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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce budget ne contient aucune mesure forte en faveur de la création ou du maintien d’emplois

Loi de finances pour 2010 : travail et emploi -

Par / 2 décembre 2009

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous faire part de notre mécontentement face au manque, cette année, d’auditions préparatoires en commission.

Pour ses travaux, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales – je regrette qu’il ne soit pas présent ce soir – a peut-être entendu à huis clos certains des acteurs concernés, mais nous déplorons l’absence d’auditions en commission, notamment celle des ministres.

Ce n’est pas reconnaître, loin s’en faut, le rôle accru du Parlement, ambition pourtant affichée dans la dernière réforme constitutionnelle ! À ce titre, mes chers collègues de la commission des affaires sociales, je vous rappelle la parodie d’audition à laquelle nous avons assisté pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale…

M. Guy Fischer. C’est bien vrai !

Mme Annie David. La campagne de communication sur le renforcement de nos institutions n’est en réalité qu’un leurre qui cache mal le mépris du Gouvernement envers le parlement. Il y a les discours et il y a la réalité ! Cette précipitation est une illustration supplémentaire de la marche forcée dans laquelle ce gouvernement veut nous faire travailler.

J’en viens au budget de la mission « Travail et emploi ».

Nous ne pouvons que constater qu’il n’est vraiment pas à la hauteur des besoins. Alors que notre économie connaît une grave crise et que les destructions d’emplois se chiffrent par milliers chaque jour, sans signe d’amélioration avant le second semestre de 2010, il affiche des crédits en baisse de 6 %. Ce ne sont pas les quelques hausses sur tel ou tel programme, ni le « raccrochage » du plan de relance, ni les exonérations de cotisations sociales, ni certaines dépenses fiscales qui pourront nous tromper !

Je rejoins, une fois n’est pas coutume, M. le rapporteur spécial de la commission des finances : ce budget ne contient aucune mesure forte en faveur de la création ou du maintien d’emplois sur notre territoire. Tout au plus est-il constitué d’un catalogue de mesures « rustines », posées ici et là pour cacher l’ampleur des dégâts.

Ainsi, le travail précaire et le travail à temps partiel subi sont institutionnalisés par l’entrée en vigueur du contrat unique d’insertion. Les destructions d’emplois non seulement ne sont pas combattues, mais ne coûtent pratiquement rien aux employeurs, grâce aux contrats de transition professionnelle, les CTP, et aux conventions de reclassement personnalisé, les CRP, alors que seule une minorité des titulaires d’une CRP parvient à se réinsérer dans l’emploi au terme de la convention – M. le rapporteur pour avis l’écrit lui-même dans son rapport. Enfin, les exonérations de cotisations sociales en tout genre, qui sont offertes aux employeurs, semblent être la seule réponse du Gouvernement aux énormes problèmes à résoudre.

Ce budget permet, au mieux, un simple accompagnement social du chômage et il banalise une triste réalité, celle des travailleurs pauvres. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, 9,9 % des travailleurs salariés ont aujourd’hui un revenu mensuel inférieur au seuil de pauvreté, soit 910 euros.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pourrais résumer en quelques mots votre politique : casse des droits des salariés et cadeaux fiscaux aux patrons !

Un autre fait marquant, non jugulé avec ce budget, est la forte hausse du chômage qui touche les jeunes, en particulier les jeunes peu qualifiés. Entre mai 2008 et mai 2009, le nombre de jeunes de moins de 25 ans inscrits à Pôle emploi a augmenté de 32,6 %, alors que la hausse générale du chômage était de 18,4 %.

Par ailleurs, on peut s’alarmer de la situation des 120 000 jeunes sortis en 2009 du système scolaire sans diplôme et sans qualification, lorsque l’on sait que, parmi celles et ceux qui sont sortis de l’école en 2004 dans la même situation, 32 % n’ont toujours pas trouvé d’emploi en 2009, soit cinq ans plus tard ! Il est donc urgent de mettre en place de vraies mesures destinées à leur permettre de trouver un emploi dans des conditions acceptables.

C’est pourquoi nous soutiendrons – de nouveau, c’est inhabituel ! – les amendements proposés par M. le rapporteur spécial Serge Dassault, quant à la suppression de l’exonération dont bénéficient les restaurateurs sur les paniers repas de leurs salariés et, surtout, quant à l’affectation des fonds ainsi économisés.

En effet, cette exonération de charges, justifiée par le taux de TVA appliqué jusqu’ici dans ce secteur – 19,6 % –, n’a plus lieu d’être après le passage à 5,5 % de ce taux et son maintien à ce niveau, malgré les nombreux effets d’annonce sur un éventuel retour à 19,6 %. Je vous rappelle, mes chers collègues, que cette baisse engendre un manque à gagner pour le budget de 2,8 milliards d’euros.

Cette suppression rapporterait 150 millions d’euros de recettes nouvelles. Toujours dans l’idée de donner un emploi à nos jeunes et pour ne citer qu’un exemple, je pense que les missions locales, qui ont déjà prouvé leur efficacité, seraient ravies – c’est le moins qu’on puisse dire ! – de voir leur budget augmenter d’autant.

