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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est temps de mettre fin à cette addiction au moins-disant fiscal

Amélioration de la justice fiscale -

Par / 28 avril 2011

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est pas facile de parler de l’impôt sur les sociétés en sept minutes !

Avant toute chose, je veux remercier notre collègue François Rebsamen pour la citation qu’il a faite, que je partage, de Jean Jaurès, fondateur d’un journal qui m’est très cher, L’Humanité.

J’en viens à la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste. Reconnaissons d’emblée une qualité à ce texte, celle de rompre avec une règle fiscale tacite, à l’œuvre depuis trop longtemps, qui veut que l’on ne puisse envisager l’amélioration de la situation économique et sociale du pays qu’à l’aune de l’allégement de la participation des entreprises au financement de la charge commune.

Pour une fois, nous sommes saisis d’un dispositif qui tend naturellement à redresser le niveau de la contribution des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, à la fois en mettant en cause l’une des multiples niches fiscales qui l’amputent – je veux parler du régime du bénéfice mondial consolidé – et en proposant de traiter différemment les bénéfices afin de tenir compte de leur affectation.

Il faut sans doute un début à tout, pourrait-on dire à la lecture de cette proposition de loi. Celle-ci n’a pas, pensons-le, vocation à couvrir l’ensemble de la problématique de l’impôt sur les sociétés, mais elle cible assez judicieusement une partie des questions que pose un long processus de dévitalisation d’un impôt, pourtant nécessaire aux comptes publics et, par-delà, à la collectivité nationale.

Avant donc que nous ne donnions notre avis sur le texte qui nous est soumis, il nous faut procéder à une forme de revue de détail de ce qui a conduit notre fiscalité des entreprises, depuis 1985, à cesser de contribuer efficacement à l’équilibre budgétaire.

C’est en effet en 1985, sous le gouvernement dirigé par Pierre Bérégovoy, que le processus de réduction de l’impôt sur les sociétés a été enclenché. Dès cette époque, il a été justifié par la nécessité de favoriser l’investissement productif, le maintien de l’emploi ou l’embauche de nouveaux salariés, l’aménagement des politiques salariales permettant, dans le cadre de la négociation collective, de garantir le pouvoir d’achat des salariés.

Le grand mouvement de réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, qui nous a conduits à appliquer aujourd’hui un taux facial de 33,33 % pouvant être majoré du taux de la contribution sociale pour certaines grandes entreprises, s’est accompagné, au fil du temps, d’une série de mesures tendant à agir sur l’assiette de l’impôt. On a ainsi fini par réduire considérablement la part des bénéfices soumis au taux facial.

Le fameux rapport de la Cour des comptes, publié en octobre 2010, sur la situation fiscale des entreprises au regard des niches fiscales et sociales dont elles bénéficient, a sans doute motivé la proposition de loi dont nous débattons. Mais il a surtout confirmé ce que nous n’avions cessé de dénoncer depuis plusieurs années, notamment au cours des discussions budgétaires.

Ainsi, le Conseil des prélèvements obligatoires, émanation de la Cour des comptes et rédacteur de ce rapport, soulignait la profusion de dispositifs d’un coût parfois élevé et d’une efficacité douteuse. Le crédit d’impôt recherche est l’un des dispositifs auxquels on pense immédiatement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, alors même que vous venez d’en vanter les mérites, mais je reviendrai sur ce point. Surtout, ce rapport mettait en évidence les sommes considérables mobilisées par les effets d’éviction sur l’assiette de l’impôt et les dispositifs dérogatoires.

Pour les exercices 2010 et 2011, nous sommes tout de même parvenus, mes chers collègues, à une situation où l’impôt sur les sociétés représente au mieux de 30 % à 35 % de ce qu’il devrait rapporter !

Question : qui paie un tel déficit de recettes, supérieur à 100 milliards d’euros ? Réponse : les autres, tout simplement !

En d’autres termes, cela justifie – je réponds ainsi aux précédents propos de M. le ministre – qu’on bride la dépense publique, qu’on supprime des emplois publics, qu’on maintienne le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à 19,6 %, et j’en passe...

