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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La France n’a besoin ni d’un Mario Monti ni d’un Loukas Papademos ; elle a besoin d’une nouvelle politique, d’une nouvelle espérance, d’un nouveau projet

Loi de finances pour 2012 -

Par / 17 novembre 2011

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à la crise économique qui a pris, voilà peu, une nouvelle forme, il n’y a pas beaucoup d’attitudes possibles.

La première, celle qui, pour l’heure, semble privilégiée, c’est la soumission pure et simple à la loi des marchés financiers, au motif que tout passe par là, qu’il s’agisse du financement de l’économie, des ressources des entreprises ou de celles des États.

Il est vrai qu’il y a une étrange coïncidence : depuis près de quarante ans, d’un côté, la Banque de France n’est plus habilitée à faire la moindre avance au Trésor public en imprimant de la monnaie – pas plus que la Banque centrale européenne, dont elle est devenue la succursale –, de l’autre côté, nos comptes publics n’ont cessé de se dégrader plus ou moins fortement.

Quoi qu’il en soit, toutes les politiques menées en Europe ces temps derniers vont dans la même direction : pratiquer les ajustements budgétaires permettant de s’acquitter de la dette, alors même que le risque patent des politiques d’austérité qui en découlent est précisément d’inscrire dans la durée déficits publics et endettement.

Car le problème est bien là : le remède est pire que le mal et les exemples de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne, pays déjà soumis à la loi de l’austérité sous les bons auspices de la Commission européenne, de la Banque centrale et du Conseil des ministres, sont là pour nous montrer que les choses peuvent fort bien aller de mal en pis.

Explosion du chômage, effondrement du pouvoir d’achat, baisse sensible de l’activité économique et récession, tout montre que les pays faisant déjà l’objet de la cure d’austérité à l’œuvre connaissent une aggravation de leur situation.

Le tiers des municipalités portugaises, par exemple, est au bord du dépôt de bilan et un autre tiers connaît de grandes difficultés.

Cette soumission à la loi des marchés, nous la retrouvons, mes chers collègues, dans le contenu de ce projet de loi de finances pour 2012, où l’on partage en quelque sorte l’amère potion de l’austérité, comme dans les autres mesures annoncées dans le prochain collectif, qui obéissent aux mêmes attendus.

L’appel à la rigueur a quelque chose de piquant, venant d’un gouvernement qui, en début de législature, a multiplié les cadeaux fiscaux, allégé l’impôt de solidarité sur la fortune, renforcé le bouclier fiscal, permis l’optimisation des patrimoines, et qui, en cours de route, a supprimé la taxe professionnelle et autorisé la niche Copé. Cette rigueur-là a, pour ainsi dire, un drôle de goût !

Votre plan de rigueur, madame la ministre, ce sont 2 milliards d’euros d’ISF en moins au mois de juillet, puis 1 milliard d’euros pris dans la poche des assurés sociaux en septembre, et enfin 2 milliards d’euros que vous allez prendre aux salariés et aux retraités, essentiellement au titre de l’impôt sur le revenu qu’ils acquitteront en 2012.

Aux uns les cadeaux dispendieux, qui n’ont fait que grossir les fortunes et les patrimoines, aux autres les efforts !

D’ailleurs, l’ensemble du paquet fiscal de la loi TEPA, qui n’a pas fait grand-chose pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat – mais qui a, en revanche, fait beaucoup pour les plus riches –, va encore nous coûter, cette année, plus de 9 milliards d’euros.

M. le président de la commission des finances a eu beau jeu de nous expliquer, voilà quelques instants – mais nous avons l’habitude : il le fait chaque année, même si c’était auparavant en tant que r&apporteur général –, que ces mesures constituent un facteur de croissance.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis constant sur ma ligne ! Vous n’allez pas me le reprocher !

M. Thierry Foucaud. Certes !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous aussi, d’ailleurs, vous êtes constants.

M. Thierry Foucaud. Tout à fait !

Vous nous expliquez, monsieur le président de la commission des finances, qu’il faut tenir compte des enjeux de l’économie. De notre point de vue, l’enjeu clé, c’est de ne pas céder à la pression des marchés financiers !

Je n’aurai pas le mauvais goût de rappeler ici les discours du Président de la République sur la régulation des marchés financiers, discours qui, d’ailleurs, n’ont pas encore trouvé l’amorce de l’esquisse d’une traduction concrète. C’est si vrai que, dans la sphère financière, les mots « taxe » et « impôt » sont pratiquement inconnus.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous exagérez juste un peu… mais bon !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président de la commission des finances, si l’on ne veut pas céder à la pression des marchés, il faut commencer par modifier une large part de notre fiscalité. Ainsi, nous devons nous demander pourquoi l’ensemble des revenus financiers bénéficie, aujourd’hui encore, d’un traitement fiscal privilégié.

Je partage le point de vue de Mme la rapporteure générale : le relèvement annoncé des taux de prélèvement libératoire ne doit pas faire oublier l’essentiel, à savoir les raisons de ces formes d’imposition allégée. Il faut aussi se demander pourquoi subsisteront des produits continuant à bénéficier d’un traitement de faveur.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle ne va donc pas assez loin !