S’agissant de l’amendement sur l’apprentissage, nous ne sommes pas convaincus qu’il permettra une amélioration de la situation des jeunes. Dans ce domaine, nous savons que tout dépend du contenu de l’apprentissage et de l’état d’esprit de l’employeur. Nous en reparlerons lors de l’examen de cet amendement.

Dans la même logique, nous souhaitions la reconduction de l’allocation équivalent retraite, l’AER, pour l’année 2010. Cette mesure, qui permet à des personnes proches de la retraite de partir dans des conditions dignes, après une vie salariée bien remplie, libère, par la même occasion, des emplois pour les jeunes arrivant sur le marché du travail.

Face aux très mauvais chiffres du chômage d’octobre, monsieur Wauquiez, vous aviez annoncé des « mesures plus offensives » à partir de 2010. Pourquoi ne pas les inscrire dès aujourd’hui dans le présent budget ? À moins que ce ne soit qu’une déclaration de plus…

À propos, justement, de distorsion entre les déclarations et la réalité du terrain, je souhaite m’attarder sur la situation extrêmement préoccupante de Pôle emploi, qui illustre parfaitement cette distorsion. Non, contrairement à la communication gouvernementale, que semble relayer M. le rapporteur pour avis, Alain Gournac, Pôle emploi n’a pas surmonté ses difficultés !

Certes, la fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi et les ASSEDIC fut concomitante à l’arrivée de la crise et cette donnée ne peut être niée. Néanmoins, au vu de la manière dont cette réforme a été engagée, avec un total manque d’anticipation – résultat du caprice idéologique d’un gouvernement décrétant une priorité, sans se soucier de l’intendance qui n’avait qu’à suivre, mais qui ne le pouvait pas tant les difficultés à régler étaient énormes –, tout laissait présager qu’elle serait très douloureuse.

Ainsi nous sommes allés de renoncements en renoncements en termes de suivi des demandeurs d’emploi, le contingent suivi par un conseiller passant de 30 à 60, puis aujourd’hui, en moyenne, à 94 demandeurs d’emplois, sachant que, dans certaines agences, ce ratio peut monter jusqu’à 130, voire 180 demandeurs d’emplois !

M. Guy Fischer. On se moque des chômeurs !

Mme Annie David. Ces changements ne sont pas des détails. Ils modifient l’essence même de ce travail.

Ainsi, la personnalisation des prestations et le renforcement de l’accompagnement, principal objectif de la fusion, sont tout simplement impossibles à réaliser. Et ne parlons même pas de l’activité de prospection des entreprises, que les salariés de Pôle emploi devaient aussi prendre en charge...

M. Guy Fischer. Elle n’existe plus !

Mme Annie David. D’un prétendu service personnalisé, on en est arrivé à un véritable travail à la chaîne. Ni le transfert à la hâte de 320 000 dossiers vers de coûteuses structures privées ni les recrutements opérés ne vont suffire à remédier à cette situation, d’autant qu’on nous annonce déjà, avec le reflux du chômage, une diminution des effectifs de Pôle emploi. Donnons-lui déjà le personnel qu’il faut, avant de penser à le réduire !

Le plus grave est que cette fusion, bâclée et encore inachevée, va créer deux types de sacrifiés : les salariés de Pôle emploi, confrontés à des conditions difficiles de travail, et les demandeurs d’emploi eux-mêmes, encore plus mal accompagnés.

Prétendre que les difficultés sont derrière Pôle emploi est faux ! Vos discours, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, se heurtent, là encore, aux réalités.

Évidemment, comme M. le rapporteur pour avis le dit, nous ne prétendons pas avoir la solution miracle pour faire refluer le chômage. Mais, sachant que l’argent est le nerf de la guerre, nous déplorons que le Gouvernement refuse d’aller le chercher là où il est, en abrogeant le bouclier fiscal et en taxant les stock-options, les jetons de présence et les parachutes dorés.

Il préfère au contraire mettre en place la fiscalisation des indemnités journalières en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Nous voterons évidemment contre cette mesure particulièrement choquante et indécente, mais nous y reviendrons le moment venu.

La situation de l’emploi est aujourd’hui très préoccupante et elle est loin de s’améliorer. Comment, dans un tel contexte, justifier une politique drastique de réduction de fonctionnaires, quand, entre 2008 et 2009, les conseillers ministériels ont vu leur nombre augmenter de 17 % et leurs salaires progresser très substantiellement ? Comment imposer la rigueur salariale à toutes et à tous quand le Gouvernement ne cesse d’augmenter son train de vie ?

Nous estimons donc que le budget de la mission « Travail et emploi » n’est pas à la hauteur des besoins de notre pays. J’aurais souhaité aborder d’autres thèmes, par exemple le travail au noir ou l’égalité professionnelle, tous ces dossiers que le Gouvernement prétend vouloir ouvrir, mais qui sont tout juste évoqués et ne font même pas l’ombre d’une mesure dans ce budget !

Ce dernier répond à un « plan com », un plan de communication, qui est un véritable écran de fumée, mais ne permettra en rien d’apporter les réponses concrètes dont notre pays a besoin pour combattre la crise et ses conséquences en matière d’emploi.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre.

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