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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La fiscalité écologique sert de « couteau suisse »pour résoudre tous les problèmes, sauf les problèmes environnementaux !

Prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote -

Par / 19 novembre 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors même que nous allons examiner le projet de loi de finances pour 2015 à partir de demain dans cet hémicycle, puis, dans quelques semaines, le projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, voici que notre attention est légitimement sollicitée par nos collègues écologistes sur les enjeux de santé publique afférents à nos déplacements et aux véhicules utilisés à cette fin.

Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, cela fait, en effet, quelques décennies que l’on accorde, sous la forme d’une fiscalité incitative, une sorte de prime à l’utilisation de véhicules à motorisation diesel rendant le prix du carburant utilisé moins coûteux. Il me souvient d’un temps où l’un de nos grands constructeurs utilisait ce slogan : « Avec le diesel, le kilomètre à moitié prix » !

C’était le temps « heureux » où la France ne comptait pas encore six millions de personnes privées d’emploi, où les inégalités sociales n’avaient pas trouvé de traduction spatiale et où, surtout, les préoccupations liées aux changements climatiques ne s’étaient pas invitées dans le débat public, comme c’est le cas aujourd’hui.

Les enjeux du débat sont aujourd’hui connus.

L’industrie automobile française, largement internationalisée, produit aujourd’hui l’essentiel de ses véhicules à traction diesel loin de nos frontières.

Pour faire bonne mesure, comme le gazole appelle un raffinage particulier, on aura noté qu’une part importante du carburant concerné est tout simplement importée, les raffineries françaises – lesquelles connaissent, par ailleurs, un sérieux déclin, organisé par les compagnies pétrolières existantes – n’étant pas en situation de répondre à la demande.

Lorsque le groupe Total a fermé la raffinerie des Flandres, dans mon département du Nord, pour des raisons internes de rentabilité, il est évident qu’il ne s’est pas inquiété plus que de raison des conséquences de cette fermeture sur l’approvisionnement du marché domestique en carburants et autres produits raffinés. Et c’est bien dommage, car, au moment de sa fermeture, cette raffinerie produisait, entre autres, du gazole dit « sans soufre ».

Quelle est donc, pour l’heure, la situation ? Ni les capacités de production automobile ni les capacités de production de carburant ne permettent à notre pays de faire face à la demande et le « rattrapage » fiscal lié au relèvement de la taxation du gazole est en cours.

À ce point du débat, ces enjeux de caractère économique et fiscal rencontrent l’intéressante question de la santé publique, les particules fines émises par les moteurs diesel participant de la dégradation de la qualité de l’air – cela a été dit, prouvé et illustré abondamment – et, par voie de conséquence, de l’accroissement des risques sanitaires ainsi que, singulièrement, de la prévalence de certaines affections.

Comme il est de coutume en matière environnementale ou écologique, nous sommes donc au cœur d’un conflit systémique particulièrement intéressant qui concerne la place de notre pays dans le monde en termes d’économie, de société, de déplacements, de santé publique, etc.

Au miroir tendu devant nous par l’usage du diesel, nous pouvons appréhender bien d’autres sujets fondamentaux, et poser d’emblée une question que la commission des finances escamote un peu trop rapidement à notre goût en proposant de ne retenir aucun des articles de la proposition de loi : le véhicule fiscal est-il le bon quand il s’agit de réfléchir à la transition énergétique ?

En clair, le développement de la fiscalité dite « écologique », ou « verte », est-il le bon outil pour mener la transition énergétique, laquelle est au demeurant inévitable pour qui se préoccupe un minimum du devenir de l’humanité et de l’environnement que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants ?

Aujourd’hui, la fiscalité « écologique » rapporte plusieurs dizaines de milliards d’euros et touche singulièrement la consommation de produits pétroliers et énergétiques, qui en constitue l’élément moteur, si je puis dire. Le problème, c’est que la stratégie fiscale de moyen terme est calibrée à raison de deux impératifs : premièrement, la réduction des déficits publics ; deuxièmement, la mutation de notre système de prélèvements obligatoires, ensemble qui comprend la baisse des prélèvements effectués à partir de l’entreprise et la recherche de recettes de substitution.

Le processus est, de fait, bien connu : la fiscalité écologique sert à peu près de « couteau suisse » – la Suisse ne se contente donc pas de rendre des services fiscaux à certains de nos compatriotes ! (Sourires.) – pour résoudre tous les problèmes, sauf les problèmes environnementaux !

Autant dire que la proposition de loi de nos collègues écologistes doit plutôt nous inciter à poser, pour le moins, la question de la qualité des alternatives modales à l’usage de la voiture pour les déplacements professionnels ou personnels des salariés. Nous devrions ainsi nous demander s’il ne conviendrait pas, plutôt que de majorer le prix du gazole – un prix qu’il nous faudra ensuite détaxer pour les taxis ou les entreprises de transport, sous la pression des « réalités économiques » –, de mettre en œuvre dès maintenant une politique un tant soit peu plus audacieuse en matière de transport collectif.

Augmenter le prix du gazole sans accroître, par exemple, les ressources du Syndicat des transports d’Île-de-France ou des autres autorités organisatrices d’un réseau de transport public de voyageurs, c’est prendre le risque de repousser plus encore la mise en œuvre des solutions réelles.

La protection de l’environnement, pour aujourd’hui et pour l’avenir, n’est pas affaire de « révolution fiscale », mais bel et bien de dépenses publiques, de choix d’aménagement du territoire, de respect du droit à la ville, de rejet des ségrégations urbaines et professionnelles qui sont au cœur des enjeux de déplacement.

On ne peut pas vouloir lutter contre le réchauffement climatique et le recours modal à l’automobile en continuant à favoriser, par une législation orientée au bénéfice des investisseurs et des seuls bailleurs, la spéculation immobilière et la montée constante des prix du logement dans ce que l’on appelle « les zones tendues ».

De la même manière, quand on repousse la réalisation du prolongement d’une ligne de métro, quand on s’interroge sur la faisabilité d’une liaison fluviale à grand gabarit, pourtant utile pour le transport de moult marchandises à faible valeur ajoutée, on rejette les possibilités de report modal, solution qui pourrait répondre en grande partie aux impératifs de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Changer les politiques publiques du transport peut se faire, mes chers collègues, sans recourir à la moindre augmentation de nos prélèvements obligatoires. Il convient simplement que nous ayons, en qualité de législateur, la volonté et la détermination nécessaires pour que l’argent public, dont nous décidons de l’utilisation - outre le fait que nous en contrôlons l’usage -, soit effectivement orienté vers la satisfaction des besoins de la collectivité.

Nous devons faire reculer l’usage de l’automobile et, dans cet ensemble, celui du diesel ? Fort bien ! Alors, mettons en œuvre dès maintenant avec audace, détermination et lucidité, les politiques publiques d’investissement nécessaires au report modal sur le rail, les voies d’eau et les transports publics !

Nationalisons les autoroutes, comme nous le proposions ici même en mai dernier, par exemple pour financer l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ! Et, s’il faut permettre le recyclage professionnel des « travailleurs du diesel », comme le suggérait Aline Archimbaud, ne tardons pas à solliciter leurs employeurs respectifs pour mettre en place un vaste plan national assorti d’objectifs précis, de formation et de qualification !

Pour synthétiser notre position, je dirai que nous sommes fondamentalement défavorables à l’article 1er de cette proposition de loi, mais tout à fait favorables à ses articles 2 et 3.

Je conclurai mon propos en saluant la pertinence de ce débat suscité par nos collègues écologistes.

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