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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce collectif opère d’abord une nouvelle ponction sur les dépenses publiques

Loi de finances rectificative pour 2013 (nouvelle lecture) : question préalable -

Par / 18 décembre 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de ce marathon budgétaire de 2013. Le collectif de fin d’année que nous examinons aujourd’hui a suivi, sur bien des aspects, le même cheminement que le projet de la loi de finances pour 2014, dont nous avons achevé l’examen hier après-midi. Soixante-neuf amendements, dont treize reprennent des propositions du Sénat, ont été adoptés sans que soit modifiée la philosophie générale du texte, que, vous le savez, nous ne partageons pas.

Ce collectif opère d’abord une nouvelle ponction sur les dépenses publiques. À peine votés par le Parlement, les crédits budgétaires sont en partie mis en réserve, avant que la solidarité interministérielle ne joue pour accorder quelques subsides aux priorités du moment, tandis que l’essentiel des crédits gelés sont purement et simplement annulés.

C’est d’ailleurs ainsi que, cette année, les crédits nécessaires à nos interventions militaires extérieures sont gagés sur la réduction des crédits d’équipement de nos forces armées, mais aussi sur plus de quatre-vingt programmes divers et variés, qui concernent notamment la réhabilitation de l’habitat, la réalisation de modes de transport collectifs urbains, notre présence diplomatique et culturelle à l’étranger, le service public territorial, la préservation du patrimoine, sans oublier les ajustements habituels des dépenses de personnel liés aux vacances de postes budgétaires…

Abstraction faite de l’allégement de la charge de la dette, que nous pourrions du reste faire baisser bien davantage si notre pays était autorisé à se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, dont la mission aurait pu être redéfinie, et de l’atténuation des charges de remboursement et de dégrèvement des impôts et taxes, ce ne sont pas moins de 3,2 milliards d’euros qui sont annulés par ce collectif. La démarche ne peut manquer de susciter des interrogations puisqu’elle représente plus de 1 % des dépenses prévues par la loi de finances initiale.

Sur la méthode, force est de constater que cette manière de faire n’est pas acceptable et qu’elle finit par instrumentaliser la représentation nationale, contrainte de débattre d’un texte quasiment virtuel dont la véritable exécution est confiée, in fine, aux directeurs de missions et programmes. Que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ait fini par conduire à cette dérive technique ne nous surprend guère, car c’est précisément ce que nous avions craint lors de son adoption.

Le collectif budgétaire n’est pas seulement un texte relatif à l’ajustement des crédits votés en loi de finances initiale. Il comporte suffisamment d’articles pour que certaines de ses dispositions appellent une réflexion de notre part. Je pense notamment à l’élément le plus important du présent texte, à savoir le nouveau traitement fiscal de l’assurance vie. Voilà en effet un beau sujet, entrant parfaitement dans le cadre de la réflexion que nous devons mener sur notre régime de prélèvements sociaux et fiscaux. Cependant, la réponse qui est temporairement apportée sur ce point ne peut nous satisfaire.

Depuis trente ans, l’assurance vie est devenue l’un des placements les plus utilisés par nos compatriotes. Son encours atteint désormais 1 450 milliards d’euros, soit 70 % du PIB marchand : autant que la capitalisation boursière de la place de Paris et les trois quarts de la dette du pays. L’envolée récente de l’encours de l’assurance vie doit beaucoup, chacun le sait, à la baisse du taux de rémunération des livrets défiscalisés organisée par le ministère de l’économie et des finances, mais aussi et surtout aux choix d’investissement des principaux souscripteurs.

En effet, l’assurance vie, qui sert en quelque sorte de « poire pour la soif » aux contribuables les plus modestes – et les plus nombreux – est devenue au fil du temps un produit de pure optimisation fiscale pour ceux qui effectuent les placements les plus significatifs. Il est évident que l’exclusion des revenus des contrats d’assurance vie de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – jusqu’à l’âge de soixante-dix ans constitue une puissante incitation à choisir ce type d’investissement.

