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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les ménages populaires victimes d’un nouveau racket fiscal du gouvernement

Quatrième loi de finances rectificative pour 2011 -

Par / 13 décembre 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’abord un petit aparté au sujet du propos que vient de tenir le président de la commission des finances, un propos dans lequel nous avons plutôt entendu le militant de l’UMP… Au passage, je rappellerai que, nous, nous ne l’avons pas choisi pour présider cette commission, malgré les talents qu’il possède dans le domaine concerné.

Puisqu’il nous a parlé de règle budgétaire, je lui réponds que nous voyons aujourd’hui les limites de la LOLF, un texte dont il a ici, en son temps, imposé l’adoption, mais que, pour notre part, nous n’avons pas voté. Ces limites, nous les avons perçues en particulier lorsque nous avons adopté le projet de loi, modifié, de finances pour 2012 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011 présente, à bien des égards, les caractéristiques d’un collectif de fin d’année.

Il vise notamment à solder les comptes de l’exercice en cours dans le contexte d’un ralentissement relatif de l’activité économique. Ce ralentissement montre encore une fois – une fois de trop, pourrait-on dire – que la politique économique du Gouvernement n’est pas vraiment couronnée de succès…

Quelques chiffres, madame la rapporteur générale, permettent de se représenter les réalités économiques de cette fin 2011.

Au mois d’octobre, la production industrielle comme la consommation des ménages ont connu une progression nulle.

En incluant les données relatives à l’outre-mer, les chômeurs représentent 9,7 % de la population active : environ 3 millions de personnes sont ainsi privées d’emploi.

Le mois de septembre n’a pas été bon pour l’activité économique, malgré la rentrée des classes : l’activité, qui a baissé de 1,6 % dans le commerce de gros, s’est contractée de près de 2 % dans le commerce de détail et la restauration ; la production industrielle a enregistré un repli du même ordre. On n’ose imaginer, mes chers collègues, les conséquences que va avoir, dans un environnement aussi déprimé, la hausse de la TVA prévue par le présent projet de loi de finances rectificative…

Quant au petit rebond de la consommation, il semble tenir essentiellement à la hausse des prix de l’énergie et des carburants, dont les ménages ont particulièrement souffert ces dernières semaines.

Les ferments d’une récession durable paraissent donc bel et bien présents dans la politique actuellement menée. Celle-ci consiste notamment à s’attaquer au pouvoir d’achat des ménages par une série de mesures dont une partie figure dans le présent projet de loi de finances rectificative ; d’autres ont été intégrées au projet de loi de finances pour 2012 – sur laquelle la commission mixte paritaire, réunie hier matin, n’est pas parvenue à trouver un accord.

Je vous propose, mes chers collègues, d’examiner successivement quelques-unes de ces dispositions.

Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit, entre autres mesures, le gel de la rémunération des agents du secteur public. Je rappelle tout de même que cette population, qui représente plus de cinq millions de personnes, contribue de manière importante à faire tourner l’économie par sa consommation, son épargne et l’acquittement de quelques impôts… Que deviendrait, mes chers collègues, le rendement de l’impôt sur le revenu, s’il n’y avait pas les fonctionnaires ?

Que deviendraient aussi nos établissements de crédit, s’ils ne pouvaient compter sur une clientèle aux ressources stables, régulières et de plus en plus enviables au vu des salaires pratiqués dans le secteur privé ? Une clientèle qui leur assure un véritable fonds de roulement et, surtout, leur permet de gérer une épargne à vue à moindre coût ?

Combinant ce gel des rémunérations avec la poursuite de la politique imbécile et dogmatique de réduction des effectifs – un départ en retraite sur deux n’est pas remplacé –, le budget pour 2012 crée encore un peu plus les conditions de la dégradation économique, tant à court qu’à moyen et long terme.

Pour faire bonne mesure, il intègre aussi des mesures aussi intelligentes que le gel des allocations de logement ou le ralentissement de leur progression… Comme s’il ne suffisait pas, mes chers collègues, de voir des familles consacrer d’ores et déjà 30 %, voire 40 % de leurs maigres revenus au logement, devenu le premier poste de dépense dans le budget des ménages populaires les plus mal lotis !

C’est, nous dit-on, en vertu de l’« équité », la contribution des plus modestes à la réduction des déficits publics, des déficits dont, je ne me lasserai jamais de le répéter, ils sont tout de même assez peu responsables…

Le projet de loi de finances pour 2012 est un peu comme la première lame des rasoirs à deux lames et la seconde lame, c’est le présent collectif budgétaire.

Quelles nouvelles riches idées ont donc germé dans la tête des techniciens et conseillers de Bercy pour trouver à l’État des recettes nouvelles en évitant de frapper aux bonnes portes, c’est-à-dire celles des plus riches et des grands groupes, tous grands bénéficiaires des cadeaux fiscaux distribués depuis dix ans ?

Après la baisse du tarif de l’ISF intervenue au mois de juillet – à l’époque, les comptes publics ne devaient pas être suffisamment en déficit pour justifier des mesures de redressement ! – et la hausse de la taxe sur les mutuelles solidaires et responsables décidée au mois de septembre, quoi de neuf ?

On note une hausse limitée des prélèvements libératoires sur les revenus financiers, qui préserve cependant le régime fort enviable dont ceux-ci bénéficient par rapport au barème de l’impôt sur le revenu.

Pour le reste, le projet de loi de finances rectificative repose sur trois mesures phares.

L’une, assez symbolique, consiste à majorer de façon exceptionnelle – quoique un peu « chichiteuse » puisqu’on se contente de 5 % – l’impôt sur les sociétés.

