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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Finissons-en avec les exonérations de cotisations sociales et le CICE

Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 -

Par / 6 novembre 2014

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a plusieurs manières de parler de finances publiques : les exposés auxquels nous assistons depuis le début de la discussion montrent que, apparemment, la langue de bois a de l’avenir et que les considérations technico-technocratiques l’emportent très largement sur les autres dès lors qu’il s’agit de parler budget de la France et financement de la sécurité sociale !

Mais, paradoxalement, nous estimons qu’un tel sujet mérite autre chose que des controverses sur des dixièmes de pourcentage et des perspectives chiffrées appuyées par un discours prétendument scientifique. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur général ont livré ce matin une passionnante bataille d’idées sur les notions parfaitement absconses pour la plupart de nos compatriotes de « déficit conjoncturel » et de « déficit structurel », l’un se définissant au mieux par défaut par soustraction de l’autre du total des déficits ; nous proposons dès maintenant de conclure, renvoyant tout simplement les intéressés à la lecture de l’avis du Haut Conseil des finances publiques. Or, en allant à l’essentiel, cette instance vient de nous expliquer que le modèle macroéconomique sur lequel se déterminaient les politiques budgétaires de la zone euro ne « fonctionnait » pas et que les événements économiques ne se déroulaient pas exactement comme prévu.

En clair, l’instrument de mesure générateur de la règle d’or et des trajectoires de finances publiques étant quasi inopérant, quels concepts peuvent en découler ? Tout simplement aucun.

Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, le Haut Conseil des finances publiques indique : « L’écart de production et la croissance potentielle ne sont pas des données statistiques ou comptables mais le résultat d’un modèle économique. Leur estimation est donc entourée d’incertitudes. Les révisions ex post sur les écarts de production peuvent être de grande ampleur et, pour la zone euro, du même ordre de grandeur que les écarts eux-mêmes. L’incertitude est renforcée lorsque l’économie subit des transformations profondes, comme c’est le cas depuis la crise financière. En particulier, les méthodes d’estimation mesurent difficilement les pertes de capital humain et physique et leur effet sur la productivité potentielle. »

Mais justement, mes chers collègues, peut-être faudrait-il tout simplement commencer par là ? Les pertes de capital humain et physique...

Il est évident que la première question, la matrice même de nos déficits, ce n’est rien d’autre que cela. C’est cette trop nombreuse « armée industrielle de réserve » comptant aujourd’hui plus ou moins 6 millions de soldats à temps plein ou partiel, victimes du chômage ou de la précarité du travail !

C’est bel et bien là, dans l’insuffisance de l’emploi et du travail dans notre pays, que réside la source de toutes les incertitudes que soulève le Haut Conseil dans son avis.

Mon collègue Paul Vergés, président d’âge lors de l’ouverture de notre session ordinaire, a souligné, dans son allocution, les questions d’importance que nous devons effectivement résoudre aujourd’hui. Elles dépassaient aisément, je dois le dire, les débats que nous avons parfois sur le fait de savoir où doivent être fixées les limites d’un département ou d’une région...

Démographie, réchauffement climatique, recherche et développement, évolution économique répondant aux besoins des populations, tels étaient les enjeux présentés pour aujourd’hui et pour l’avenir par notre collègue, instruit par l’expérience de sa propre région et sa connaissance personnelle du monde qui nous entoure.

Que retrouvons-nous de cette allocution à visée prospective dans la loi de programmation qui nous est aujourd’hui présentée ? Bien peu de chose.

Par exemple, qu’est-ce qui, dans la loi de programmation, manifeste objectivement de l’engagement de la France dans la voie de la transition énergétique ? Sans doute pas l’évolution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », orientés clairement à la baisse sur la période de référence de la loi de programmation. Tant pis pour la préservation des habitats et des espaces naturels ! Tant pis pour le développement des transports en commun non ou peu polluants en site propre !

Dans le même temps, il est fort probable que les agences de l’eau, voire l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, verront leurs ressources « écrêtées » au profit du budget général. Nous assisterons peut-être à une nouvelle poussée de fiscalité dite « écologique », dont la raison d’être sera de financer le coût grandissant des allégements de cotisations sociales, ce qui, depuis plus de vingt ans maintenant, pollue gravement les politiques publiques de l’emploi.

