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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Des sacrifices toujours plus injustes et insupportables

Orientation des finances publiques -

Par / 4 juillet 2013

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, réduire la dépense publique par tous les moyens parce qu’il faut réduire les déficits et la dette, voilà le leitmotiv ! Même si cela a quelque peu l’apparence de la rengaine, voyons ce qu’une telle perspective pourrait donner pour 2014, s’agissant de l’État comme de la sécurité sociale.

Dès lors que l’on a approuvé le traité budgétaire européen, on doit être prêt, en 2014, à soutenir une énième réforme des retraites qui va allonger la durée de cotisation, repousser l’âge de départ et mettre en cause le pouvoir d’achat des retraités. Tant pis pour les jeunes diplômés qui attendent d’occuper les emplois auxquels les « seniors » seront contraints de s’accrocher !

Ajoutons la hausse des droits sur le tabac, du forfait hospitalier, quelques déremboursements de plus, et voilà pour la Sécu !

Pour l’État, relevons, outre la baisse des crédits de l’écologie, les 2,5 milliards d’euros pris sur les concours aux collectivités locales, une mesure antiéconomique et anticroissance par excellence, le gel du point d’indice des fonctionnaires, une fois de plus en attendant de refaire le coup en 2015, le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la suppression de plusieurs milliers d’emplois publics.

Une fois encore, avec 2 634 suppressions de postes, c’est Bercy qui, si j’ose dire, montre l’exemple dans les coupes claires imposées au service public, comme c’est le cas depuis vingt ans. Allez donc lutter contre la fraude fiscale, à petite comme à grande échelles, avec des services fiscaux de plus en plus dépourvus d’agents en activité !

Pour faire « fiscalité écologique », on ajoutera 2 centimes au prix du gazole, ce qui aura l’avantage de faire tomber 15 à 20 centimes de plus par plein en TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne remarque !

M. Thierry Foucaud. La grande réforme fiscale est donc reportée à une date ultérieure et l’on attend sans doute d’avoir inversé la courbe du chômage et, peut-être, réduit les déficits d’ici à 2016 pour que la loi de finances pour 2017 puisse apparaître comme une loi ambitieuse, comprenant même des baisses d’impôts.

Mes chers collègues, il y a quelque chose que, en dépit tous mes efforts, je n’arrive pas à comprendre. Malgré cinq années de croissance atone, le PIB de la France est de 2 000 milliards d’euros, et nous devrions convenir de faire supporter aux salariés de ce pays, aux jeunes, aux retraités – au peuple français ! –, des sacrifices sans cesse plus insupportables et plus injustes et des mesures de restriction permanente du service public.

Les caisses ne sont jamais vides ! Il rentre tout de même 300 milliards d’euros d’impôts dans les caisses de l’État, et plus encore dans celles des organismes sociaux.

M. le ministre délégué a indiqué lors du débat précédent qu’il ne croyait qu’aux chiffres. Prenons le cas de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. En 2012, le déficit est en baisse : 4,8 milliards d’euros, contre 6 milliards d’euros en 2011. Un chiffre à comparer avec des versements de prestations pour 100 milliards d’euros…. Dans son fameux déficit, la Caisse doit notamment imputer près de 4,6 milliards d’euros – 4,593 milliards d’euros exactement – qui correspondent à sa contribution au soutien financier aux régimes de retraite déficitaires. En clair, le déficit hors compensation de la CNAV, en 2012, est d’un peu plus de 200 millions d’euros. On est encore loin du gouffre !

Prenons le cas de la Caisse nationale d’assurance maladie. En 2011, les comptes consolidés de l’assurance maladie ont présenté un déficit de 8,8 milliards d’euros, pour 187 milliards d’euros environ de prestations servies, ce qui nous donne un déficit situé à moins de 5 % de ce total. Sur ces 8,8 milliards d’euros, 3,2 milliards d’euros provenaient des compensations versées aux autres régimes, majorées d’une part des 3 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales non compensées.

En 2012, le déficit de la CNAM s’est contracté à 5,9 milliards d’euros, et la Cour des comptes évalue à plus de 2,6 milliards d’euros le montant des compensations versées aux régimes déficitaires, comme celui des exploitants agricoles par la branche maladie, la branche accidents du travail-maladies professionnelles étant autorisée à apporter son obole pour 500 millions d’euros de mieux, soit plus que son déficit, aujourd’hui fixé aux alentours de 174 millions d’euros.

Cela fait donc belle lurette que les régimes de salariés – je pense non seulement au régime général, mais aussi au régime des fonctionnaires de l’État, sans parler de la véritable saignée subie depuis près de trente ans par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL – viennent au secours de la faiblesse des régimes de non-salariés en péril.

