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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le gouvernement décharge les entreprises de toute contribution à la solidarité nationale

Loi de finances rectificative pour 2012 -

Par / 22 février 2012

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici face à ce que nous n’aurions jamais dû examiner en cette fin de session ordinaire : un collectif budgétaire.

Comme nous n’avons aucunement l’attention de remuer le couteau dans la plaie, nous n’allons pas vous rappeler, madame la ministre, quelles furent vos paroles, l’automne dernier, sur le sujet. Mais toujours est-il que le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 avait été l’occasion, pour nous comme pour d’autres, de mettre en avant le caractère discutable des prévisions de croissance, comme des recettes et des dépenses fiscales, et de nous interroger sur l’absolue sincérité des chiffres qui nous étaient alors présentés. L’avenir n’aura pas tardé à nous donner raison.

Le projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans un contexte macroéconomique marqué par un ralentissement de l’activité, la prévision de croissance - parlerons-nous bientôt de croissance négative ? – ayant été ramenée à 0,5 % du PIB en volume. Cette situation entraîne évidemment une dégradation des comptes publics et, probablement, de la situation de l’emploi, mais sans que la moindre prévision soit associée à ce phénomène.

De ce point de vue, ce collectif ponctue donc de la pire des manières un quinquennat qui, commencé – il faut le reconnaître – sous les auspices du volontarisme et des réformes, se termine dans la stagnation de l’activité, l’explosion du chômage et de la dette publique et l’accroissement des inquiétudes de nombre de nos concitoyens quant à l’avenir.

Gardons-nous cependant de laisser penser que la politique menée depuis cinq ans est un échec spectaculaire, se traduisant par une défaite sur le front de la croissance, de l’emploi, de l’activité industrielle et économique, du commerce extérieur et même de l’inflation, qui s’est raffermie depuis plusieurs trimestres. En effet, ce bilan, vécu par la grande majorité des Français comme une pénitence à laquelle ils espèrent pouvoir prochainement mettre fin, a une face plus brillante : les grandes entreprises de notre pays, les grandes fortunes et les gros patrimoines ont pleinement tiré parti de la politique menée depuis 2007.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !

M. Éric Bocquet. Entre la quasi-disparition de la taxe professionnelle, l’instauration du bouclier fiscal, l’allégement des droits de succession et de transmission, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’élargissement du crédit impôt recherche, la baisse de la TVA dans la restauration, et j’en passe, les temps n’ont pas été durs pour tout le monde. Les revenus du capital, du patrimoine, de la spéculation financière et boursière ont connu quelques beaux jours qui montrent, au moins du point de vue de leurs détenteurs, que la feuille de route a été respectée et les promesses tenues. Vous le voyez, la situation n’est donc pas si sombre…

Songez-y un instant, mes chers collègues : comme nous le rappelions précédemment, à force d’alléger les impôts et les cotisations dus par les entreprises et les ménages les plus aisés, ce sont 178 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales qui ont été abandonnés, soit beaucoup plus que la somme des déficits de la sécurité sociale et du budget de l’État !

On peut légitimement s’interroger sur les effets de telles mesures sur la situation économique du pays, sur l’emploi et sur l’activité en général. Prenons la proposition qui nous est faite de mettre en œuvre une hausse de la TVA pour compenser une réduction des cotisations sociales normalement dues par les entreprises.

Outre que, une fois encore, on déplace la perception de la ressource sociale du lieu de production de la richesse vers la caisse des supermarchés, que constate-t-on ? Vos chiffres, madame la ministre, montrent un glissement de 13 milliards d’euros des cotisations vers l’impôt indirect. On escompte la création de 100 000 emplois, soit un emploi pour 130 000 euros par an ! On pourrait sans doute rêver d’un meilleur effet levier…

Imaginons d’ailleurs que vous caressiez l’idée de porter la TVA au taux le plus élevé, soit 25 %, qui est le plafond européen autorisé. Nous déplacerions de 30 milliards à 31 milliards d’euros de cotisations vers la fiscalité pour, au mieux, la création de moins de 250 000 emplois, sans même prendre en compte le fait que la hausse des prix à la consommation porterait sans doute un mauvais coup à la situation économique de notre pays.

Ainsi, l’explosion du taux normal de TVA créerait moins de 400 000 emplois. Eu égard à la densité et à l’importance du nombre des demandeurs d’emploi en France, s’il fallait prouver que la TVA sociale n’est pas la solution, nous en aurions ici la démonstration éclatante !

Mais est-ce bien là votre préoccupation principale ? Vous voulez au fond poursuivre le processus, entrepris de longue date, qui vise à dédouaner les entreprises de toute contribution directe au financement de l’action publique et dont il serait presque lassant de rappeler la longue liste de mesures.

Plus concrètement, le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté a une particularité étrange. Il préempte, de manière évidente, la législature à venir, c’est-à-dire celle qui commencera une fois passé le cycle électoral auquel les Français sont appelés à participer ce printemps.

Cette « préemption » vient évidemment du fait que la hausse de la TVA ne sera mise en œuvre qu’à compter du 1er octobre prochain ; que la taxation, somme toute modique, des transactions financières, qu’il était impossible de mettre en place – nous disiez-vous voilà deux mois ici même – dans un seul pays comme le nôtre, le sera le 1er août prochain ; et que le Mécanisme européen de stabilité, dont nous débattrons la semaine prochaine, ne le sera qu’encore plus tard, en juin 2013, une fois les instruments de ratification déposés.

