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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce collectif prive l’État d’une recette de 550 à 600 millions d’euros

Loi de finances rectificative pour 2011 : conclusions de la CMP -

Par / 6 juillet 2011

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une question vient tout de suite à l’esprit, et sa pertinence, je dois le dire, ne se trouve aucunement remise en question au terme des travaux de la commission mixte paritaire.

Cette question est simple : dans quelle France vivons-nous pour que, face aux urgences sociales, à la persistance du chômage, à l’aggravation des difficultés de la vie pour un grand nombre de nos compatriotes, à la précarisation renforcée des conditions de vie de nombreux salariés, le Gouvernement ait jugé utile de procéder, et ce de façon prioritaire, à une réforme de la fiscalité du patrimoine ?

Face aux 2,6 millions ou 2,7 millions de chômeurs à temps plein de notre pays, face aux plus de 4 millions de chômeurs si l’on y ajoute les chômeurs à temps partiel, il était donc impératif de réduire la fiscalité du patrimoine et singulièrement l’impôt de solidarité sur la fortune, qui n’en constitue pourtant qu’un élément relativement secondaire !

En partant de pareils postulats, bien entendu, le texte que nous examinons aujourd’hui ne pouvait recevoir notre assentiment !

En une législature, le Gouvernement aura, à plusieurs reprises, abaissé les impôts, manifestant sa volonté de réduire les prélèvements obligatoires tout en concourant à la réduction des déficits publics…

Excusez ce détour mais, l’ironie n’étant pas forcément de mise, le résultat est aujourd’hui patent : le taux de prélèvements obligatoires n’a pas vraiment été réduit depuis 2007.

Quant au déficit, il semble en bonne santé puisque le présent collectif budgétaire l’arrête à plus de 90 milliards d’euros pour l’année, c’est-à-dire à quelque 600 milliards des francs d’avant l’euro, ou encore l’équivalent du produit global de la contribution sociale généralisée, près du double du rendement de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, et j’en passe !

Il faut croire qu’il y avait pourtant une « fenêtre de tir » pour réduire l’ISF, respectant en cela, si je puis dire, « le pacte caché de la nuit du Fouquet’s », c’est-à-dire les engagements que Nicolas Sarkozy avait pris auprès de ses plus sûrs soutiens le soir de son élection.

Comme la suppression de l’ISF ne faisait pas « bon genre » et risquait d’être interprétée par l’opinion comme un cadeau de plus pour les riches, bien sûr, on a fait autrement.

D’abord, dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, on a cherché à vider l’impôt de sa substance en abaissant le seuil de prise en compte de l’habitation principale et en inventant l’incroyable dispositif « ISF-PME » destiné à drainer l’épargne des contribuables vers les entreprises, et surtout à permettre à ces derniers de payer moins d’impôts, l’avenir des entreprises passant au second plan…

En effet, et je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, l’expérience a montré que les contribuables versaient au dispositif juste ce qu’il fallait pour ne plus payer d’impôt, ou pour diminuer leur impôt, et que les organismes collecteurs faisaient ensuite un peu ce qu’ils voulaient de l’argent collecté, les PME se trouvant souvent en attente, sans succès, des versements effectifs.

La loi TEPA avait aussi « renforcé » le bouclier fiscal, mécanisme aussi peu opérationnel et efficace que le dispositif ISF-PME, en tout cas du point de vue des effets économiques et sociaux recherchés.

Et là encore, patatras ! Le dispositif qui devait permettre de régler le contentieux de la taxe d’habitation et de la taxe foncière des ménages les plus modestes s’est muée en petite mesure – seuls 20 000 sur les 36 millions de contribuables, au mieux, seront concernés, soit un demi-millième ou 0,005 % d’entre eux environ – et en gros cadeau pour les plus fortunés, les seuls contribuables assujettis à l’ISF captant, je le rappelle, 99 % des remboursements effectués !