Pour aller à l’essentiel, je rappelle que, depuis 1985, à la suite du lancement du processus d’allégement de la contribution des entreprises aux budgets publics, de la mise en œuvre d’une politique d’allégement de la taxe professionnelle et de développement des exonérations de cotisations sociales, nous avons privé les budgets de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale de centaines de milliards d’euros.

De 1985 à 2007, et cela n’a pas dû s’arranger depuis, bien au contraire, entre baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, remise en cause de la taxe professionnelle et allégements de cotisations sociales, ce sont plus de 500 milliards d’euros de recettes qui ont été purement et simplement perdus ! Sans compter l’impact des mesures affectant l’assiette de l’impôt sur les sociétés et les coûts de trésorerie courante que ces mesures ont impliqués pour l’État.

Dénoncer l’effet « boule de neige » de la dette publique, faute d’atteindre l’excédent budgétaire primaire, devrait nous faire réfléchir au bien-fondé de ces abandons de recettes. Je n’ai pas le temps d’approfondir ce sujet maintenant, mais nous y reviendrons.

D’ailleurs, monsieur le ministre, après ce que vous venez de dire, examinons la question telle qu’elle se pose réellement : dans le cadre d’une politique économique et industrielle comme celle que nous avons pu voir mener depuis une trentaine d’années, ces efforts ont-ils conduit notre pays sur la voie de la croissance et du plein emploi ? Non !

Vu qu’une bonne partie des groupes industriels nationaux privatisés depuis 1986 ont connu quelques mésaventures – que reste-t-il de Pechiney Ugine Kuhlmann, qui était l’un des leaders de l’aluminium en 1981, lors de sa nationalisation ? –, que l’emploi industriel ne cesse d’être victime, dans notre pays, de la recherche continue de la rentabilité maximale, que nous avons un fort volant de main-d’œuvre privée d’emploi et un volume aussi considérable de salariés noyés dans la précarité, force est de constater que cette fuite en avant vers la réduction des impôts dus par les entreprises n’a pas été nécessairement positive pour notre économie, pour nos emplois, pour la population de notre pays dans son ensemble.

À l’écoute de votre discours, monsieur le ministre, on comprend que vous vouliez persister dans la même voie.

Pourtant, les inégalités de revenus continuent à se creuser, comme le souligne ce matin le journal Les Échos. C’est toujours la même rengaine : « après la crise, il importe, dites-vous, de favoriser l’investissement, de créer plus de richesses ». Mais pour qui est cette richesse ? Il suffit de regarder les sociétés du CAC 40 !

La richesse, monsieur le ministre, elle est pour Mme Bettencourt, qui économise 36 millions d’euros grâce au bouclier fiscal et qui, demain, grâce à vos propositions, verra ses impôts encore réduits.

La richesse, elle est pour ceux qui vont pouvoir échapper à l’impôt sur la fortune grâce à un relèvement du seuil d’exigibilité de 830 000 euros à 1,3 million d’euros, mesure qui favorisera ainsi 300 000 contribuables déjà privilégiés.

II est temps de changer notre fusil d’épaule et de mettre un terme à cette véritable intoxication au moins-disant fiscal qui a marqué près de trente ans de pratique budgétaire dans notre pays !

La proposition de loi de nos collègues socialistes, sans doute inspirée par le contenu du projet présenté par leur parti en vue des rendez-vous politiques de 2012, constitue un élément du débat. Elle nous rappelle la nécessité de poser la juste et légitime question de la réforme fiscale, sans épuiser par avance le sujet. En effet, entre nous soit dit, à ce stade du débat, elle ne saurait constituer la seule approche et l’exposé des seules solutions des problèmes posés.

Nous la prenons donc comme telle, et nous sommes par ailleurs certains, au-delà du débat d’aujourd’hui, qui tournera un peu court vu la position de la majorité, que la question de l’impôt sur la fortune et de la participation des entreprises à l’effort collectif sera l’un des enjeux clés des futures consultations électorales et du débat public qu’elles susciteront.

En tout état de cause, aujourd’hui, nous voterons en faveur de la proposition de loi présentée par nos collègues socialistes.

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