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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La France manque cruellement de logements

Loi de finances pour 2010 : ville et logement -

Par / 4 décembre 2009

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les observateurs le reconnaissent : la France manque cruellement de logements. On dénombre ainsi plus de 1,4 million de demandeurs de logements HLM, 500 000 personnes « sans domicile », 2 millions de personnes mal logées et près de 860 000 précaires. Au total, plus de 3,5 millions de personnes sont en situation de mal-logement aujourd’hui en France.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. D’où sortent ces chiffres ?

Mme Odette Terrade. Vous ne lisez pas les rapports de la Fondation Abbé Pierre, monsieur le secrétaire d’État, ou les statistiques de votre ministère ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je doute qu’il y ait 500 000 sans-abri !

Mme Odette Terrade. Quelles politiques ont conduit à cette situation dramatique ?

Depuis le milieu des années soixante-dix, le logement est hélas ! considéré non plus comme un bien devant répondre à des besoins sociaux et humains, mais comme une marchandise susceptible de générer des pertes ou des profits.

Cette politique s’est traduite par un glissement des aides de l’État en faveur de la construction de logements sociaux – « l’aide à la pierre » – vers un système de financement de la construction…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il fallait le changer pendant les quatorze ans où vous avez été au pouvoir !

Mme Odette Terrade. … poussant à la spéculation : aides personnalisées au logement pour « solvabiliser » les locataires du parc social dont les loyers devaient s’aligner sur ceux du privé et, parallèlement, multiplication d’aides accordées aux propriétaires pour les inciter à investir dans l’immobilier. Je veux parler des dispositifs Périssol, Besson, Borloo, Robien, Scellier… Ceux-là, vous ne les contestez pas, monsieur le secrétaire d’État !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Rappelez-moi de quel gouvernement Louis Besson a-t-il fait partie ?

Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d’État, si vous ne souhaitez pas écouter ce que l’opposition entend vous dire, je peux quitter la tribune et regagner ma place,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Pardonnez-moi.

Mme Odette Terrade. … et nous irons plus vite ainsi. Mais je pense que vous pourriez faire preuve d’un minimum de respect et m’écouter.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Justement, je vous écoute et comme je ne suis pas d’accord avec vous, je l’exprime !

Mme Odette Terrade. Vous me répondrez peut-être lors de votre intervention, mais ne m’interrompez pas !

C’est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy a formulé son espoir d’une « France de propriétaires », rêvant de crédits hypothécaires « à la française ». On connaît la suite ! Les aides de l’État sont en diminution constante et ne permettent pas de donner la priorité au logement pour les plus modestes.

Quant aux classes moyennes, non seulement elles n’ont plus les moyens d’accéder à la propriété, mais elles ne bénéficient pas non plus du logement social. C’est donc une impasse.

Depuis de nombreuses années maintenant, nous déplorons le manque d’ambition de l’État en la matière. En effet, nous sommes passés de 210 000 logements locatifs sociaux engagés en 2000 à 153 000 en 2007.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Comment peut-on mentir à ce point ?

Mme Odette Terrade. Aujourd’hui, votre gouvernement présente comme un progrès la mise en chantier de 110 000 logements. En réalité, selon nos calculs, seuls 93 000 sont en construction, alors qu’il en faudrait 450 000 pour commencer à répondre aux besoins.

Par conséquent, le projet de budget pour 2010 se situe dans la continuité du désengagement continu de l’État de ce secteur.

Ainsi, si les crédits globaux sont en augmentation, cela cache des disparités particulièrement contestables. Nous pourrions qualifier ce projet de budget de « trompe-l’œil ».

Le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » devrait constituer la priorité pour 2010, année européenne de lutte contre l’exclusion. Cependant, nous voyons bien qu’il est en nette diminution, à hauteur de 20 millions d’euros ; je pense notamment aux crédits affectés à la prévention de l’exclusion, qui baissent de 22 %.

Selon M. le rapporteur spécial Philippe Dallier, et nous partageons son analyse, la sous-budgétisation chronique de ce programme est d’autant plus criante que pas un euro n’est prévu dans le plan de relance.

Le programme 135, qui correspond en particulier aux aides à la pierre, diminue également, avec une baisse de 15 % des autorisations d’engagement.

On observe ainsi une réduction sévère de la subvention moyenne par prêt locatif à usage social, ou PLUS, qui s’élève désormais à 1 000 euros, contre 2 700 euros en 2009. En outre, le nombre prévisionnel de PLUS est en baisse de 10 000 unités. La conclusion est nette : on construira moins avec moins d’argent !

En maintenant ses crédits en diminution, l’État entend ainsi reporter les besoins en financements des opérations sur les autres intervenants, notamment les collectivités locales, « Action logement » ou les organismes eux-mêmes. Pourtant, les collectivités seront en grande difficulté, du fait de la suppression de la taxe professionnelle, pour maintenir un tel niveau d’effort.

La lutte contre l’habitat indigne relève désormais de la compétence de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH. Cependant, au regard de la situation déplorable de cette agence, nous avons des doutes sur la pérennité d’une telle action. Il en va de même pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, qui, selon certains observateurs, pourrait se retrouver en cessation de paiement dès 2011 ; d’autres l’ont affirmé avant moi. C’est préoccupant.

