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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les entreprises du secteur numérique échappent à l’impôt sur les sociétés

Fiscalité numérique neutre et équitable -

Par / 31 janvier 2013

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’optimisation fiscale est au cœur de la stratégie de développement des grandes entreprises du net, Google, Amazon, Facebook, etc.

Leur activité dématérialisée leur permet de développer des pratiques scandaleuses, en étant notamment basées dans des pays à fiscalité très allégée comme le Luxembourg, l’Irlande ou les Bermudes. Ces entreprises élaborent alors des montages fiscaux complexes pour échapper définitivement à tout impôt.

Il existe donc une véritable fuite des recettes fiscales liées à l’impôt sur les sociétés. Quand on sait que l’évasion fiscale annuelle a été évaluée, pour la France, à 50 milliards d’euros, il est temps de s’emparer de cette question.

Le Conseil national du numérique estime ainsi que les revenus des quatre grands acteurs du numérique oscillent entre 2,5 milliards et 3 milliards d’euros par an. Or ceux-ci s’acquittent seulement de 4 millions d’euros par an d’impôt sur les sociétés, alors que, au regard du régime français, ils seraient redevables de 500 millions d’euros, soit 125 fois plus. Il est rare de pouvoir appliquer un tel coefficient multiplicateur !

La fiscalité se heurte donc à la révolution numérique. Dès lors, l’évolution technologique suscite des interrogations sur la territorialité des bénéfices et sur l’érosion des bases fiscales, fondée sur un plan international et européen.

À services égaux, les sociétés numériques échappent à l’impôt sur les sociétés, mais aussi à la TVA. Techniquement différentes, elles remplissent une même fonction, ce qui remet doublement en cause l’équité fiscale.

La publicité est taxée sur les médias télévisuels et radiophoniques, mais pas sur Internet. Les surfaces commerciales sont soumises à la TASCOM, mais le commerce en ligne n’est assujetti à aucune taxe équivalente.

La perte concernant la TVA est évaluée à 300 millions d’euros pour 2008 en France, mais elle serait, selon une étude du cabinet Greenwich consulting, de 600 millions d’euros en 2014.

Une réflexion a donc été engagée concernant la TVA sur les services électroniques et de télécommunication en Europe. Elle est actuellement perçue en fonction du lieu où le prestataire est établi. À partir de 2015, en Europe, elle sera due au pays du consommateur final, même si, entre 2015 et 2019, un régime transitoire permettra au pays du prestataire de continuer à percevoir une part de la TVA.

Forte de ces constats, la présente proposition de loi entend lutter contre l’évasion fiscale des principaux géants d’internet, objectif auquel nous souscrivons pleinement. À cette fin, elle avance des pistes intéressantes.

Elle tend à créer un régime d’obligation de déclaration d’activité des acteurs de services en ligne qui ne sont pas établis en France. Ce régime s’appliquerait aux revenus de la publicité en ligne, du commerce électronique et de la vidéo à la demande.

Ce régime de déclaration sert à asseoir des taxes visant à rétablir l’équité fiscale : c’est bien notre objectif commun.

À cette fin, diverses impositions sont prévues : taxe sur la publicité en ligne assise sur les sommes payées par les annonceurs aux régies, pour les services dont l’audience est établie en France, quel que soit leur pays d’implantation ; taxe sur les services de commerce électronique due par les vendeurs qui effectuent une vente à destination d’un particulier établi en France dans le cas où le chiffre d’affaires est au moins égal à 460 000 euros ; extension de la taxe sur la fourniture de vidéogrammes à la demande, la VOD, aux entreprises établies hors de France.

Si nous soutenons ces impositions dans leur principe, nous nous interrogeons quant à leur montant. À nos yeux, le rendement de ces taxes est en effet insuffisant. Il est estimé à 20 millions d’euros maximum pour la publicité et à 32 millions d’euros pour la VOD. Seul le produit de la taxe sur le commerce en ligne pourrait atteindre 100 millions d’euros en 2013 et 175 millions d’euros en 2015. Néanmoins, nous restons loin des 500 millions d’euros qu’évoque le Conseil national du numérique !