Mes chers collègues, la précarité de l’emploi ainsi que la dévalorisation du travail et des métiers ont deux origines : la loi sur la flexibilité de l’emploi adoptée dans les années quatre-vingt et le développement ininterrompu des logiques d’allégement du « coût du travail » au travers des exonérations et ristournes sur les cotisations sociales.

Non, le contrat à durée indéterminée n’est pas un privilège accordé à la majorité des salariés ! Oui, les bas salaires, les contrats précaires et à durée déterminée sont la pénitence imposée aux millions de salariés qui les subissent au quotidien, sans reconnaissance réelle, d’ailleurs, de leurs compétences, de leur qualification ni même de leur expérience !

Un véritable gouvernement de gauche ne devrait pas gaspiller je ne sais combien de milliards d’euros – on parle ici de 170 milliards et ailleurs de 230 milliards ! – à « aider les entreprises » sans contreparties visibles en termes de qualité de l’emploi et de développement de nouveaux métiers.

Surtout que ces milliards d’euros, pour une part importante, sont chèrement levés sur les marchés financiers, et nourrissent par conséquent ce que j’appellerai la « mauvaise dette », qui grève les comptes publics d’une charge d’intérêts de 50 milliards d’euros par an.

Un gouvernement de gauche, quand un abattoir breton licencie son personnel à la suite de quelques mésaventures financières en Amérique latine, doit exiger de l’interprofession la solidarité indispensable et la mise en place de solutions originales de reclassement et de formation des salariés.

Ne lésinons pas sur les moyens nécessaires à la transition énergétique. En effet, les dépenses utiles que nous réalisons aujourd’hui seront la source d’économies dont nous profiterons demain, quand nous sera épargnée la réparation de dommages causés à l’environnement en général et, en son sein, à l’homme en particulier.

Ne lésinons pas non plus sur les moyens nécessaires à la modification des politiques de l’emploi, aujourd’hui abusivement tournées vers la seule restauration des marges de nos entreprises, c’est-à-dire vers un objectif de court terme qui retarde davantage encore les véritables débats en la matière.

Le libéralisme économique dans sa version mondialisée est décidément une arriération !

Ces véritables débats, nous les aborderons quand il s’agira de modifier encore l’emploi industriel, quand nous aurons posé les bases d’une nouvelle agriculture, quand nous aurons repensé l’action de nos services publics et quand nous ne reculerons pas devant le progrès inévitable que constitueront, le moment venu, une nouvelle réduction et un nouvel aménagement du temps de travail.

En effet, l’évolution des technologies de production, des compétences et des qualifications de la population active est telle que le débat est largement ouvert sur la réduction du temps de travail.

Trop souvent, ces dernières années, les gains de productivité ont été affectés à la réduction des effectifs salariés - force est de constater que, en la matière, l’État n’a pas été en reste -, et ce avant toute autre considération ! Tout cela dans l’objectif avoué de répondre aux exigences de la financiarisation de l’économie et, singulièrement, de la rentabilité du capital.

Il est grand temps que les gains de productivité reviennent aux hommes et aux femmes qui travaillent, produisent et créent les richesses. Grand temps, oui, que nous cessions de les voir privés du fruit légitime de leurs efforts : leur salaire net, victime ici de la modération salariale, là du gel du point d’indice, ou leur salaire socialisé, constitué des cotisations sociales qui participent au financement des revenus de transfert, composante déterminante du revenu disponible des ménages.

À cet égard, un smicard dont l’employeur ne paie plus de cotisations sociales est victime d’un double racket, puisqu’il paie lui-même la facture, notamment à la caisse des magasins en acquittant la TVA. C’est pourquoi il est temps de mettre en extinction les exonérations de cotisations sociales et d’œuvrer à la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, pour les remplacer par une véritable politique de l’emploi et du travail, tournée enfin vers les qualifications, les salaires et la qualité de la production.

Si les entreprises ont besoin d’être financées pour investir, qu’elles le soient quand il s’agit d’innover, de créer, de rechercher pour déposer de nouveaux brevets et de mettre en œuvre des projets créateurs d’emplois et respectueux de critères environnementaux et, bien sûr, sociaux.

Les secteurs financiers ont, eux aussi, un rôle essentiel à jouer pour le développement de l’activité en France. Le secteur bancaire ayant quasiment cessé d’être la propriété de la Nation, il a repris, depuis le milieu des années quatre-vingt, ses pires habitudes et ses errements les plus sinistres.

