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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Débat d’orientation budgétaire

Par / 19 juin 2001

par Nicole Borvo

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation budgétaire est utile, même s’il ne remplace pas une véritable démocratisation de l’élaboration de la loi de finances, si difficile à entreprendre, comme nous l’avons vu avec l’actuelle réforme de l’ordonnance de 1959.

Pour notre part, nous y voyons l’occasion, non seulement pour le Gouvernement de présenter ses choix et pour l’opposition de les critiquer, mais pour chaque groupe politique de donner son point de vue et de faire éventuellement des propositions en amont. C’est dans cet esprit constructif que notre groupe, membre de la majorité plurielle, laquelle a été citée de façon négative ici même, donne son avis, loin des cris de la droite sur les bancs de l’Assemblée nationale et déjà ici même depuis le début de la soirée, une droite toujours schizophrène !

En effet, en matière budgétaire, elle n’a que la baisse des dépenses publiques - des dépenses d’Etat, comme vous venez de le dire - à la bouche, se gardant bien de dire quelles dépenses elle veut supprimer, alors que, depuis le précédent budget ou la précédente loi de financement de la sécurité sociale, nous l’avons entendu ici dire des dizaines de fois qu’il fallait plus de policiers, plus de magistrats, plus d’enseignants dans tel ou tel département, plus de postes dans les hôpitaux, plus d’argent pour les collectivités, etc. !

M. Laurent Fabius, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Exact !

Mme Nicole Borvo. Et ce n’est rien à côté de ce qui se dit à l’ombre des clochers ! Je rencontre même des manifestants de vos groupes parlementaires dans la rue !

M. Philippe Marini, rapporteur général. On aime beaucoup manifester !

Mme Nicole Borvo. Je m’en doute !

M. Alain Joyandet. Pourquoi n’aurions-nous pas le droit de manifester ?

Mme Nicole Borvo. Pour ma part, je retiendrai deux critères.

En premier lieu, le budget de 2001 est le dernier de la législature, monsieur le ministre. L’emploi, le pouvoir d’achat et la justice sociale sont les thèmes majeurs sur lesquels les électeurs jugeront la gauche lors des prochaines consultations électorales. Or si le Gouvernement et sa majorité peuvent considérer qu’ils ont contribué, dès 1997, à une reprise de la croissance et de l’emploi, point de vue partagé d’ailleurs par la majorité des Français, les résultats des dernières consultations électorales, comme d’ailleurs les mouvements sociaux, expriment des attentes non satisfaites et des critiques.

Nombre de nos concitoyens constatent que la croissance a particulièrement profité aux actionnaires et aux revenus les plus élevés, et que, en revanche, le pouvoir d’achat du plus grand nombre n’augmente guère, les inégalités ne se sont pas réduites et l’exclusion reste un phénomène, hélas ! massif.

En second lieu, le budget de 2002 se prépare, comme cela a été largement dit, dans un contexte différent des deux précédents. Tout le monde s’accorde en effet à constater un ralentissement d’activité au niveau mondial, et les prévisions de croissance pour notre pays se situent, hélas ! plus autour de 2,5 % que de 3 %.

Les questions majeures pour notre groupe sont donc les suivantes.

Premièrement, avec le budget de 2002, allons-nous montrer que les attentes populaires sont entendues ?

Deuxièmement, ce budget va-t-il subir ou accompagner le retournement de conjoncture internationale, ou, au contraire, va-t-il favoriser une relance de l’activité économique ?

Vous le constatez, monsieur le ministre, notre pays résiste mieux que d’autres à la dégradation extérieure. Vous avez même parlé d’une « résistance », que vous attribuez au dynamisme de la demande intérieure. Or, dans le projet de loi de finances pour 2002, vous mettez l’accent sur la maîtrise des dépenses publiques, sur la baisse des prélèvements obligatoires et sur la réduction des déficits. Tout votre objectif, dites-vous, réside dans la solidarité durable, laquelle passe par le soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat, plus que par des dépenses éphémères.

