fraudes.

Or il n’y a pas suffisamment de moyens humains et financiers pour les services chargés des différents contrôles réglementaires et sanitaires. L’externalisation des services de contrôle de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, en témoigne.

Que dire également du financement des chambres d’agriculture, avec la création d’un Fonds national de solidarité et de péréquation et la baisse concomitante de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, qui passe de 297 millions d’euros à 282 millions d’euros ? Depuis de nombreuses années, ces organismes consulaires ont observé un plafonnement en valeur de leurs recettes fiscales, alors qu’ils doivent assurer de nouvelles missions déléguées par l’État.

L’objectif du développement durable de la forêt est mis en avant. Mais cela ne peut se concrétiser qu’en réaffirmant les principes d’une gestion multifonctionnelle mise à mal depuis plusieurs années. Il faut donc un véritable réengagement de l’État et l’arrêt de la privatisation rampante de l’ONF.

Or le financement du régime forestier est régulièrement remis en cause, l’État cherchant à se désengager en faisant supporter les coûts à d’autres acteurs.

Les crédits du programme 149, qui définissent la politique nationale en matière de forêt et de filière bois, sont en baisse de 15 % par rapport à 2014, ce qui ne permet ni d’apporter une réponse adéquate à l’exploitation de nos forêts en accord avec les besoins économiques, sociaux et culturels ni de renouveler durablement cette ressource.

L’ONF est asphyxié financièrement. Il subit une baisse drastique de ses crédits.

Et la subvention du Centre national de la propriété forestière est réduite à zéro, contre 16 millions en 2014.

Pourtant, la création, la même année, du Fonds stratégique de la forêt et du bois, et les enjeux soulevés lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constituaient des signaux encourageants. Aussi, nous nous étonnons de la contradiction entre ces diminutions de crédits et les louables objectifs annoncés.

Le régime forestier assure une péréquation financière entre les régions où l’exploitation forestière est rentable et celles qui sont dotées de grandes forêts peu productives. Or son financement continue d’être remis en cause.

Le projet initial prévoyait d’augmenter les taxes à l’hectare payées par les communes à l’ONF, afin d’économiser 50 millions d’euros sur trois ans. Pour apporter des garanties face à l’indignation provoquée par cette proposition, il a été demandé à l’Office de prendre à sa charge une baisse de dotations de 20 millions d’euros. Cette solution est très loin d’être satisfaisante !

De plus, l’ONF a perdu presque 20 % de ses effectifs depuis quinze ans. Il lui est pourtant encore demandé de supprimer 150 équivalents temps plein par an. Ce n’est ni raisonnable ni acceptable au vu de la souffrance dans laquelle se trouve son personnel.

Ce budget est loin des 150 millions d’euros par an qui sont nécessaires à la relance de la filière bois. À l’heure de la transition énergétique, il faut encourager non seulement le développement des chaudières biomasse ou à bois, mais aussi l’exploitation du bois produit en France, ce qui favorise les filières courtes.

Monsieur le ministre, les crédits proposés sont insuffisants pour financer la modernisation de la filière bois que vous appelez pourtant de vos vœux. C’est surprenant ! L’État s’apprête à apporter 70 millions d’euros par an pendant vingt ans au projet d’E.ON à Gardanne, projet privé allemand de centrale biomasse dont la validité économique, et surtout écologique est loin d’être démontrée.

Dans le contexte actuel, nous attendions plus de ce budget. La gestion de la forêt va constituer un enjeu majeur pour notre société. Elle est déjà exposée aux convoitises et aux spéculations, et elle perd malheureusement tous les arbitrages face aux lobbies financiers, industriels ou immobiliers. La gestion de la forêt publique doit rester exemplaire, le régime forestier ayant montré depuis plus de deux siècles son efficacité face aux pressions des intérêts du court terme.

Vous l’aurez compris, même si nous soulignons certaines avancées, nous affirmons que notre politique agricole et forestière mérite une ambition porteuse de plus d’espoir pour nos exploitants.

Il n’y a qu’une marche à franchir. Malheureusement, ce budget ne le permet pas aujourd’hui. C’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

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