J’en veux pour preuve que la Banque centrale européenne, comme nous l’avons vu au mois de septembre, n’arrive même plus à trouver, auprès des grands établissements de crédit de la zone euro, suffisamment de demandes de crédit pour consommer l’enveloppe de 400 milliards d’euros qu’elle destine au financement des entreprises.

Uniquement soucieux de rentabilité, les établissements de crédit de notre pays se bornent aujourd’hui à atteindre leurs ratios prudentiels et à alimenter les dividendes de leurs actionnaires. Le financement de l’économie ? Il passe après !

Ainsi, bien que condamnée par la justice américaine à une amende record, BNP Paribas reste déterminée à verser, avant peu, un dividende d’une valeur de 10 % du cours de l’action du groupe dans les années à venir. Tant pis si la rentabilité de la banque s’appuie sur des refus de crédit opposés aux PME et aux TPE ou à une clientèle privée au demeurant de plus en plus endettée.

En vérité, mes chers collègues, il serait peut-être temps que les conseils d’administration bancaires se préoccupent d’atteindre certains objectifs en matière de financement de l’économie ou d’accès au crédit. Ce qui, du reste, n’empêcherait pas que la question de l’existence d’un pôle financier public se pose plus que jamais, comme se pose celle de normes sociales et économiques pour l’utilisation de l’épargne à vue et de l’épargne rémunérée collectées par les établissements banalisés.

La centralisation du livret A et du livret de développement durable doit être renforcée, aux fins de financer la relance du logement social et des travaux rendus nécessaires par la transition énergétique.

Reste que l’impulsion déterminante doit être donnée par la Banque centrale européenne, dont il ne faut jamais oublier qu’elle a pour fonction d’assurer la création monétaire pour l’ensemble des pays de la zone euro.

La BCE est prête, cette année, à injecter rien moins que 1 000 milliards d’euros de liquidités nouvelles au taux de 0,15 %, ce qui est parfaitement susceptible de favoriser les investissements et la création d’emplois. Seulement, la première tranche ouverte à la distribution, d’un montant de 400 milliards d’euros, n’a pas vraiment trouvé preneur.

Dans ces conditions, il est temps, à notre avis, que la France prenne l’initiative de croissance que tout exige aujourd’hui. Si les banques de détail ne veulent pas des fonds si gracieusement proposés par Mario Draghi, autant les confier aux administrations publiques pour qu’ils servent à des investissements utiles à la collectivité.

Il est temps, aussi, qu’un programme pluriannuel de rachat de la dette publique soit mis en place dans la zone euro, associé à un véritable programme de financement d’infrastructures publiques utiles aux économies de tous les États membres.

Il s’agit de créer enfin les conditions d’un désendettement durable des États, par la prise en charge de 15 % à 25 % de l’encours existant à l’échéance de cinq ans environ, et d’ouvrir la voie à un développement durable des économies de la zone euro.

Alors que la zone euro a connu, au cours de la dernière période, une hausse continue de l’endettement des États membres dans un contexte de stagnation économique et de faible inflation, pour ne pas dire de déflation, il est temps de changer son fusil d’épaule et de créer les conditions de la désintoxication financière des politiques publiques.

Par exemple, on ne peut pas montrer du doigt la faible rentabilité des trains à grande vitesse en France en oubliant, aussi rapidement que passent les rames TGV, que cette rentabilité est largement obérée par le coût que fait peser sur RFF, d’abord, et sur la SNCF, ensuite, la dette contractée pour la construction de liaisons pourtant utiles au développement économique et social.

L’Europe et la BCE doivent être au cœur du financement des grands projets d’infrastructures dont l’ensemble des pays de la zone euro ont besoin pour passer de la situation actuelle, marquée par un gaspillage d’énergie, de ressources, de matières premières et de capital physique et humain, à une situation nouvelle dans laquelle les objectifs généreux et généraux de la construction commune seront enfin atteints.

La France, par sa position de premier plan en Europe, peut et doit faire valoir ces nouveaux impératifs du projet européen. Sans quoi celui-ci deviendra toujours plus insupportable aux peuples et éloigné de leur intérêt et de leur attente, confiné à la caricature que constitue le traité budgétaire validé en 2012.

C’est donc vers des politiques publiques nationales et européennes profondément repensées, à la lumière du présent et dans la perspective de l’avenir, que nous devons tendre désormais. Force est de constater que le présent projet de loi de programmation des finances publiques, surtout dans sa rédaction amendée par la majorité de la commission des finances, n’en prend aucunement le chemin.

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