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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les orientations de ce budget sont contestables

Loi de finances pour 2012 : justice -

Par / 24 novembre 2011

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, certes les crédits inscrits à la mission « Justice » connaissent une augmentation de 3,5 %, soit 1,5 % hors inflation. Malgré cette hausse, ils n’en demeurent pas moins dramatiquement insuffisants par rapport aux besoins. De plus, les orientations de ce budget sont contestables.

En effet, cette petite croissance est principalement due à la nécessité d’octroyer des moyens pour faire suite aux réformes et aux projets de nouvelles prisons, à la suite de l’inflation législative sur l’enfermement intervenue au détriment de la prévention et de la promotion de solutions de remplacement à la prison.

J’émets le vœu qu’un jour prochain un gouvernement, quel qu’il soit, s’interdise d’instrumentaliser un drame pour afficher une posture et pour présenter une énième loi d’affichage, tout particulièrement lorsque ce drame nous touche au plus profond de nous-mêmes et suscite une vive émotion parce qu’il concerne un mineur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi qu’au banc de la commission et sur certaines travées du RDSE.)

M. Éric Doligé. Il y a beaucoup de choses à faire !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il ne faut pas plus de lois, mais il faut des moyens !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je dirai un mot du programme « Justice judiciaire ».

Nombre de réformes ont des incidences sur le fonctionnement des juridictions et l’ampleur de leur activité. De 2002 à 2010, le nombre des affaires pénales a augmenté de 46 % et celles du ressort des tribunaux d’instance de 21 %. Or les crédits dévolus à ce programme progressent de 0,62 % : le compte n’y est pas !

Les créations nettes d’emplois se montent à 282 postes, dont 84 postes de magistrat : vous en avez supprimé 76 en 2011.

La création de 370 postes de greffiers ajoutés aux 30 fonctionnaires de catégorie B est pour une large part annihilée par la suppression de 226 postes de fonctionnaires de catégorie C.

Ainsi, si l’évolution du ratio entre les greffiers et les magistrats s’améliore – certes de très peu –, l’évolution du ratio entre les fonctionnaires et les magistrats se détériore.

En outre, l’instauration des jurys populaires et la loi sur la psychiatrie exigent 145 magistrats et 110 greffiers. Cela ramène l’augmentation dont vous vous targuez à sa juste mesure.

Les frais de justice croissent, surtout en matière pénale, en lien notamment avec vos réformes qui obligent à solliciter davantage d’interventions d’experts et à recourir à des techniques d’investigation coûteuses en plus grand nombre. En matière génétique, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, ou FNAEG, recense désormais plus de 1,7 million de personnes ! Une fois encore, les crédits budgétisés sont sous-évalués. Je partage donc l’opinion selon laquelle ce budget manque de sincérité.

Les audiences par visioconférence ont augmenté de 43 %, surtout après l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2 ; c’est le résultat, entre autres, de la suppression de tribunaux avec la réforme de la carte judiciaire. Or ces audiences contredisent les droits des justiciables, et nous y sommes donc opposés.

Les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » progressent de 7,7 %, pour l’essentiel en raison de la réforme de la garde à vue. Est-ce suffisant ? Manifestement, non ! Pour pallier cette situation, le Gouvernement a décidé de faire supporter aux justiciables une taxe de 35 euros. Elle s’ajoute aux droits de plaidoirie, aux 150 euros pour se pourvoir en appel ; le coût d’accès à la justice ne fait que croître. L’accès gratuit à la justice est bien derrière nous.

Lors de votre audition devant la commission des lois, vous avez souligné, monsieur le garde des sceaux, que la France était première pour ce qui était de la gratuité d’accès à la justice.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je le maintiens !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de moins en moins vrai et cela risque de ne plus l’être du tout si l’on ne change pas de politique.

La loi pénitentiaire a aujourd’hui même deux ans et le présent projet de budget n’assurera toujours pas sa mise en œuvre. Si les crédits du programme « Administration pénitentiaire » augmentent de 7,4 %, la construction de nouvelles prisons concentrera les nouveaux moyens, y compris en personnels de surveillance, au détriment d’autres établissements et au détriment des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP.

Or, il manque aux SPIP un millier d’emplois pour assurer un réel suivi socio-judiciaire. En mai dernier, un rapport du groupe de travail de votre ministère préconisait d’ailleurs, de toute évidence en vain, d’accroître les recrutements de conseillers d’insertion et de probation.