En effet, pour la période triennale 2009-2011, les deux agences de l’État chargées de la rénovation urbaine sont financées de manière quasi exclusive par les contributions du 1 % logement, permettant par là même un désengagement de l’État.

Parallèlement, nous ne disposons pas d’éléments nous permettant d’apprécier l’efficacité de la dépense fiscale. Nous pouvons simplement constater son « verdissement », dont l’objectif flagrant est d’en renforcer la légitimité.

Pourtant, force est de constater que le montant total de ces exonérations atteint des sommets, à hauteur de 11,3 milliards d’euros, dont seulement 1,5 milliard d’euros concerne le logement social.

Cette politique fiscale se fixe donc d’autres priorités que la nécessaire construction de logements sociaux, en privilégiant les investissements fonciers des personnes qui disposent déjà d’un toit.

J’en viens aux aides personnelles. M. le rapporteur spécial note une nouvelle fois, très justement, que les indicateurs liés au taux d’effort des ménages font apparaître des résultats médiocres, en régression par rapport à 2008, et « illustrent la diminution de l’effet solvabilisateur des aides personnelles malgré l’importance des volumes financiers qui leur sont consacrés ».

Nous le voyons donc bien, la hausse effective des crédits consacrés aux aides personnelles, qui est cette année à hauteur de 5 milliards d’euros, correspond uniquement au résultat de la situation économique déplorable du pays. À ce titre, elle reste insuffisante : sur l’année 2009, les loyers et les charges locatives ont augmenté de manière plus importante que les salaires. Et cela ne risque pas de s’inverser ! Je rappelle également que nous demandons une revalorisation de 20 % du niveau des aides personnalisées au logement, les APL, depuis de nombreuses années.

Pour finir sur cette question, je note que M. le rapporteur spécial va même jusqu’à parler d’« insincérité » de ce programme, au regard des grandes difficultés financières du fonds national d’aide au logement, le FNAL, dont le déficit cumulé atteint 585 millions d’euros.

Parallèlement à un budget peu ambitieux, tout un arsenal législatif est mis en place pour réformer les prescriptions appliquées au logement, dans l’objectif d’en dévoyer la mission.

Ainsi, la loi « Boutin » et les fameuses « conventions d’utilité sociale », dont elle institue l’obligation, faute de se donner les moyens de construire et d’assurer le droit au logement, imposent d’éjecter les locataires dépassant les plafonds. En baissant dans le même temps les plafonds de ressources, cette loi a pour objet de réduire le nombre des demandeurs en attente, en excluant du logement social de nombreux salariés. Elle contraint également les organismes d’HLM à vendre une partie de leur parc, 1 %, soit la bagatelle de 40 000 logements, représentant 2 milliards d’euros, pour dégager de la trésorerie face à la baisse des concours de l’État.

La Caisse des dépôts et consignations a été invitée, pour sa part, à se défaire de ses filiales logement. Je pense notamment à la vente par la société ICADE de plusieurs milliers de logements en Île-de-France.

Dans ce contexte, alors que la récente loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, aurait dû constituer une avancée, en reconnaissant juridiquement un droit fondamental, elle n’offre en réalité aucun débouché concret, puisque l’on continue à ne pas construire suffisamment de logements.

À titre d’exemple, le comité de suivi du droit opposable au logement indique que, sur toute la France, 7 250 ménages prioritaires, dont 6 500 sont en Île-de-France, n’ont pas reçu d’offre dans le délai légal. En fait, c’est le serpent qui se mord la queue.

À ce triste bilan et aux funestes perspectives qui s’ouvrent, il faudrait ajouter la banalisation du livret A et la mise en concurrence des réseaux bancaires, qui fragilisent les ressources du logement social. Depuis le mois de mai dernier, nous déplorons la disparition de 6,49 milliards euros des livrets A.

Il faudrait également mentionner le pillage du 1 % logement au travers de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Et tout cela sans compter le « retard à l’allumage » dans l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, qui impose 20 % de logements locatifs sociaux, avec une vision variable de ce qui est considéré comme logement social et un manque criant dans beaucoup de ville de logements très sociaux ; je pense notamment aux prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI. Cette disposition est d’ailleurs régulièrement remise en cause par votre majorité.

Pour finir, certaines des récentes prises de positions de la Commission européenne remettent en cause, au nom du principe de « libre concurrence », la possibilité pour les pouvoirs publics locaux ou nationaux de soutenir financièrement des opérateurs du logement social...

C’est donc sans doute à la phase ultime de l’attaque contre le droit au logement pour tous que nous assistons, ainsi qu’à la tentative délibérée de marchandisation complète du logement, les conventions d’utilité sociale en étant, selon nous, un outil très dangereux.

Face à cette situation exceptionnelle et à la faiblesse de ce projet de budget pour 2010, nous demandons très solennellement la relance d’une grande politique de construction, adossée à la constitution d’un grand pôle public de financement du logement locatif. Nous demandons également que, face à l’urgente nécessité de construction de logements, le budget de l’État en matière de logement soit porté à 2 % du PIB.

Pour toutes ces raisons, et parce que les crédits que vous nous proposez ne permettent pas d’entrevoir ce que pourrait être un grand service public de l’habitat, nous voterons contre les crédits de la mission « Ville et logement ».

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