M. Thierry Foucaud. Il en est ainsi des plans d’épargne en actions ou des dispositifs concernant les opérations sur titres des plus grandes entreprises.

Nous considérons, pour notre part, qu’il est nécessaire que soit promu, autant que faire se peut, tout circuit de financement de l’économie qui échappe à la logique de la bourse et des marchés.

Nous avons, d’ailleurs, en France, avec le livret A, le livret de développement durable et bien d’autres outils financiers, de quoi intervenir dans un premier temps et de quoi envisager de nouvelles sources de financement de l’activité économique.

La « banalisation » du livret A, gaspillage pour gaspillage, ce sont 60 milliards à 80 milliards d’euros d’épargne populaire qui ont été confiés aux établissements bancaires, lesquels ont pu en user et en abuser ! Les mal-logés, demandeurs de logements sociaux financés sur ces ressources, peuvent attendre ! Or la construction de logements est aussi un facteur de croissance.

Mais attardons-nous un peu sur les établissements bancaires. Nos banques gèrent un flux de plus de 1 500 milliards d’euros, somme de l’épargne à vue des entreprises et des ménages, non rémunérée. Il serait temps de s’attacher à ce que ces sommes soient utilisées au mieux. Or nous n’avons pas l’impression, au vu des difficultés que rencontrent nombre de PME pour obtenir le moindre crédit, que ce soit tout à fait le cas.

Dans le numéro de La Tribune en date du 6 octobre, on pouvait lire que 60 % des appels d’offres ne trouvent pas de financement auprès des banques françaises. Et, pendant ce temps-là, on nous tient de beaux discours sur la croissance…

En tout état de cause, il va bien falloir se décider à mettre en place une taxation des transactions financières. La disposition a été votée en loi de financement de la sécurité sociale. Indépendamment de ce vote, une telle mesure illustre bien la volonté, largement partagée dans l’opinion, de ne plus laisser libre cours aux dérèglements des marchés.

Allons plus loin sur la question des choix fiscaux que nous devons porter : la situation des comptes publics trouve son origine dans l’accumulation ininterrompue de divers cadeaux fiscaux qui ont, au fil du temps, creusé les déficits publics sans régler les questions essentielles de l’emploi, de l’équilibre de notre industrie, de notre potentiel de développement. Marc Massion et François Marc ont évoqué l’exemple de la réforme de la taxe professionnelle.

Nombreux sont ceux qui, sans la moindre preuve, répandent sur les ondes, dans la presse, ou par tout moyen moderne de communication, la fable de l’excès de dépenses publiques dans notre pays. Mon cher Marc Massion, je vous rejoins également sur ce point.

Ce n’est pas l’excès de dépenses publiques qui a créé le déficit public, en tout cas celui de l’État. Car, voyez-vous, les données sont terribles !

En 1985, la part des dépenses de l’État dans le PIB était de 20 % environ. Nous avons connu, à partir de cette année-là, un long « effort », toujours en cours, de réduction des obligations fiscales et sociales des entreprises. Où en est-on aujourd’hui ? Nous avons plus de 1 300 milliards d’euros de dette d’État et le PIB atteint environ 1 960 milliards d’euros en 2011. Or, pour 2012, nous avons, entre l’État et les budgets annexes, 380 milliards d’euros de dépenses, dont presque 50 milliards d’euros, pour le seul service de la dette.

En d’autres termes, mes chers collègues, nous en sommes au même taux de 20 % du PIB pour les dépenses de l’État. Cela signifie tout simplement que la situation n’a pas profondément évolué depuis 1985...

Qu’on cesse donc de stigmatiser l’excès des dépenses publiques en France ! Ce discours ne vise qu’à cacher ce que vous faites pour les entreprises et qui n’est pas bon pour notre pays.

La stabilité des dépenses publiques d’État n’a nullement empêché le creusement des déficits. Cela prouve bien que ce sont des années et des années de diminution des recettes fiscales qui ont conduit à la situation que nous connaissons.

On a ainsi réduit les cotisations sociales des entreprises pour « alléger le coût du travail », diminué l’impôt sur les sociétés pour « assurer la compétitivité de nos entreprises » – M. le président de la commission des finances a repris cette antienne tout à l’heure –, réformé la taxe professionnelle pour « ne pas pénaliser l’embauche et l’investissement », mais cela n’a créé aucun emploi. Nous avons par ailleurs multiplié les régimes fiscaux particuliers, les niches fiscales et, surtout, nous avons creusé les déficits... Il faut mettre fin à cette logique !

Mais je vois qu’il me faut maintenant conclure.

La dictature des marchés, les peuples n’en veulent pas et ils ne manqueront pas, le moment venu, de nous le faire savoir.

La France n’a besoin ni d’un Mario Monti ni d’un Loukas Papademos ; elle a besoin d’une nouvelle politique, d’une nouvelle espérance, d’un nouveau projet. Ce nouveau projet, que nous tentons de définir et que nous défendrons, est bien différent de celui qui nous est proposé. Nous ne voterons donc pas le présent projet de loi de finances.

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