Le tableau, noirci à l’excès et dramatisé – combien de fois n’avons-nous pas entendu : « Mais qui va payer nos retraites ? » –, n’est jamais présenté que pour un seul objectif : imposer aux salariés, à notre peuple, des reculs sociaux que rien ne justifie !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !

M. Thierry Foucaud. Foin de l’austérité, de la rigueur et de la réduction des dépenses publiques, qui seraient, s’il fallait en croire les Barroso, Juncker, au demeurant spécialiste de l’évasion fiscale et défenseur du secret bancaire, et quelques autres, la seule solution, la panacée à tous les maux du temps !

Examinons ce qui se passe en Grèce, revenue en termes de richesse à l’année 2002, en Espagne, où plus d’un jeune sur deux est sans emploi et où il y a 27 % de chômeurs, ou au Portugal, avec la démission du ministre des finances et de celui des affaires étrangères après un mois de grève générale particulièrement suivie. Ces exemples montrent à l’envi que les politiques d’austérité des Barroso, Draghi, Monti, Merkel, Almunia et autres Juncker sont en train de tuer l’idéal européen et de créer une fracture irrémédiable avec les citoyens. Songeons simplement aux 8 milliards d’euros annoncés pour l’emploi des jeunes sur plusieurs années, et ce sans effet devant la profondeur du mal. Si l’Europe n’a que 8 milliards d’euros à mettre sur la table pour l’emploi des jeunes, autant ne même pas essayer !

La poursuite des politiques d’austérité, guidée par la rente des fonds de pension allemands et la rentabilité financière du capital, est l’outil de la division de la majorité politique et populaire qui a voulu le changement en mai 2012, après avoir subi pendant dix ans, et de manière accentuée pendant cinq ans, la vaine agitation de gouvernements de droite incapables de répondre aux attentes populaires.

Pour le gouvernement actuel, poursuivre l’austérité, c’est se couper de ceux-là mêmes qui l’ont élu, lesquels se partagent désormais entre attentistes, déçus, indifférents et révoltés.

Messieurs le ministre, vous pouvez suivre ainsi la pente fatale de la social-démocratie européenne, incapable un temps de reprendre le pouvoir aux Pays-Bas, en chute libre en Grèce ou en Espagne, au purgatoire au Portugal et qui s’apprête – je le crains sérieusement – à subir à l’automne en Allemagne une défaite majeure face aux unions chrétiennes, dont elle n’arrive pas à se distinguer en termes de propositions formulées.

Vous pouvez continuer de mener une politique qui, faute de combattre les injustices – je parle des vraies injustices, pas des « privilèges » dont jouiraient les fonctionnaires à la retraite avec 1 800 euros par mois en moyenne –, accroît les tensions, les divisions au sein même de la population et fait le lit de l’extrême droite aussi sûrement qu’un commissaire européen candidat au secrétariat général de l’OTAN. Mais vous pouvez aussi décider de changer de cap.

Les comptes sociaux et les comptes publics sont, nous dit-on, en déficit. Comment pourrait-il en être vraiment autrement ? Nous avons dans ce pays plus ou moins 3,3 millions de chômeurs officiels, catégories A, B et C, comme l’on dit, et plus ou moins 5 millions de personnes sans emploi, à commencer par ceux et celles qui ne pointent même plus à Pôle emploi faute d’y trouver réponse à leur situation.

Je partage, dois-je le dire, l’opinion de Gérard Rivière, président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui disait voilà peu qu’aucune réforme d’ampleur de notre système de retraite n’avait de sens avec un tel niveau de chômage.

Si le schéma économique et social en vigueur consiste à intégrer la persistance d’un tel niveau de chômage, il est évident que nous ne nous en sortirons jamais qu’en imposant des reculs sans cesse plus vifs aux garanties collectives et à la qualité de notre sécurité sociale.

La modération salariale est à l’œuvre dans le secteur public, donnant des idées aux entreprises et aux patrons. De la même manière, nous ne pouvons que constater que la part du travail salarié est sans cesse plus faible dans la richesse créée. Et ce n’est pas la loi dite de « sécurisation de l’emploi », qui a donné de nouvelles armes au patronat pour licencier à sa guise – je vous rappelle les récents cas de Michelin à Joué-lès-Tours, de PSA à Aulnay-sous-Bois ou de la FNAC –, qui va améliorer la situation ! C’est pourtant au niveau des entreprises que nous disposons, avec les comités d’entreprise, les délégués du personnel, l’ensemble des instances représentatives du personnel, des premiers éléments d’inversion de la tendance.