Je ne reviendrai pas sur les chèques envoyés à Mme Meyer ou à Mme Bettencourt. Ils ont fait l’objet d’abondants commentaires dans la presse, et l’opinion publique a largement pu se faire une idée sur cette question.

La vérité, c’est que, loin d’être une mesure de justice, ce dispositif de piètre qualité fiscale, qui est peu utilisé, est devenu l’outil de remise en cause de l’impôt de solidarité sur la fortune, un bon impôt dont le rendement était pourtant de plus en plus élevé et qui fournissait une image de plus en plus fidèle de la progression du patrimoine moyen des ménages.

À ce stade de notre débat, mes chers collègues, je me pose une question.

Depuis plusieurs années, notamment depuis 2002, le nombre des contribuables assujettis à l’ISF est en hausse constante et régulière, ce qui entraîne une augmentation sensible du rendement de cet impôt. L’augmentation du patrimoine ainsi imposé s’est appuyée sur ses deux jambes habituelles : la valorisation des patrimoines immobiliers et la progression globale et continue des titres de placement et des actions.

Je me demande, chers collègues de la majorité, s’il faut nécessairement que vous soyez contrits en constatant que l’un des résultats des politiques que vous avez soutenues depuis 2002 a été un accroissement du nombre des fortunés et de la valeur unitaire et globale de leur patrimoine ?

Un enrichissement des ménages, une augmentation de la valeur des patrimoines, des placements juteux et rentables : ces résultats ne sont-ils pas les objectifs que cherchent à atteindre les tenants d’une politique libérale telle que celle que vous soutenez, chers collègues de la majorité ?

Et rendez-vous compte : le nombre de contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune va passer de 600 000 à 200 000 !

Dans votre grande sagesse, vous avez décidé de priver les caisses de l’État des 350 millions d’euros de recettes fiscales annuelles provenant de la première moitié des contribuables assujettis à l’ISF, lesquels deviendront non imposables. En outre, 220 millions d’euros – non financés, notons-le – seront abandonnés dans les mains des 200 000 contribuables qui auraient pu être assujettis à cet impôt mais ne le seront pas !

Parce que vous avez quelque peine à reconnaître que les politiques libérales que vous avez soutenues depuis dix ans ont enrichi une minorité, de plus en plus importante, de nos compatriotes, vous décidez de priver les caisses de l’État de 550 millions à 600 millions d’euros de recettes fiscales, et ce tous les ans à partir de maintenant ; si rien ne change, bien entendu…

Cela étant dit, les plus gros gagnants du loto « spécial riches » de ce collectif budgétaire sont les 300 000 contribuables qui continueront d’acquitter l’ISF, en particulier tous ceux qui n’ont jamais révélé leurs turpitudes juridiques et comptables en demandant à bénéficier du bouclier fiscal et qui se sont contentés de payer un ISF, certes élevé, mais dont la base avait été soigneusement élaguée par divers placements avisés, notamment dans quelques trusts et autres paradis fiscaux.

Pour eux, la disparition du bouclier fiscal sera sans conséquence, tandis que la réduction de 1,8 % à 0,5 % du taux de l’ISF rapportera tout de même 13 000 euros par tranche de patrimoine d’un million d’euros.

Taxer plus ceux qui gagnent le plus, avez-vous dit, madame la ministre…

Un contribuable déclarant un patrimoine de 3 millions d’euros paiera 12 255 euros de moins, soit l’équivalent d’un SMIC net annuel, ou peu s’en faut ! Un contribuable déclarant un patrimoine de 5 millions d’euros paiera 25 135 euros de moins, soit deux SMIC annuels et au moins autant que le revenu moyen déclaré au titre de l’impôt sur le revenu ! Un contribuable déclarant un patrimoine de 10 millions d’euros bénéficiera d’une remise encore plus importante – elle atteindra 83 250 euros –, soit environ sept fois le SMIC annuel. C’est sans doute ce que l’on appelle valoriser le travail !

