Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Cette mission ne dispose pas réellement des moyens dont elle a besoin
Loi de finances pour 2015 : solidarité, insertion et égalité des chances -
Par Laurence Cohen / 29 novembre 2014Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont en légère hausse par rapport à l’an dernier, avec un budget global de 15,75 milliards d’euros pour les quatre programmes qui la composent. Cette hausse est une bonne nouvelle.
Examinons tout d’abord le programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire ». Si ses crédits sont en hausse, c’est essentiellement en raison de l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA et de la revalorisation du RSA et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
Les effets de la crise économique continuent d’être durement ressentis par nos concitoyens, comme en témoigne le nombre historique de demandeurs d’emplois.
L’État a la responsabilité d’assurer une solidarité renforcée en cette période. Or nous avons des inquiétudes sur le financement des prestations de solidarité, notamment sur le mode de financement du RSA activité, qui souffre d’une insuffisance de dotations depuis plusieurs années et a été réformé dans le cadre du pacte de responsabilité.
Cette année, la Cour des comptes a estimé que l’insuffisance des dotations du Fonds national des solidarités actives, le FNSA, qui finance le RSA, était de l’ordre de 300 à 500 millions d’euros. Le pacte de responsabilité a entraîné le glissement du financement du FNSA vers la sécurité sociale, alors même que celle-ci subit une perte de 20 milliards d’euros du fait des exonérations de cotisations patronales. Dès lors, madame la secrétaire d’État, nous nous demandons comment le Gouvernement compte assurer le financement du RSA, notamment la dotation d’1,7 milliard d’euros du FNSA, en 2015.
Venons-en maintenant aux crédits du programme « Handicap et dépendance », qui sont en hausse de 3,4 %. La lutte contre l’exclusion des personnes les plus vulnérables étant censée être une priorité du Gouvernement, nous accueillons positivement cette hausse. Cependant, la progression des crédits ne saurait cacher la réalité des économies budgétaires réalisées sur ce programme. En effet, le Gouvernement opère des prélèvements sur les crédits de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, et diminue en réalité de huit millions d’euros la dotation de fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.
Nous assistons une nouvelle fois au détournement des fonds de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour compenser le désengagement de l’État. À cela s’ajoute la décision de faire porter la charge des aménagements en faveur de l’accessibilité des établissements publics aux collectivités territoriales. Or la diminution des dotations financières est déjà particulièrement injuste tant pour les communes que pour les personnes concernées.
Nous sommes donc confrontés à un grand écart entre les discours volontaristes du comité interministériel du handicap et les moyens financiers prévus par le projet de loi de finances pour 2015.
Les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » restent stables à 25,2 millions d’euros, mais nous nous interrogeons sur les moyens de financement du volet d’accompagnement social de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Si le texte n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, il n’en demeure pas moins que, en l’absence de budgétisation, il constitue une coquille vide pour l’accompagnement social.
Par ailleurs, nous constatons avec regret que le programme ne prévoit pas de revalorisation du montant du complément de libre choix d’activité versé pendant le congé parental. La seule solution pour inciter les pères à prendre ce congé consisterait à revaloriser le montant du complément ; les couples pourraient ainsi choisir librement.
Je souhaiterais dire quelques mots sur les personnes handicapées vieillissantes.
En commission, le manque de dispositifs adaptés à l’accompagnement des personnes vieillissantes a été souligné ; je partage les remarques qui ont été faites. Nous constatons en effet des carences dans la formation des professionnels concernés et un manque d’implication des pouvoirs publics. Tout cela contraint les maisons d’accueil spécialisées et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, à se débrouiller avec leurs moyens pour faire face à des besoins croissants. Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ne semble pas apporter de réponse à cette situation. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous en donner les raisons ?
Enfin, le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », qui regroupe essentiellement les crédits de fonctionnement des ministères sociaux et des agences régionales de santé nous interpelle. En effet, les ARS subissent une baisse d’effectifs : leur plafond d’emplois diminue de 253 équivalents temps plein en 2015.
Si nous continuons à penser que l’organisation du système de santé et certaines des prérogatives des ARS ne correspondent pas à notre projet de service public de la santé, nous ne sommes pas pour autant favorables à la diminution des effectifs des ARS. Notons que, malgré la suppression de 253 équivalents temps plein, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel qu’il a été voté par le Sénat ce jeudi, prévoit d’élargir les compétences des ARS au contrôle de la qualité et de la sécurité des établissements publics. Comme l’ensemble du groupe CRC, je suis particulièrement dubitative face à cette nouvelle formule – elle n’est d’ailleurs pas si nouvelle, hélas – consistant à vouloir toujours faire plus et mieux avec moins !
En conclusion, nous pensons que d’autres ambitions sont nécessaires : arrêter les diminutions d’effectifs, mettre l’humain au cœur des politiques et instaurer une nouvelle répartition des richesses pour que, dans la période de crise actuelle, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dispose réellement des moyens dont elle a besoin.