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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La dette, enfumage idéologique pour mieux faire accepter des sacrifices au peuple

Loi de finances pour 2015 -

Par / 21 novembre 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’instar de M. Gattolin, j’estime que le projet de loi de finances pour 2015 ne traduit qu’une préoccupation : la baisse de la dépense publique.

Examiné à mi-chemin de la législature entamée en juin 2012, il semble quelque peu au milieu du gué, et traduit, pour l’essentiel de ses dispositions, une continuité avec les principaux textes précédemment discutés et promulgués, dont il tire les conséquences. Ainsi tend-il, dans un contexte relativement contraint, à repousser à une date ultérieure les mutations les plus significatives de notre système fiscal et des politiques publiques.

Plus encore que le projet de loi de programmation des finances publiques, dont nous avons débattu voilà peu, ce projet de loi de finances pour 2015 se situe dans le droit fil des engagements de notre pays au titre du traité budgétaire européen. Ces engagements ont d’ailleurs eu quelque mal à être respectés – cela n’a pas été pour nous surprendre ! – par la France comme par la majorité des pays de la zone euro. Bruxelles va donc demander à la France de faire davantage d’économies, allant encore au-delà des 50 milliards d’euros d’ici à 2017, ce qui revient à exiger toujours plus d’efforts à la population de notre pays.

Au vu des pouvoirs accrus de la Commission européenne, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons, sur ce sujet, une réponse de la part du Gouvernement.

C’est que, à force de vouloir complaire à la Chancelière allemande et aux électeurs conservateurs et démocrates-chrétiens de son pays, lesquels redoutent l’inflation, les politiques économiques de l’ensemble des pays de la zone euro se retrouvent toutes fondées sur la même logique stupide d’austérité, de réduction des dépenses publiques, de défense coûte que coûte de la parité de l’euro vis-à-vis des autres devises. Comment, alors, s’étonner qu’elles conduisent partout au même résultat ?

Le projet de loi de finances pour 2015 fait ainsi apparaître un déficit de 75 milliards d’euros, ou peu s’en faut… Laissons d’emblée de côté les discussions avec l’équipe de M. Juncker sur le niveau de ce déficit : l’écart ne serait que de quelques milliards d’euros, des sommes peut-être utilement placées par Axa et le Crédit Lyonnais, entre autres, dans un établissement bancaire luxembourgeois ! Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir, c’est que nous continuons, année après année, de « soutenir » nos entreprises à coups de dizaines de milliards d’euros.

Qu’on y songe !

Le total des exonérations de cotisations sociales, générales ou ciblées, atteint près de 34 milliards d’euros, dont un peu plus de 3 milliards ne sont d’ailleurs pas compensés à la sécurité sociale !

Par ailleurs, 10 milliards d’euros sont attendus cette année au titre du CICE, qui n’a sans doute pas fini de nous surprendre vu qu’on en est encore à la période de montée en charge du dispositif.

Rappelons au passage que le budget pour 2015 prévoit près de 72 milliards d’euros de dépenses fiscales – à peu près le produit de l’impôt sur le revenu –, dont près de 19 milliards d’euros pour les dispositions communes à l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, près de 18 milliards d’euros d’allégement de la TVA, près de 3 milliards d’euros de moins sur l’impôt sur les sociétés hors CICE, près de 4 milliards d’euros au titre des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques. À ces montants concernant des mesures destinées uniquement aux entreprises, s’ajoute une somme supérieure à 1,1 milliard d’euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Je ne reviens pas ici sur les effets de la disparition de la taxe professionnelle et de son remplacement par la cotisation foncière des entreprises, celle-ci procurant désormais, le plus souvent, une recette inférieure à celle qu’offraient la taxe d’habitation et de la taxe foncière sur les propriétés bâties !

Et comment pourrions-nous oublier qu’un certain nombre de pertes de recettes procèdent de ce que l’on appelle les modalités particulières de calcul de l’impôt ? Derrière ce concept, parfaitement technocratique, se cachent effectivement des réductions considérables de recettes pour l’État.

L’abattement sur les dividendes ? Ce sont 1,8 milliard d’euros perdus pour l’État et la collectivité ! La taxation à taux zéro des plus-values de cession de titres de participation ? Voilà 4,33 milliards d’euros envolés ! Le régime des sociétés mères et filiales ? Encore 24 milliards d’euros évaporés en produits de participation ! Et c’est sans compter le régime d’intégration des groupes – 16,4 milliards d’euros –, le remboursement de la TVA – 48,5 milliards d’euros –, le remboursement des acomptes d’impôt sur les sociétés et le report en arrière des déficits – 14,6 milliards d’euros.

Je pourrais continuer cette énumération, mes chers collègues, qui semble interminable tant notre droit fiscal s’est, au fil du temps, truffé de mesures dérogatoires, d’exceptions à la règle commune, de cas particuliers.

Qu’on se le dise, la France est un paradis fiscal pour les entreprises !

Dans le même temps, le fait de voir dans le quotient familial un avantage fiscal inconsidéré ne semble soulever aucune difficulté ! Nous avons découvert cette semaine que les retraités ayant eu l’idée saugrenue de vouloir « réussir » leur vie professionnelle – je pense notamment aux femmes qui ont souhaité concilier vie privée et vie sociale tout au long d’une carrière complète – et percevant 1 456 euros bruts par mois de pension étaient suffisamment « riches » pour s’acquitter de 6,6 %de CSG !