Nous pourrions considérer ce travail parlementaire comme un pari sur l’avenir politique immédiat de l’actuel Président de la République et de son gouvernement, comme de sa majorité au Palais Bourbon. Je comprends fort bien que vous escomptiez que le sort des urnes ne vous soit pas défavorable, mais il semblerait tout de même que la configuration politique du pays pourrait connaître quelques évolutions en mai et juin prochains. Il appartiendra au peuple français de trancher.

Débattre d’un collectif budgétaire dont les principales mesures engagent, de fait, la politique qui sera menée dans le pays à compter de juin 2012, une fois l’Assemblée nationale constituée, est tout de même un exercice audacieux.

Que les choses soient claires : notre groupe, si tant est que la situation politique évolue dans le sens de plus en plus attendu par la majorité des Français, ne saurait faire autre chose que combattre dès aujourd’hui ce qui est proposé et agir pour que demain, et au plus tôt, d’autres choix puissent être opérés. Il est notamment hors de question que nous nous estimions engagés le moins du monde à mettre en œuvre un Mécanisme européen de stabilité dont il semble bien qu’il vise à imposer la seule loi de la finance et des marchés face à la volonté populaire, telle qu’elle est exprimée par le suffrage des habitants des pays européens.

Aujourd’hui, le prélude au futur Mécanisme européen de stabilité ne sert qu’à mettre en œuvre un énième plan d’austérité en Grèce, alors même que la situation de ce pays ne s’en est trouvée aucunement améliorée. Les plans précédents, au nombre de neuf, me semble-t-il, étaient déjà décrits à l’époque comme ceux de la dernière chance.

Dans cette affaire, on notera au passage que le peuple grec n’a pas eu son mot à dire. M. Papandréou avait bien songé à solliciter l’avis de son peuple par voie de référendum, mais il y renonça en quarante-huit heures sur l’injonction des dirigeants européens. Point de concertation, point de référendum, point de démocratie : le peuple paye !

Mais il manifeste, il se fait entendre, il n’accepte ni l’austérité aggravée ni l’humiliation par la négation de sa souveraineté. Au-delà de cette enceinte, je veux, au nom du groupe communiste, républicain et citoyen, adresser à nos amis grecs l’expression de notre solidarité euro-citoyenne.

Lors de la discussion du premier projet de loi portant sur la situation grecque, notre groupe avait déjà manifesté sa préoccupation devant le mode de résolution des problèmes choisi par l’Europe. Le 6 mai 2010, notre éminent collègue Bernard Vera précisait : « Ce n’est pas dans le dumping fiscal et social, ni dans la réduction de la dépense publique, ni dans le financement exclusif des dettes des États par les marchés que nous rendrons à l’Europe corps et sens pour nos compatriotes. Le mythe de la stabilité économique de l’Union vient de partir en fumée. Telle est la grande leçon de cette crise, qui est loin d’être dénouée par ce projet de loi.

« Ce texte, replié sur la préservation de la rentabilité des marchés, assorti des mesures d’austérité les plus dures que le peuple grec ait eu à subir depuis la Seconde Guerre mondiale, contribuera à plonger la Grèce dans une récession très grave et dommageable pour toute l’Europe. »

En tenant ces propos voilà presque deux ans, notre collègue a malheureusement été très clairvoyant.

Quant à mon ami Michel Billout, il indiquait, lors du même débat, en défendant déjà à l’époque une motion tendant à opposer la question préalable : « À une situation financière temporairement délicate, on notera qu’on répond par des mesures structurelles tellement destructrices qu’elles vont impacter négativement et durablement l’économie grecque.

« C’est un peu comme si l’Europe avait réussi à imposer à la Grèce ce que les mouvements sociaux ont jusqu’ici réussi à mettre en échec en France, en Allemagne et dans l’ensemble des pays les plus développés de l’Union, où le monde du travail dispose encore de garanties collectives et de sécurités dont sont privés les jeunes diplômés grecs payés sous contrat précaire 400 euros par mois !

« Quand on est de gauche, attaché à des valeurs de progrès, soucieux de la défense des intérêts du plus grand nombre, on ne peut qu’être révulsé par la hausse vertigineuse de la fiscalité indirecte et les coupes draconiennes dans les dépenses publiques que comporte le plan dicté par le FMI, la BCE et par la Chancelière allemande, avec l’assentiment de la France ! »

Outre qu’effectivement, comme nous l’avions pressenti, la situation de la Grèce s’est sensiblement dégradée – la dette publique a augmenté de 25 % en deux ans –, les propos tenus à l’époque par mes collègues en 2010 pourraient être repris aujourd’hui, sans en modifier la moindre virgule.

Vous comprendrez donc que, entre une TVA dite « sociale » inacceptable et un accroissement de la dette publique française pour venir au secours de spéculateurs financiers faisant payer le prix fort au peuple grec, nous ne puissions trouver la moindre qualité à ce projet de loi de finances rectificative que nous rejetons sans la moindre hésitation. Nous voterons donc bien évidemment la motion tendant à opposer la question préalable.

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