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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La loi de séparation bancaire n’a pas changé grand-chose

Fonds de résolution unique -

Par / 16 mars 2015

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors qu’il se présente sous les apparences d’un simple texte de ratification d’un accord international, le projet de loi dont nous débattons à cette heure inhabituelle est important.

À bien des égards, beaucoup considéreront ici que l’adoption du présent projet de loi marque la fin de la crise bancaire débutée à l’été 2008 et que nous disposerions, au moins pour l’Europe, des outils permettant de nous épargner les désordres dramatiques de futures crises de même nature.

Nous savons tous ici que le coût de la crise de 2008 fut élevé et que les habitants des différents pays de l’Union européenne ont payé la facture du désordre financier majeur qu’elle a alors provoqué.

Certes, nous n’avons pas connu, comme la Grèce, une chute de notre PIB de 25 % en six ans ni un taux de chômage de 25 % de la population active, comme l’Espagne, mais nous avons tout de même eu droit à la loi relative à la sécurisation de l’emploi, laquelle a légalisé le fameux accord national interprofessionnel, dont le bilan est édifiant : 74 000 emplois détruits en 2014 !

Et ne parlons pas des coupes claires dans les dépenses publiques, qu’il s’agisse de celles de l’État ou de celles de la sécurité sociale, ou encore de l’amputation des dotations budgétaires des collectivités locales.

Tout cela n’a eu pour but que de permettre aux banques françaises et étrangères de reprendre l’habitude de se faire confiance lorsqu’elles échangent entre elles les chèques et les virements émis par leur clientèle.

Notons d’ailleurs que la solution consistant à séparer les activités bancaires, que l’on présente comme l’une des solutions durables pour prévenir les crises financières à venir, semble avoir abouti, en France, au vote d’un texte n’ayant pas modifié grand-chose.

Récemment, lors de l’audition de professionnels et d’observateurs par la commission des finances, il a été indiqué que, parmi douze établissements financiers français de caractère systémique, deux seulement avaient procédé à une filialisation d’une partie de leurs activités de marché, deux ans pratiquement après la promulgation du texte. Et encore, elle s’inscrit dans des limites convenables puisque, selon les termes d’Alain Papiasse, directeur général adjoint du groupe BNP Paribas : « Ces activités représentent environ 100 millions d’euros de revenus, qui peuvent être assez erratiques compte tenu de la volatilité des marchés sous-jacents, soit un peu moins de 2 % des activités de la banque de financement et d’investissement de BNP Paribas. Ces chiffres sont proches de ceux que vous avait donnés Didier Valet, directeur de la BFI de la Société générale, lors de son audition en 2013. »

Sachant, en outre, que nous sommes dans une économie où l’on incite au financement de l’activité par le recours aux marchés de capitaux et aux financements parallèles, nous ne sommes pas au bout de nos surprises, mes chers collègues, lesquelles ne peuvent être que mauvaises.

L’accord que nous sommes appelés à ratifier ce soir prévoit que, d’ici à 2024, les banques européennes devront mettre en commun 55 milliards d’euros afin de faire face collectivement aux difficultés qui pourraient frapper l’une d’entre elles. Certains se pincent le nez à l’idée de la mise en place de cette sorte de caisse mutuelle, dont la constitution est lente.

Si l’économie française a bien des défauts, elle compte de grandes banques de caractère universel, toutes privatisées aujourd’hui, mais dont la force tient sans doute au fait qu’elles ont été, pendant plus ou moins cinquante ans, propriété publique.

Nos banques ont donc fait grise mine quand il a fallu déterminer la part de chacun dans le fonds mutuel. Le rapport rappelle combien il a fallu de gesticulations et de génuflexions pour en arriver à n’exiger que 15 milliards d’euros des établissements français.

Le rapport indique aussi les limites de l’affaire, à savoir le niveau réel de l’actif net des établissements concernés.

Les banques françaises présentent un total de bilan atteignant, pour mémoire, 8 155 milliards d’euros, quasiment quatre fois le PIB de notre pays lui-même, dont 1 147 milliards d’euros de dépôts couverts en garantie, tandis que les banques allemandes géraient 7 750 milliards d’euros, dont 1 639 milliards d’euros en dépôts couverts en garantie.

En clair, on demande à nos banques d’affecter l’équivalent d’un point de leurs dépôts couverts ou de moins de deux millièmes de point de leur bilan au fonds mutuel. Autrement dit, les 55 milliards d’euros du Fonds, même placés intelligemment en attente d’utilisation, risquent d’être un peu justes en cas de crise systémique majeure !

Pour bien mesurer les choses, je rappelle que le sinistre de la Banque portugaise BPN a coûté 5 milliards d’euros au gouvernement portugais – sous l’amicale recommandation de la troïka Union européenne, BCE et FMI –, alors même que la mise en œuvre du mécanisme de résolution unique exige 900 millions d’euros des établissements financiers lusitaniens !

Que les contribuables de la zone euro se rassurent. Si les marchés financiers venaient à connaître une secousse majeure, avant ou après 2024, le mécanisme de résolution unique ne suffirait pas et les banquiers reviendraient alors faire la quête à la sortie des Conseils européens.

Un autre problème subsiste : les États ne faisant pas partie de la zone euro ne participent pas à ce mécanisme, à commencer par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, principale place financière du Vieux Continent.

Les trois principales banques du Royaume cumulent aujourd’hui un bilan représentant le double du PIB britannique, HSBC figurant en excellente position avec un total de 1 913 milliards d’euros à la fin de 2014 et un résultat net, part de groupe, de 10 milliards d’euros environ.

Nul doute qu’il existe un dispositif de « solidarité de place » du côté de la City, mais le fait est que la contribution de la France aurait été plus supportable pour les ratios de rentabilité de nos banques si les établissements britanniques avaient participé.

Bref, le Fonds de résolution unique n’est pas, malgré les déclarations entendues ici et là, et encore ici ce soir, la panacée face à de futures crises financières, d’autant plus qu’il sera si complexe à mettre en œuvre le moment venu qu’il sera alors plus efficace de faire appel à la charité publique pour venir en aide aux banquiers ayant failli qu’au soutien du secteur financier lui-même. Rappelons en effet que le Fonds n’interviendrait que si un établissement se trouvait confronté à un « dégonflement de bilan » supérieur à 8 %.

À l’heure du vote, nous sommes donc partagés entre une abstention critique et un rejet pur et simple du projet de loi, compte tenu de l’insuffisance des ressources mutualisées.

Deux dernières questions se posent : que devient la taxe systémique perçue en France, dont les objectifs sont assez proches ? Nul doute que la montée en charge du fonds européen entraînera sous peu une offensive des établissements afin de réduire la taxe systémique applicable en France. Que fait-on des 55 milliards d’euros en attente d’emploi ? Que se passera-t-il si les ressources du Fonds ne sont pas affectées ?

Rien n’étant prévu en l’espèce, nous ne pouvons que refuser de voter un projet de loi ne prévoyant qu’un instrument insuffisant pour parer les crises financières à venir. Nous ne prendrons donc pas part au vote.

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