Dès 2007, le Gouvernement s’était attaqué dans la loi TEPA à l’ISF par tous les moyens possibles – dons aux PME, bouclier fiscal, donations, et j’en passe. Face au succès mitigé des outils ainsi mobilisés, on est passé, in fine, à la solution radicale, c’est-à-dire à l’écrasement du tarif et à l’amélioration de sa « lisibilité ». Oui, le tarif est lisible, et visiblement destiné à réduire de manière sensible l’impôt dû.

Quand on pense que,avec son rendement supérieur à 4 milliards d’euros, l’ISF ne représentait jusqu’alors que 8 % des recettes de fiscalité du patrimoine !

Les parlementaires du groupe CRC-SPG, comme sans doute un grand nombre des contribuables concernés, attendent toujours une mesure forte concernant le premier impôt sur le patrimoine, à savoir la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, sur ce front, il n’y a pas grand-chose de neuf, à part la réévaluation quasi automatique des bases dans chaque loi de finances.

Cette taxe rapporte toujours plus et pèse de plus en plus lourd sur le revenu de ménages. Or ces ménages, dans leur grande majorité, n’ont pas un logement soumis à l’ISF. Mais rien ne bouge, rien n’est fait pour alléger la facture !

Au lieu de trouver 2 milliards d’euros pour élaguer l’ISF, n’aurait-il pas mieux valu, par exemple, alléger la taxe foncière sur les propriétés bâties des contribuables les plus modestes ? Vous ne le pouviez pas, nous avez-vous dit, madame la ministre. Quand on gouverne pour répondre aux attentes des plus fortunés, on ne fait évidemment pas ce genre de choix !

Que dire de plus des conclusions de la commission mixte paritaire ?

La France va prêter la main à l’une des plus scandaleuses opérations d’appauvrissement d’un pays et d’un peuple, à savoir le pseudo plan de sauvetage de la Grèce, dans lequel nous mettons 1,5 milliard d’euros, et qui n’est rien d’autre que la mise en coupe réglée de la société grecque.

Et que l’on ne vienne pas nous parler de la stabilité de l’euro, laquelle serait mise à mal par le risque de défaut grec ! À qui va-t-on faire croire qu’un pays dont la dette publique ne représente que 1 % de la dette publique de l’ensemble des pays de la zone euro peut représenter un danger majeur ?

Qu’attend donc la Banque centrale européenne pour émettre de la monnaie et intervenir sur le marché primaire de la dette publique des États membres ?

Le remède imposé à la Grèce sera, tôt ou tard, pris en défaut. Il ne permettra pas à ce pays de redresser la barre. On aimerait bien parfois ne pas avoir à jouer les Cassandre… En tout cas, la participation de la France à ce plan est l’autre grande mesure du présent collectif budgétaire.

Pour terminer, je dirai quelques mots de la baisse de la cotisation du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT. Je serai bref, car je partage l’opinion de ma collègue Nicole Bricq sur ce sujet. Il s’agit là encore d’une mesure purement comptable, mes chers collègues. Ce n’est pas avec ce genre d’expédient que l’on va résoudre le problème des ressources des collectivités locales.

Il s’agit d’une mauvaise mesure, à plus d’un titre, car le CNFPT a besoin de faire un effort particulier en matière de formation des agents, du fait de la technicité grandissante des métiers du secteur public local, à un moment où les compétences des collectivités sont appelées à s’étendre encore. En outre, il doit lutter contre la précarité de l’emploi, qui frappe assez lourdement la fonction publique territoriale. Enfin, cette mesure privilégie la comptabilité du présent aux dépens de l’exigence du futur proche, tout ce qu’il ne faut pas faire quand on gère les deniers publics !

En tout état de cause, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne voterons pas le projet de loi tel qu’il découle des conclusions de la commission mixte paritaire.

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