Je n’étais pas parlementaire en 1995 mais, parce qu’il en a beaucoup été question les années suivantes, notamment à droite, je me souviens que l’équipe Balladur-Sarkozy avait laissé les comptes publics dans une situation tellement désastreuse que le gouvernement Juppé avait dû créer une surtaxe de dix points – dix points ! – de l’impôt sur les sociétés...

M. Albéric de Montgolfier. À titre transitoire !

M. Thierry Foucaud. La hausse prévue cette année – seulement cette année – est limitée à 5 % et concerne seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. Cette mesure est censée rapporter 1,1 milliard d’euros aux comptes publics, ce qui représente environ 1 % des bénéfices déclarés par les entreprises du CAC 40... On est loin, mes chers collègues, d’un effort insupportable !

On est même loin de la mesure issue de l’article 1er de la loi du 4 août 1995 de finances rectificative pour 1995 : alors que le niveau du déficit était à l’époque moins préoccupant qu’aujourd’hui, la hausse de l’impôt sur les sociétés touchait l’ensemble des entreprises assujetties et la cotisation, nette de tout correctif éventuel, s’élevait à 10 % !

À la vérité, on nous propose aujourd’hui une simple mesure d’affichage : elle égratigne plus qu’elle ne blesse et, surtout, sert à mieux faire passer la pilule des autres mesures…

Je pense en particulier à la hausse de la TVA, ou plutôt à l’invention d’un nouveau taux réduit de 7 % – qui a d’ailleurs un air de déjà vu – frappant l’ensemble des biens et services aujourd’hui taxés à 5,5 %, à l’exception des produits alimentaires.

Cette mesure est évidemment plus rentable que la majoration de l’impôt sur les sociétés, qui n’est qu’un simple gadget ! Surtout, c’est sur le consommateur qu’elle pèse en dernier ressort.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Thierry Foucaud. C’est pourquoi je suis toujours surpris d’entendre certains professionnels se plaindre de la hausse de la TVA : tout le monde sait qu’en dernière instance, ce n’est pas eux qui la paieront, mais le consommateur final, c’est-à-dire tout un chacun, lorsqu’il ira chercher sa baguette de pain, acheter un faux-filet, faire réparer ses chaussures ou qu’il paiera sa facture d’électricité !

Le produit de ce racket fiscal s’élèvera, selon les prévisions les plus basses, à 1,9 milliard d’euros, ce qui représente un effort 60 euros par an et par foyer fiscal, soit, au niveau du SMIC, une perte d’achat d’un demi-point !

Non contents de vous attaquer au pouvoir d’achat des ménages – l’augmentation de la TVA payée par les consommateurs annulant le bénéfice tiré de la défiscalisation des heures supplémentaires –, vous prenez, l’air de rien, une autre mesure particulièrement rude : je veux parler du gel du barème de l’impôt sur le revenu. Même s’il s’étend à un certain nombre d’autres impôts dont l’évolution est liée à celle de l’impôt sur le revenu, ce gel coûtera beaucoup aux ménages populaires.

Cette mesure devrait rapporter à l’État 1,752 milliard d’euros de recettes supplémentaires : en moyenne, elle revient donc à prélever 100 euros par an et par contribuable aujourd’hui imposable.

Sans compter que cette mesure aura des effets différés particulièrement pervers, par exemple sur les prestations sociales, notamment les allocations logement : le relèvement du revenu fiscal de référence risque fort, par exemple, de faire baisser l’aide personnalisée au logement.

Ce gel est d’autant plus dangereux que le Gouvernement anticipe le doublement de son rendement en 2013 : c’est donc à 200 euros que s’élèvera la ponction fiscale supplémentaire moyenne par foyer imposable ! Bien sûr, elle évoluera avec le montant du revenu du foyer, mais il va de soi qu’elle sera beaucoup plus lourde, en termes relatifs, pour les ménages les plus modestes. Au demeurant, comme ils sont les plus nombreux, c’est en les visant qu’on peut faire rentrer le plus d’argent !

Ce sont bien les plus modestes que frappe avant tout la politique du Gouvernement.

Je rappelle que les salaires constituent 62,6 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu ; les pensions représentent pour leur part 25 % de la base imposable. Ce sont donc avant tout les salariés et les retraités qui paieront la facture du gel du barème.

Si l’on considère que ce sont les mêmes familles qui subiront les effets de la réduction des services publics, du gel des allocations logement, de la hausse des tarifs publics et de la progression des taux de TVA, on s’aperçoit que c’est bien sur les plus modestes que portera l’essentiel de l’effort.

En conclusion, je dirai que ce projet de loi de finances rectificative est un inventaire de mesures prises à la va vite. C’est devenu une habitude ! La session budgétaire de rattrapage permet de solder les dépenses sociales sous-provisionnées au départ et de payer nos aventures, notamment celle de Libye : alors qu’on nous avait promis qu’aucune troupe ne serait engagée au sol, 462 millions d’euros sont à solder au titre des opérations extérieures !

Tout cela ne change pas grand-chose aux problèmes. Ou plutôt, le projet de loi de finances rectificative confirme le caractère profondément discutable du dispositif financier mis en place par le Gouvernement, sous la pression des agences de notation et des marchés financiers : il se compose de mesures ponctuelles qui sont autant de bouche-trous et de dispositions antisociales que nous ne pouvons évidemment pas accepter.

C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas le projet de loi de finances rectificative ; nous ne le voterons pas même dans sa version modifiée, car nous pensons qu’elle ne sera pas plus acceptable !

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