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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’absence d’une ambition culturelle

Loi de finances pour 2015 : culture -

Par / 29 novembre 2014

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je n’évoquerai qu’une seule question : l’ambition culturelle, celle sans laquelle la gauche n’est pas elle-même, celle sans laquelle la France n’est pas celle de l’égalité.

Madame la ministre, cette ambition est une nouvelle fois absente du budget que vous nous proposez. Or, en temps de crise plus que jamais, la culture doit être au cœur de l’ambition politique. Elle n’est pas un luxe que la crise rendrait superflu et qu’on pourrait sacrifier.

La culture est, au contraire, le chemin le plus fécond de l’émancipation individuelle et collective quand tout est fait pour borner les horizons. Avec sa capacité à symboliser, à nourrir la pensée, à libérer les imaginaires, elle seule rend possible la construction d’un autre monde.

C’est donc bien la question du sens et de la visée culturelle qu’il importe de traiter aujourd’hui, car examiner le budget de la culture, c’est mettre à l’épreuve des chiffres non seulement l’ambition politique en matière d’arts et de culture, mais l’ambition politique tout court d’une société débarrassée des dogmes financiers qui broient tant de parcours humains.

Je vous le dis tout net, notre ambition culturelle ne s’inscrit pas, pour ce qui nous concerne, dans la pensée aujourd’hui dominante des sphères dirigeantes qui borne notre horizon en vertu du prétendu dogme budgétaire. Ce dogme, qu’on ne questionne ni ne remet en cause, entraîne pourtant des conséquences catastrophiques, comme le montrent encore les chiffres du chômage publiés il y a quelques jours.

Malheureusement, le budget général s’inscrit dans ce dogme de réduction budgétaire et la culture reste, quoi qu’on en dise, en première ligne. Si le Gouvernement s’évertue à défendre que, dans un contexte de participation du ministère à « l’effort de redressement des comptes publics », la faible diminution du budget de la culture démontre l’importance accordée à la culture, l’argument a de quoi laisser songeur. Il ne parvient pas à masquer ce qui continue d’être en fait un renoncement.

Je n’ai pas le temps de faire un inventaire exhaustif de tous les chiffres de ce budget, mais notons simplement que cette « importance », cette « priorité » comme on nous dit, se traduit cette année par une augmentation de 0,09 %, qui est en réalité une baisse de 0,9 % en euros réels, c’est-à-dire compte tenu de l’inflation.

En outre, nous n’oublions pas que ce budget fait suite à des baisses successives de 2 % en 2014 et de 4 % en 2013, et qu’il s’inscrit donc dans une diminution continue depuis 2008. Partout, les créateurs souffrent, s’inquiètent, alertent. L’ambiance consensuelle des propos que j’entends depuis ce matin me paraît en décalage total avec les angoisses rencontrées sur le terrain.

En l’absence de politique culturelle forte, le champ est laissé libre aujourd’hui au populisme culturel qu’on voit renaître un peu partout avec les spectres de la censure, du tri culturel, de la bienséance réactionnaire. (M. Philippe Bonnecarrère rit.) Le champ est laissé libre à une marchandisation normalisée de la culture, véhiculée par les grandes entreprises du marché, par les géants américains du web qui veulent tout contrôler et piller, à commencer par les droits d’auteur, et abordent les biens culturels comme de simples contenus marchands permettant de dégager des profits selon les logiques de l’arithmétique financière. Le vide laissé se révèle d’autant plus grand qu’à la baisse du budget de l’État pour la culture s’agrègent désormais la réforme des compétences des collectivités territoriales et la baisse de leurs dotations.

Loin de l’ambition de décentralisation et de démocratisation culturelle rapprochant la culture des territoires et des citoyens, les crédits attribués aux régions reculent en vérité dans la mission « Culture ». À cela s’ajoute la diminution des dotations de l’État.

Vous ne pouvez pas parler de maintien de l’effort culturel quand la réduction programmée des dotations aux collectivités territoriales, qui sont les principaux financeurs de l’action culturelle, avec des budgets consacrés à la culture dépassant celui de l’État, les empêchera de contribuer correctement au développement de la culture.

Combien de projets seront menacés ? J’étais hier au Salon du livre et de la presse jeunesse, qui constitue la principale initiative en matière de soutien à ce secteur : cet événement n’existerait pas sans l’engagement du département de la Seine-Saint-Denis et de la Ville de Montreuil. Combien de compagnies de théâtre ne pourront plus exister ? Combien d’artistes ne pourront pas travailler ?

Le maintien d’une compétence partagée entre collectivités est indispensable, et nous veillerons à ce qu’il en soit ainsi lors de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « projet de loi NOTRe ». Toutefois, cette compétence partagée n’a de sens qu’avec le maintien d’un haut niveau d’engagement de l’État ainsi que des moyens donnés aux collectivités, nécessaires pour assurer les financements croisés.

Pour terminer, je veux attirer votre attention sur la situation, toujours non réglée, des intermittents et, au-delà, de l’ensemble des artistes et techniciens. Le Gouvernement s’est mis dans une situation difficile en agréant la convention relative à l’assurance chômage au printemps dernier. Il a fallu le mouvement de mobilisation de toute la profession pour permettre la création de la mission tripartite.

Cependant, nous sommes très inquiets. Rien ne semble avancer, et la mission pourrait déboucher sur une nouvelle impasse devant le refus d’une partie des signataires de la convention de revoir les dispositions de l’agrément. La surenchère du MEDEF est d’ailleurs encouragée par tous les gages qui lui sont donnés, sans aucune contrepartie pour l’intérêt général.

La mission doit déboucher sur des pérennisations claires en faveur des artistes. En cas d’échec, il sera alors de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement de trancher en faveur d’une solution durable, originale et équilibrée pour les intermittents du spectacle. Nous y veillerons.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous voterons contre ce budget, parce qu’il ne traduit pas d’engagements forts pour la culture ni de volonté de promouvoir les droits de toutes celles et de tous ceux qui œuvrent pour sa vitalité.

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