Les inégalités de patrimoine, qui n’ont souvent, quoi qu’on en dise et en pense, qu’un lointain rapport avec les talents et mérites personnels des uns et des autres, se sont beaucoup accrues depuis dix ans. Différents facteurs ont joué dans ce sens : baisses successives du taux marginal de l’impôt sur le revenu, qui se sont traduites par une réduction continue du taux de prélèvement apparent sur les plus hauts revenus ; mitage de la fiscalité de l’épargne, très largement favorable aux personnes disposant d’importants portefeuilles d’actions et d’obligations ou de placements immobiliers et fonciers ; multiplication des incitations fiscales à l’investissement immobilier ; larges exonérations en matière d’ISF ; taux d’imposition privilégiés et prélèvements libératoires. Toutes ces mesures et autres niches fiscales rentables ont constitué un puissant vecteur d’aggravation des inégalités.

Plutôt que de créer une nouvelle niche fiscale pour les placements en assurance vie, assortie d’un abattement de 700 000 euros qui se rapproche tout de même dangereusement du plancher d’imposition de l’ISF, un collectif budgétaire de gauche aurait mis en question une bonne partie de cette fiscalité des capitaux et du patrimoine dont nous avons hérité. Nos amendements exprimaient cette exigence puisqu’ils visaient notamment à revenir sur des mesures incitatives comme les dispositifs Dutreil-Seillière et ISF-PME, ainsi que sur l’exonération des biens professionnels et de l’assurance-vie. Aucun de nos amendements n’a trouvé grâce aux yeux du Gouvernement. Pourtant, ils ne relevaient pas d’une simple posture, contrairement à ce qui a été dit ici hier, mais représentaient un appel à l’examen d’une alternative constructive à gauche.

Cette exigence de justice fiscale ne transparaît évidemment pas dans le choix crucial de ce projet de loi de finances rectificative : l’essentiel de ses ressources provient une fois encore de la fiscalité indirecte. C’est une réforme fiscale de grande envergure que nos compatriotes attendent et espèrent. Le choix historique de la fiscalité indirecte comme vecteur principal des recettes publiques nous semble mis en question. La TVA connaît depuis quelque temps une certaine forme de stagnation, et l’état de la fraude, tel que mesuré par Eurostat, atteint des niveaux particulièrement élevés. Il est donc grand temps que la fiscalité dans notre pays prenne d’autres chemins que ceux qui ont été empruntés jusqu’ici.

La politique d’austérité actuelle, confirmée malgré l’alternance politique, sème le trouble, voire l’incompréhension chez bon nombre de nos concitoyens.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, les Françaises et les Français n’ont pas plus voté pour la retraite à soixante-six ans, rendue possible par la réforme présentée au Parlement, que pour une hausse de la TVA destinée à financer un nouvel allégement des cotisations sociales des entreprises, qui n’en ont, pour l’essentiel, nullement besoin. Dans un tel système, le salarié-consommateur est parfois mis deux fois à l’amende.

Non, les Françaises et les Français ont voté pour le changement, un changement radical et profond qui s’attaquerait aux privilèges de la fortune et aux entreprises tirant parti des niches fiscales et sociales afin de s’enrichir, pour le plus grand bonheur de leurs mandants et actionnaires.

Avant de remercier à mon tour l’ensemble de nos collègues qui ont participé au débat sur ce collectif budgétaire, dans des conditions pour le moins inhabituelles et, pour tout dire, assez peu respectueuses des droits du Parlement, et d’adresser mes sincères félicitations à tous les fonctionnaires du Sénat pour leur patience, leur disponibilité, leur compétence et leur attachement à un service public de qualité, je vous lirai quelques mots récemment écrits par un intellectuel latino-américain au sujet du mouvement du monde. Il me semble en effet que ces mots devraient guider nos choix fiscaux et politiques dans les mois et les années à venir.

« Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun. Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. »

L’auteur de ces lignes est, chacun l’aura sans doute reconnu, un certain Jorge Bergoglio, devenu au début de l’année le pape François. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est Noël !

M. Éric Bocquet. Même si l’on ne partage pas la vision du monde que le pape exprime par ailleurs dans ce texte, force est de constater que nous devrions tout de même nous inspirer des préoccupations dont il fait part dans ce passage, en particulier en cette période de l’Avent. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Hélas, nous n’en retrouvons aucune trace dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. Par conséquent, nous ne pouvons que le rejeter, et nous invitons le Sénat à faire de même en adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable.

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