Oui, le gouvernement Valls n’aime que l’entreprise ! Les preuves d’amour existent, et cette passion semble bien exclusive !

M. Jean Germain. La passion est l’ennemi de l’amour !

M. Thierry Foucaud. En l’occurrence, ils me paraissent se conjuguer !

Ce projet de de budget pour 2015 obéit donc aux mêmes principes que ceux qui l’ont précédé : stagnation du pouvoir d’achat des agents du secteur public, réduction et contraction des effectifs budgétaires, le tout, d’ailleurs, dans le cadre d’une gestion courante des carrières semblant recourir, de plus en plus, à toutes les « ficelles » susceptibles de réduire la dépense – y compris le retard dans la rémunération des fonctionnaires ayant bénéficié d’un avancement d’échelon –, réduction des dotations et concours aux collectivités locales, réduction des dépenses publiques, même si certaines, comme les dépenses liées aux opérations militaires extérieures, semblent toujours aussi mal « calibrées »…

L’objectif principal consiste à réduire le déficit et, par voie de conséquence, la dette, représentative du cumul des déficits. Le site du ministère des finances et des comptes publics, lui-même, nous rappelle qu’avant 2002, la France portait une dette publique de 930 milliards d’euros et que celle-ci a doublé depuis lors.

J’invite ici ceux de nos collègues qui croient encore à la nécessité de rembourser la dette à passer un peu moins de deux heures à revoir la comédie historique de Christian-Jaque, François Ier, dans laquelle le personnage principal, joué par Fernandel, raconte comment la France a, à l’époque, inventé la « dette perpétuelle ». (Sourires.)

Justement, à propos de la dette, je voudrais citer ici un chiffre particulièrement significatif : alors qu’elle atteint aujourd’hui 2 000 milliards d’euros, les intérêts de la dette versés depuis 1973 représentent à eux seuls un total de 1 600 milliards d’euros. Tout est dit !

Parler de la dette aujourd’hui procède donc, en grande partie, de l’enfumage idéologique, du viatique nécessaire pour mieux faire accepter des sacrifices au peuple de ce pays.

Comment parle-t-on de la dette ?

On met en exergue son montant global, mélangeant allègrement une dette d’État, produit de déficits budgétaires cumulés, et une dette locale qui ne porte que sur des dépenses d’équipement financées par emprunt.

On oublie évidemment de rappeler que, face à cette dette, c’est-à-dire un passif, il y a un actif, c’est-à-dire l’ensemble des biens, mais aussi l’image que notre pays a acquise pour partie grâce à cet endettement.

Les comparaisons étant souvent faciles, comment ne pas remarquer qu’un ménage s’endette généralement pour acheter un bien immobilier, un véhicule automobile, des meubles, et qu’il ne viendrait jamais à l’idée de personne de considérer ces acquisitions comme nulles et non avenues.

Eh bien, pour l’État, c’est pareil ! À la grande époque gaullo-pompidolienne, quand nous étions encore aux temps bénis du plein emploi, de la décentralisation planifiée d’en haut, de l’ordre moral et de l’indépendance de notre défense par rapport à l’OTAN,…

M. le président. Seriez-vous nostalgique de cette époque, monsieur Foucaud ? (Sourires.)

M. Thierry Foucaud. … il y avait une dette publique et l’on émettait des obligations et des bons du Trésor, ne serait-ce que pour donner un peu d’activité aux marchés financiers d’alors.

Avec cette dette, la France s’équipait. Oh, pas toujours avec la prévoyance qui s’impose aujourd’hui quand il s’agit de protéger des environnements menacés, de tenir compte un peu plus des hommes et des femmes qui vivent dans tel ou tel territoire… Toujours est-il que la France s’équipait !

Et la croissance, également portée par ces investissements publics, produisait ensuite les fruits qui permettaient de faire face au service de la dette et à son amortissement.

M. le président. Votre temps de parole n’est plus que d’une minute, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je vais donc écourter mon propos, monsieur le président.

Je rappellerai simplement à M. le secrétaire d’État et à M. le rapporteur général de la commission des finances que, tant que nous traînerons moins d’un point de croissance sur l’année, même avec des taux à long terme de 1,75 %, le poids et le volume de notre dette continueront de croître, quand bien même cela n’a aucun sens de comparer cette dette avec le produit intérieur brut marchand.

Ce double endettement, c’est d’abord celui de l’immédiat. Celui que nous devons supporter pour solder le déficit et les multiples cadeaux fiscaux et sociaux listés plus haut et consentis au nom de la « restauration des marges » des entreprises.

Le second endettement, nous sommes en train de le fabriquer pour l’avenir. Non, ce n’est pas celui de la dette que nous allons « laisser à nos enfants » - c’est d’ailleurs là une image aussi stupide que bien des mensonges racontés sur le sujet !

Pour conclure, je dirai que, avec une population aussi massivement prolétarisée, il n’y a pas de concurrence libre et non faussée. Monsieur le secrétaire d’État, il faut de l’audace, il faut tourner le dos aux augures de l’austérité et de la rigueur. Il y va du sort de la France et de l’Europe que d’abandonner enfin ces visions budgétaires et économiques étriquées. Sinon, outre le fait que l’idée même de l’Europe deviendra insupportable à beaucoup de gens, c’est la France elle-même qui se mettra en danger.

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