La surveillance électronique, quant à elle, monte en charge et absorbe désormais 685 agents contre 110 à la fin de 2008.

Au 1er novembre, on comptait 64 700 détenus pour 56 800 places. Mais cette surpopulation carcérale croissante ne saurait justifier votre projet d’un parc pénitentiaire de 80 000 places à l’horizon 2017, si ce n’est à toujours considérer l’enfermement comme la seule sanction possible. Avec votre politique d’enfermement, plus il y aura de places de prison, plus il y aura de détenus.

Loi après loi, les peines de prison augmentent en nombre et en durée ; celle-ci est passée en moyenne de 4,3 mois en 1975 à 9,8 mois en 2010.

Vous construisez des prisons très coûteuses pour les finances publiques, surtout en raison des loyers et de la durée des partenariats public-privé, ce qui peut sembler contredire la révision générale des politiques publiques, la RGPP. En octobre dernier, dans une communication, la Cour des comptes écrivait : « outre que le “tout public” est potentiellement aussi efficace, rien n’établit que le privé soit “moins cher” ».

Il est clair qu’une évaluation précise du coût des programmes menés en partenariat « public-privé » est nécessaire, en tout cas pour les parlementaires. Nous vous la demanderons donc.

Il faut aussi revenir sur le choix de construire, sur des sites excentrés, des prisons de très grande capacité totalement déshumanisées.

Les établissements doivent être dotés des moyens nécessaires en détection électronique pour que les fouilles à corps cessent. Nous nous y sommes engagés au travers de la loi pénitentiaire.

Le transfert des extractions judiciaires se fait sans les moyens : 800 équivalents temps plein travaillé, ETPT, seulement sur trois ans. Déjà, des extractions sont annulées dans les régions d’expérimentation. Quid aussi des moyens matériels ?

Cela vous servira-t-il de prétexte à un recours accru à la vidéoconférence, dont s’inquiète le contrôleur général des prisons et qui touche les personnes les plus vulnérables ? Comme lui, je pense que « les droits de la défense doivent l’emporter sur les considérations budgétaires ».

Les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » stagnent à 2 %, après 6,3 % de baisse en trois ans et la suppression de 540 emplois. L’essentiel des moyens supplémentaires et les économies tirées de la fermeture de foyers classiques iront à vingt nouveaux centres éducatifs fermés.

Vous dites pourtant vouloir offrir aux magistrats une palette de réponses. De quelle palette dispose-t-on quand la seule réponse se résume aux centres éducatifs fermés ? Bien sûr, personne ne nie que de tels centres puissent être nécessaires pour des cas bien définis.

Le recentrage des missions de la PJJ sur les mineurs délinquants – conception que j’ai critiquée – s’accompagne de la suppression de 106 ETPT – en réalité 216 selon les organisations syndicales.

La mise en œuvre des décisions de justice doit s’accélérer, dites-vous. Certes, trop nombreux sont ceux qui attendent durant des mois une prise en charge. Mais cela suppose des moyens. Vous les refusez à la PJJ et au secteur associatif. En bref, vous supprimez ce qui marche.

La question lancinante des moyens de la justice, contraints par la RGPP et la LOLF, dessine les contours d’une justice de plus en plus gestionnaire, de plus en plus détachée de sa dimension sociale.

Mais le parti de l’UMP n’a-t-il pas annoncé vouloir faire du budget de la justice une grande priorité, en offrant « le marché » de l’accès à la justice aux assureurs privés et en vendant des actions d’entreprise publique pour trouver de l’argent ? Voilà des solutions que, bien entendu, nous n’approuvons pas.

En conclusion, je voudrais évoquer à ma façon, après Mme Dini qui a tout à l’heure évoqué ce sujet dans son rappel au règlement, la loi concernant la violence faite aux femmes. Cette loi que nous avons votée même si, pour notre part, nous la considérions comme insuffisante notamment en ce qui concerne les enfants, prévoit un dispositif utile pour prévenir la récidive. Cependant, ce dernier, faute de moyens, il n’est pas mis en œuvre dans la plupart des cas, ce qui ne semble émouvoir personne. Pourtant, tous les jours, une femme tombe sous les coups de son conjoint ou de son compagnon. Si cette violence alimente régulièrement les chroniques, elle ne semble pas suffire à inciter le Gouvernement à prendre des mesures rapides. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget.

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