Quant à votre volonté de maintenir le cap, je voudrais faire un certain nombre de remarques.

La première concerne la baisse des prélèvements obligatoires. Je signale que ces derniers ne sont pas très éloignés les uns des autres, au sein de l’Europe, à l’exception de certains pays que je ne prendrai pas pour modèle !

Un mouvement global de réduction des impôts a été entrepris, notamment par la réduction des taux d’imposition du barème de l’impôt sur le revenu, par la baisse d’un point du taux normal de la TVA, par la suppression de la vignette automobile, par les baisses ciblées de TVA ou encore par les allégements sensibles constatés en matière de taxe d’habitation.

Nous avons déjà fait des observations à ce propos en d’autres temps. En particulier, nous avons regretté que la baisse du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée n’ait pas été poursuivie, alors que cet impôt pèse plus lourdement sur les ménages les plus modestes.

De même, aujourd’hui, les revenus du capital ne sont pas, à notre sens, encore suffisamment pris en compte dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Le seul « alourdissement » fiscal mis en oeuvre dans ce domaine porte sur la contribution sociale généralisée.

La baisse de l’impôt sur le revenu a surtout profité aux revenus les plus élevés et créé de nouvelles inégalités, d’ailleurs pointées par un récent rapport du Conseil d’analyse économique. Nous considérons donc que l’oeuvre de réforme fiscale n’a été qu’ébauchée et qu’il demeure beaucoup à faire pour améliorer l’outil fiscal dont la France a besoin, un outil plus encore favorable à l’emploi et à la croissance.

Ma deuxième remarque porte sur la situation des comptes publics et des déficits, qui a connu une très sensible amélioration depuis 1997.

En effet, le déficit de l’Etat s’est nettement réduit, passant pour la première fois depuis longtemps sous la barre des 200 milliards de francs en 2000.

L’exécution du budget de 1999 fut marquée par un sensible accroissement des recettes, ce qui a permis de constater, en loi de règlement, un déficit de 206 milliards de francs grâce à une plus-value de 30 milliards de francs sur l’impôt sur les sociétés. L’exécution du budget de 2000 a présenté un déficit d’environ 190 milliards de francs, inférieur de 18 milliards de francs à celui qui a été voté en collectif de fin d’année, conséquence entre autres d’une gestion au plus près des dépenses publiques.

On sait que le déficit prévu pour 2001 sera peut-être plus difficile à réduire.

A la fin du mois d’avril 2001, la situation budgétaire était marquée par un déficit légèrement supérieur à 171 milliards de francs, en hausse de 26 milliards de francs sur avril 2000.

Est-ce là un premier effet du ralentissement économique ?

Cette hausse du déficit provient pour partie de l’accroissement des dépenses et, plus précisément, d’un engagement plus précoce de certains crédits.

Elle provient aussi de réelles moins-values sur la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.

Cependant, le produit de l’impôt sur le revenu demeure toujours dynamique et l’impôt sur les sociétés a connu une nouvelle embellie avec un rendement en hausse de 15 milliards de francs.

Cette croissance du produit de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, montre que la situation de nos entreprises est tout de même assez bonne, ce qui ne peut manquer de rendre aux yeux des salariés plus intolérable encore la vague ininterrompue de plans sociaux qui déferle sur le pays.

En 2000, plus de 500 milliards de francs de dividendes ont été ainsi distribués, tandis que des profits records étaient enregistrés par Total Fina Elf - près de 50 milliards de francs - ou par la BNP-Paribas - plus de 27 milliards de francs.

Des créations d’emplois insuffisantes, des salaires trop faibles, la poursuite des politiques d’intensification du travail et de recherche de gains de productivité, voilà ce qui mine la croissance économique du pays et risque de la remettre en question de manière plus importante encore.

On ne peut que comprendre la colère des salariés, condamnés à faire des efforts quand cela va mal et au licenciement quand cela va mieux ou bien.

