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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’Autorité européenne ne vise rien d’autre qu’à donner des brevets de bonne conscience à tous ceux qui continuent de spéculer

Adaptation de la législation au droit de l’union européenne -

Par / 26 septembre 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de transposition, partielle ou totale, de trois directives européennes portant respectivement sur la monnaie électronique, la surveillance prudentielle des marchés financiers et la qualité des transactions engageant des personnes publiques, appelle naturellement un certain nombre d’observations.

Première d’entre elles : le fait que ce texte de loi, dont l’examen a été ajouté en dernière instance au programme de notre session extraordinaire, procède concrètement de directives dont la transposition a quelque peu tardé – cela a été évoqué –, au point d’ailleurs que, notamment pour la directive sur la monnaie électronique, nous soyons assez nettement « en dehors des clous » – si je puis me permettre cette expression familière – quant aux délais prévus par le texte de la directive lui-même.

Ce retard, régulièrement constaté, dans la transposition des textes européens dans notre législation peut être interprété de différentes manières.

On peut, comme le font un certain nombre de nos collègues, le regretter, au sens où ce retard accuserait en fait notre pays de faire partie des mauvais élèves de la classe européenne, toujours à la traîne, ou presque, quand il s’agit de tirer parti des formidables avancées du droit que constitue l’abondante production d’actes communautaires...

Mais on peut aussi, comme vous venez sans doute de le sentir dans les derniers mots que je viens de prononcer, se demander si la profusion des textes communautaires, mélangeant allégrement lois et règlements, intervenant dans le champ de plus en plus étendu du principe de subsidiarité et de l’intérêt communautaire, ne constitue pas l’expression des limites d’une construction européenne qui se fait par empilement de règlements, de normes et de textes dont certains ont à peine le temps d’être transposés qu’ils sont déjà contrebattus par d’autres plus récents...

Le nombre d’actes communautaires abrogés ou modifiés par la directive relative à l’Autorité européenne des marchés financiers est à ce titre assez éloquent puisque ce ne sont pas moins de onze textes antérieurs qui sont modifiés par la directive !

Notre droit est de plus en plus rempli des transpositions de textes européens, comme si cela procédait d’ailleurs d’une sorte de fatalité d’homogénéisation du droit à l’échelle de l’Union, sans que, pour autant, la moindre avancée démocratique concrète soit accordée aux habitants mêmes de l’Europe puisque c’est le traité fondant l’Union européenne dans sa version Lisbonne et, peut-être, bientôt, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, qui vont fixer le cadre général de la construction...

Venons-en cependant aux trois directives ici transposées, pour tout ou partie.

Sur la monnaie électronique, c’est-à-dire de fait la dématérialisation de la « menue monnaie », et singulièrement de la monnaie métallique ou fiduciaire, utilisée pour les achats de faible montant, la réalité commande de dire que les Français n’ont pas vraiment adopté, ces dernières années, la mode du « porte-monnaie » électronique.

Et on peut d’autant plus les comprendre que la poursuite de l’heureuse gratuité des chèques bancaires et la généralisation des cartes de crédit, utilisables même pour des montants d’opération limités, les ont dissuadés d’utiliser ce type de monnaie pour faire face à leurs dépenses courantes.

Au demeurant, même si cela n’est pas le sujet, il me semble, monsieur le ministre, qu’il y aurait lieu de s’interroger sur un phénomène de plus en plus répandu qui veut que nombre de commerçants refusent le paiement par chèque bancaire ou postal, n’acceptant de règlement qu’en espèces ou au moyen d’une carte de crédit.

Une attitude incompréhensible pour le consommateur moyen – même si le code monétaire et financier laisse une certaine latitude aux commerçants sur le sujet –, un consommateur dont la « bancarisation » a été très vivement encouragée dans les années soixante et soixante-dix, aux fins de substituer à nombre d’opérations menées précédemment en espèces des opérations par chèque ou virement.

Nous pouvons d’ailleurs craindre que la volonté affichée de relancer l’usage du porte-monnaie électronique ne se heurte, dans certains cas, aux mêmes réticences.

Pour autant, la vraie question qui nous semble devoir être évoquée est celle de l’absolue sécurité du mode de paiement.

La directive sur la monnaie électronique vise, en effet, à développer l’offre de services disponible en la matière, ce qui ne peut manquer de nous interroger sur l’absolue fiabilité de tous les opérateurs qui vont demander à intervenir sur le marché français.