Qu’on y songe, avec un exemple relativement simple : en 2013, 131,2 milliards d’euros devraient être consacrés à la rémunération des fonctionnaires, comme au règlement des pensions des fonctionnaires de l’État aujourd’hui à la retraite. Et voilà qu’a été publié, le 18 juin dernier, un rapport de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, sur les aides de l’État aux entreprises, aides évaluées dans ce rapport à un total de 110 milliards d’euros ! Encore un effort, et l’État dépensera beaucoup plus à « aider » les entreprises au nom de l’emploi et de l’investissement qu’à rémunérer ses propres agents… Le plus intéressant est que le rapport Queyranne, censé définir quelques pistes d’économies budgétaires – entre 1 milliard et 2 milliards d’euros, si l’on en croit la lettre de mission d’Arnaud Montebourg –, a sanctuarisé les dépenses du type « taux réduits de TVA », « exonération des cotisations sociales » et « crédit d’impôt recherche ».

Mais quand va-t-on enfin écouter les salariés qui subissent, dans la trappe à bas salaires ouverte en grand par les exonérations, les effets pervers de la modération salariale ?

Quand va-t-on écouter les techniciens et cadres, qui savent que les dépenses de recherche n’ont de sens, dans trop d’entreprises, qu’à hauteur de la rentabilité immédiate qu’elles rapportent ?

Quand va-t-on entendre ceux qui savent fort bien que la baisse de la TVA dans la restauration n’a pas résolu les problèmes d’emplois et d’activité du secteur ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !

M. Thierry Foucaud. Mais allons plus loin, puisque les aides du rapport Queyranne, qu’il faut soumettre à la surveillance des comités d’entreprise et des représentants du personnel, ne représentent que deux fois – je dis bien « deux fois » – le produit de l’impôt sur les sociétés...

Le rapport Queyranne n’épuise pas le sujet puisqu’il n’évoque pas, par exemple, le reversement de la TVA déductible – 52,4 milliards d’euros –, les effets du régime des groupes sur l’impôt sur les sociétés – 44,3 milliards d’euros en 2012 –, l’exonération des plus-values de cessions de participation – 6,95 milliards d’euros en 2012 –, ni beaucoup d’autres choses comme le moindre poids de la contribution économique territoriale, la CET, à l’égard de l’ancienne taxe professionnelle – 11 milliards d’euros.

Rappelons-nous, mes chers collègues, que, à la demande du Conseil des prélèvements obligatoires, la Cour des comptes avait évalué les dépenses fiscales destinées aux entreprises à 35,4 milliards d’euros en 2010 et les effets des dispositifs de calcul de l’impôt à 71,5 milliards d’euros de plus, soit rien moins que près de 107 milliards d’euros.

De cet ensemble, on retrouve peu de choses dans le rapport Queyranne !

De 2005 à 2010, entre dépenses fiscales et mesures particulières de calcul de l’impôt, ce sont 505,5 milliards d’euros qui ont été laissés à la disposition des entreprises.

À la fin de 2004, la dette publique était de 833 milliards d’euros. À la fin de 2010, son encours s’élevait à 1 229 milliards d’euros, soit une hausse de 396 milliards d’euros sur la période.

Tous les efforts accomplis pour préserver les capacités financières de nos entreprises, pour faciliter l’investissement et les créations d’emplois auront donc abouti à la hausse des déficits et de la dette publique, ainsi qu’à l’accroissement du chômage. Il est donc temps que nous arrêtions de dispenser sans regards et sans évaluations l’argent public en direction des entreprises, au vu de l’usage médiocre qui en a été fait jusqu’ici.

Laurence Parisot, elle-même, s’est plainte, peu de temps avant son départ, de la « baisse du taux de marge » de nos entreprises. Qu’ont-elles fait, mes chers collègues, de l’argent public ?

Nous devons également mener la chasse à la fraude fiscale et sociale, fraude qui plombe durablement les comptes publics depuis trop longtemps. Quand il y a crise, il est anormal que les entreprises optimisent leurs résultats pour échapper à l’impôt, que de riches particuliers soustraient leurs revenus et leurs patrimoines à l’application du droit commun. Il faut donc mener la lutte contre la fraude de manière déterminée, sans mansuétude à l’égard de tous ceux qui trompent le fisc, et donc la France, ses institutions, son administration, son peuple.

Nous voulons donc le remboursement des aides publiques par les entreprises fraudant l’impôt. Nous souhaitons aussi davantage de recettes fiscales et sociales dans la justice, plus de recettes pour plus de dépenses utiles et que des milliers d’emplois, notamment dans le secteur public, soient pourvus.

La sortie de crise, mes chers collègues, passe par l’audace ainsi que par l’abandon pur et simple des orientations « austéritaires » qui minent les politiques publiques depuis trop longtemps. Poursuivre dans la voie fixée par la loi de programmation des finances publiques reviendrait à nous exposer à des difficultés insurmontables et à des tensions sociales particulièrement fortes.

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