Les comptes des collectivités locales continuant de présenter une situation positive, nous devons nous pencher de nouveau sur les comptes sociaux.

Depuis 1997, nous sommes passés d’un déficit chronique, aggravé par les remèdes utilisés entre 1993 et 1997, à une situation d’excédents, fondée sur le dynamisme des recettes liées à l’amélioration de la situation de l’emploi.

Ce que nous disions, voilà déjà quelques années, sur le redressement des comptes sociaux par la création d’emplois s’est donc vérifié dans les faits.

Toutefois, nous aurions pu aller plus loin encore.

La mise en oeuvre du plan emplois-jeunes et la réduction du temps de travail, malgré certaines limites que nous n’avons cessé de relever, ont contribué à l’amélioration des comptes sociaux.

Des efforts significatifs doivent être accomplis sur l’emploi et la formation ; telle sera notre approche de la solidarité durable et de la question cruciale de l’emploi.

Certes, des avancées ont eu lieu ; je pense à la réduction du temps de travail, dont un vrai bilan doit être fait, car il conditionne, de notre point de vue, une bonne part de l’efficacité de la dépense publique pour l’emploi.

Depuis plusieurs années déjà, les membres de notre groupe revendiquent une politique plus audacieuse pour l’emploi et la formation, notamment pour les jeunes, les chômeurs de longue durée, les femmes désireuses de reprendre - ou d’avoir - une activité professionnelle, largement victimes aujourd’hui de l’exclusion du marché du travail ou d’une précarité renforcée et galopante.

Dès lors, la timidité que le Gouvernement persiste à afficher s’agissant, par exemple, du salaire minimum, qu’il faut, à notre avis, sensiblement relever, exige un profond changement de braquet.

La croissance française est largement portée par la consommation populaire. Il faut donc la stimuler véritablement.

Doit-elle relancer la négociation contractuelle par une nouvelle conférence sur les salaires, notamment ?

Elle doit, en tout cas, trouver d’autres voies que celle de la validation législative du PARE, à laquelle nous avons eu droit lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel.

Quelle que soit la forme choisie, des initiatives fortes s’imposent aujourd’hui, notamment quand le baron Seillière de Laborde se lave les mains du devenir des 7 200 salariés d’AOM - Air Liberté ou que s’accumulent les plans sociaux dans les entreprises les plus diverses, y compris et surtout dans celles qui ont dégagé en 2000 les profits les plus spectaculaires.

Il est temps de donner corps au contrôle effectif des fonds publics pour l’emploi et de poser de nouveau la question des réductions de cotisations sociales s’avérant à l’examen plutôt coûteuses et relativement inopérantes.

Venons-en désormais aux choix que l’on peut attendre des orientations de la loi de finances pour 2002.

La menace que fait peser la conjoncture sur le contenu de cette loi de finances est connue : la faire entrer dans un cadre étroit où primeraient, d’abord la réduction des déficits, ensuite celle des impôts, et enfin - enfin seulement - la progression de la dépense publique.

Nous ne croyions pas, chers collègues de la majorité sénatoriale, que le salut de la France passât par une nouvelle contraction de la dépense publique, sauf à considérer celle-ci comme un poids mort dans la vie économique et sociale du pays.

Les quatre millions et demi de salariés des trois fonctions publiques apprécieront sans doute, au moment où se déroulent les négociations sur le contenu de la réduction du temps de travail, d’être ainsi considérés comme un tel « poids mort », alors qu’il s’agit des agents publics que tout le monde réclame.

La recherche obstinée d’économies dans la dépense publique induit des manques et des gâchis que l’on paie cher.

Ralentissons la dépense publique pour l’éducation et la formation et, demain, nous manquerons sûrement, plus encore qu’hier, des jeunes diplômés qualifiés dont notre pays a besoin pour continuer de jouer le rôle industriel et économique qu’il joue et pour être attractif vis-à-vis des entreprises extérieures.