L’intention affichée du texte, comme de la directive qui l’a motivé, est de faciliter le développement de ce type de services – qui ne rencontre que peu de succès et se trouve être essentiellement utilisé à partir du Luxembourg avec le service Paypal, qui a été cité – et les exigences prudentielles indiquées nous semblent tout de même un peu limitées pour que tout opérateur de monnaie électronique soit fiable à 100 %.

L’un des problèmes de la monnaie électronique, c’est sans doute qu’elle va favoriser une certaine forme de création monétaire sans contrepartie immédiate, qui ne peut manquer d’éveiller l’attention et la vigilance du consommateur, comme, d’ailleurs, du législateur.

Il pourrait, en effet, être regrettable que les placements éventuels des opérateurs, à partir des sommes passant sur leurs écritures, soient l’objet de pertes diverses, mettant en question la contrepartie de l’utilisateur.

Sur la directive relative aux marchés financiers et la définition du rôle et de l’intervention de l’Autorité européenne des marchés financiers, je remarquerai au passage que la notion de supervision, en ces temps de crise, est remise au goût du jour après plusieurs années de dérégulation, de déréglementation complètement folle dans le secteur de la finance, qui devait, nous disait-on à l’époque, donner naissance à une Europe de la prospérité pour tous et pour l’éternité !

La réalité dure de la crise financière que l’Europe a connue en 2008, et qui se poursuit aujourd’hui, venant doper la « crise obligataire » que vivent les États de l’Union, du fait de l’explosion de leur dette publique, appelait sans doute d’autres solutions, nous semble-t-il, que celle qui consiste, notamment, à renforcer les pouvoirs d’autorités administratives indépendantes dont l’existence tend à laisser croire qu’on surveille de près le fonctionnement des marchés alors même que rien ne change quant au fond.

L’Autorité européenne ne vise rien d’autre qu’à donner des brevets de bonne conscience à tous ceux qui continuent de spéculer – y compris et surtout contre l’euro, dont on nous avait pourtant, il fut un temps, vanté les mérites anti-spéculation – et de tirer parti des régimes particuliers de traitement et « d’accueil » des placements financiers dans nombre de pays et territoires de l’Union, et pas des moindres.

Dois-je répéter une fois encore ici que la présidence de l’Eurogroupe est toujours dévolue au Premier ministre de l’un des pays de l’Union qui pratique allégrement le secret bancaire et qui doit une part importante de son PIB à des services d’optimisation fiscale, selon la formule consacrée ?

On peut alors fort bien sophistiquer les pouvoirs et les compétences de l’Autorité de surveillance, elle ne fera toujours que constater les dégâts si cette démarche ne s’appuie pas sur une volonté politique forte de tous les États membres.

Concernant la directive relative aux modalités de transaction entre personnes publiques et créanciers privés, on ne peut évidemment que souscrire aux principes visant à assurer une meilleure « fluidité » dans le règlement des prestations fournies, ce qui permet d’éviter que des entreprises ne se retrouvent en difficulté faute d’avoir été payées à temps, avec toutes les conséquences que cela implique notamment pour l’emploi.

Dans le même temps, les délais de paiement sont, de manière générale, fort bien respectés par les collectivités locales, comme l’atteste l’étude d’impact associée au projet de loi ; le rapporteur notre collègue Richard Yung évoquait hier un délai moyen de vingt-cinq jours, ce qui semble raisonnable.

Nous ne pourrions évidemment que souscrire à l’intention générale de ce texte, mais nous sommes obligés de nous demander si, au fond, tout cela ne procède pas de la clause de style.

En effet, voilà au moins trois ou quatre ans que l’Union européenne, par la voix de la Commission, appelle à la maîtrise de la dépense publique, tout en mettant peu à peu en cause quelques-unes des spécificités de notre droit de la commande publique, singulièrement sur les contingents de réservation, ou encore sur la publicité de cette commande. À se demander d’ailleurs, en dernière instance, si la directive cherche à développer de saines pratiques de gestion locale ou à permettre aux groupes spécialistes du traitement de la commande publique de percevoir plus rapidement encore le produit de leur intervention. D’autant qu’il me semble qu’il conviendrait aussi de se pencher sur les pratiques commerciales en vigueur en matière de contrats privés, quand on connaît les déséquilibres qui peuvent parfois exister dans la relation entre le client et le fournisseur.

Toutes ces observations nous conduisent, comme vous pouvez vous y attendre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à nous abstenir sur ce projet de loi.

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