Comment ces taxes ont-elles été calibrées ? Selon quels critères ? Le taux et l’assiette méritent débat. Sur ce sujet également, il convient de choisir le bon coefficient multiplicateur. Yves Rome a insisté sur les besoins de la France en matière de haut débit,…

M. Yves Rome, rapporteur pour avis. Et de très haut débit !

M. Michel Le Scouarnec. … qui recouvrent notamment des besoins en matière de culture.

Ceux que je me permettrai de nommer, pour aller vite, les « carrément Col[l]in » (Sourires.) viennent de rendre leurs conclusions. Leur rapport soulève d’autres interrogations en proposant de taxer l’utilisation des données personnelles pour engendrer non seulement des recettes fiscales, mais aussi des comportements vertueux.

Sans préjuger la pertinence ou l’efficacité de cette mesure, la réflexion en matière de fiscalité numérique mérite encore d’être approfondie. On ne peut faire l’économie d’aucune piste tant l’enjeu est énorme, comme l’a souligné Bruno Retailleau il y a quelques instants.

Tout en saluant les réflexions amorcées par la présente proposition de loi, il nous semble prématuré de porter un jugement définitif sur leur applicabilité, comme sur celle du rapport de la mission d’expertise. Aussi, il nous paraît nécessaire de prolonger l’étude engagée, afin d’envisager ces problématiques de la manière la plus globale et la plus adaptée possible.

Madame la ministre, concernant la fiscalité numérique, vous avez affirmé qu’il fallait cesser de centrer le débat sur les problématiques culturelles. Je crois, au contraire, que la force d’une loi en la matière résiderait dans sa capacité à aborder le sujet dans sa globalité, sans le segmenter entre fiscalité, contenus culturels et « tuyaux » techniques, comme nous avons l’habitude de le faire.

De fait, ces différentes problématiques constituent un ensemble cohérent sur lequel s’appuient et fonctionnent les grandes entreprises de l’internet, qui exploitent chaque faille.

La loi doit aborder la question du financement de la culture sur le Web, du respect des droits d’auteur, de la récupération et de la captation de la valeur des œuvres, notamment par Google, et ce sans contrepartie financière. Elle doit évoquer les problèmes d’utilisation des articles de presse dans les mêmes conditions et envisager la possibilité d’instaurer un droit voisin du droit d’auteur.

M. Philippe Marini. Très bien !

M. Michel Le Scouarnec. Elle devrait traiter la question de l’utilisation des données personnelles comme source de profit, non seulement par l’institution d’une taxe sanction, comme le prévoit le rapport Collin et Colin, mais par une véritable réglementation de ses usages.

Enfin, placée au cœur de l’actualité avec le récent blocage des publicités par Free, la question de la neutralité du Net s’impose à nous. Free vise notamment l’entreprise Google, qui utilise les infrastructures des fournisseurs d’accès à internet sans les financer alors qu’elle en est bénéficiaire et utilisatrice, notamment à travers You Tube.

Cette situation n’est pas sans soulever des questions fondamentales, notamment sur le principe de neutralité d’Internet, en vertu duquel les communications électroniques ne doivent subir aucune discrimination entre leurs émetteurs et leurs destinataires.

Dans un double souci de justice et d’efficacité, nous souhaitons que cette proposition de loi soit renvoyée à la commission afin qu’elle puisse être enrichie dans ce sens : elle sera ainsi pleinement opérante dès son adoption et, partant, totalement incontournable.

Tous ensemble, nous devons lutter contre l’évasion fiscale pour construire de nouvelles solidarités.

M. François Marc. Très bien !

M. Michel Le Scouarnec. L’Europe peut et doit nous y aider !

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