N’a-t-on pas construit, dans les années soixante, un parc de lycées et collèges à l’économie, de type Pailleron, qu’il a fallu, vingt ans plus tard, en sollicitant les deniers des collectivités locales, reconstruire en grande partie et en tout cas profondément rénover ?

Auriez-vous envie, mes chers collègues, dans quelques années, de recommencer cette expérience qui vaut aussi pour notre équipement hospitalier et pour une bonne part du secteur du logement ?

Les économies de bout de chandelle d’aujourd’hui sont souvent à la source de la flambée des dépenses qu’auront à payer demain nos successeurs.

La dépense publique est un vecteur essentiel de croissance et un facteur susceptible de permettre à la conjoncture de se retrouver sous des auspices un peu plus favorables.

Nous ne partageons donc pas l’objectif d’encadrement de la progression en volume des dépenses fixé dans le programme pluriannuel des finances publiques - 8 milliards de francs pour les années 2002-2004 - qui ne correspond qu’aux exigences d’un pacte de stabilité européen imposé par la Banque centrale européenne.

Les contribuables ne finiront-ils pas par s’interroger, devant la lente mais sûre remise en cause des services publics induite par ce déclin de la dépense publique, sur le sens même de leur participation à la charge commune ?

Regardez les prises de position des grandes confédérations syndicales de notre pays sur les orientations budgétaires. Regardez ce qui ressort des mouvements qui animent les personnels des urgences hospitalières, voire des agents du ministère des finances !

Non, décidément, notre pays a besoin de la consolidation et du développement durable de services publics modernisés, efficaces, facteur de réduction des inégalités, source de cohésion sociale et de progrès pour l’ensemble de la collectivité.

La redéfinition des missions de nos services publics ne doit pas occulter leur principale raison d’être : servir l’intérêt général, ce qui ne se mesure pas seulement en termes de gains de productivité ou de rendement de l’activité de chaque fonctionnaire ou bien du service déconcentré auquel il est attaché.

Le retournement de conjoncture que nous connaissons provient aussi de la faiblesse de la progression des dépenses publiques dans certains secteurs, alors même que l’emploi est étroitement dépendant, dans certains secteurs comme le BTP ou l’industrie des biens d’équipement, de la consistance de la commande publique.

Un déficit ou un engagement plus important des dépenses publiques doit cesser d’être diabolisé puisqu’il s’agit en fait d’un investissement sur l’avenir, de cet avenir dont nous nous préoccupons tant ! Quand les déficits publics pèsent moins d’un point et demi de produit intérieur brut, nous avons de la marge et il faut s’en servir.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut les doubler !

Mme Nicole Borvo. Réduire le déficit public passe aussi par une politique visant à faciliter l’accroissement de la production intérieure, et c’est là le sens d’une dépense publique efficace et non éphémère, beaucoup moins éphémère que les start up.

En définitive, il ne s’agit pas pour nous d’être archaïquement « dépensolâtres », comme vous nous avez qualifiés récemment, monsieur le ministre.

Il s’agit plutôt de redonner toute sa portée à la dépense publique, tout son sens à l’attachement de nos compatriotes au pacte républicain, tout son dynamisme au potentiel de progrès économique et social de notre pays.

Nous disons cela avec d’autant plus de solennité que l’on peut observer que les populations ont manifesté ces derniers temps, dans divers pays d’Europe, leur refus d’une diminution de la dépense publique, incapable de répondre aux besoins sociaux.

Méditons, par exemple, au-delà de la majorité accordée au Labour, sur la désaffection aiguë manifestée par les Britanniques à l’occasion des deux récentes consultations électorales nationales.

La loi de finances pour 2002 doit prendre réellement en compte les aspirations exprimées par notre peuple et affirmer clairement la priorité d’une réponse solidaire et constructive aux besoins sociaux.

En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen saura, dans le cadre du débat budgétaire, faire valoir et porter ces exigences de justice fiscale, de lutte contre les inégalités sociales et d’efficacité de la dépense publique, dans la durée.

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