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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les politiques d’austérité conduisent à l’échec

Loi de finances pour 2014 -

Par / 21 novembre 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où commence ce débat budgétaire, mon esprit de parlementaire est traversé d’un doute existentiel profond. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous n’êtes pas le seul !

M. Éric Bocquet. Le Parlement s’empare du projet de loi de finances pour 2014 – enfin ! aurais-je envie de dire – après que toute une série d’acteurs nous ont expliqué sans relâche que nous devions dépenser moins, que la France vivait à crédit et au-dessus de ses moyens.

Je tiens à dresser la liste de ces acteurs qui tiennent tous le même discours.

La clé de voûte de ce raisonnement se trouve au cœur du dernier traité européen qui institua la « règle d’or », traité qui, chacun s’en souvient, fut adopté ici même par une très large « majorité plurielle » et rejeté par trente-deux sénateurs, dont les vingt membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ainsi, les marchés qui financent les États nous exhortent à dépenser moins. Les agences de notation, dont l’expertise et l’indépendance peuvent être pour le moins contestées, abaissent en plein débat budgétaire la note de la France, adressant ainsi, pour rappel, un nouveau signal au Gouvernement.

Pour la première fois de son histoire, la France, comme ses homologues européens, a présenté à la Commission européenne sa copie, sur laquelle le professeur Barroso a porté l’appréciation suivante : « Correct, mais peut mieux faire ».

Nous avons d’ores et déjà bénéficié, tout au long de cette année, des recommandations insistantes de la Cour des comptes, instance estimable au demeurant, mais qui, je crois, sort de ses prérogatives lorsqu’elle adresse au Gouvernement ses préconisations de restriction des dépenses publiques.

Nous eûmes droit aux avis experts du Haut Conseil des finances publiques, instance hybride rassemblant des hauts fonctionnaires de la finance publique et des représentants de grandes banques privées – ces chères banques qui, ces dernières années, ont bien montré leur capacité à gérer l’argent dans le sens de l’intérêt général en nous entraînant dans un processus dont nous n’avons pas fini de payer les conséquences désastreuses.

Enfin, dans ce concert « austéritaire » très harmonieux, voilà quelques jours, l’OCDE conseillait à la France d’accroître ses efforts en matière de réduction des dépenses publiques et de réformes structurelles, « indispensables » selon les termes des économistes de cette institution.

M. Jean-Pierre Caffet. Tu parles !

M. Éric Bocquet. J’arrête cette énumération. Je pense n’avoir oublié aucun de ces prophètes de l’austérité.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et le FMI ?

M. Éric Bocquet. Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le Parlement puisse s’interroger sur son rôle dans ce débat budgétaire. Certes, nous débattrons, nous amenderons le texte, mais le poids du Parlement français sera-t-il suffisant pour infléchir, ne serait-ce qu’à la marge, la feuille de route budgétaire de notre pays dont nous avons le sentiment que l’essentiel a déjà été écrit par d’autres autorités ?

Pour autant, ce débat est essentiel pour notre démocratie. Il est le moment de faire entendre une voix différente, celle d’une alternative aux choix que vous nous proposez dans ce projet de loi de finances pour 2014.

Car il faut bien observer les effets de ces choix. Au début de l’année, le FMI mettait en garde contre la mise en œuvre trop brutale et trop générale de politiques d’austérité au sein de l’Union européenne.

Le même propos fut tenu il y a quelques jours par M. Jan in’t Veld. Cet économiste éminent de la Commission européenne, présenté comme le modélisateur en chef de l’Union européenne, a mesuré les effets sur les pays concernés des mesures d’austérité mises en place de façon coordonnée dans la zone euro de 2011 à 2013, avec la bénédiction des commissaires de Bruxelles. Le constat qu’il dresse est absolument édifiant. Selon ses calculs, l’austérité budgétaire aurait fait perdre en cumulé 4,78 % de croissance du produit intérieur brut à notre pays, de 2011 à 2013, l’Allemagne aurait perdu 2,61 %, l’Italie, 4,86 %, l’Espagne, 5,39 % et la Grèce, plus de 8 %.

La Banque de France vient, quant à elle, de rendre publique une étude qui montre que le niveau des concours bancaires à l’économie ne progresse pas, les crédits accordés aux entreprises restant fixés aux alentours de 800 milliards d’euros.

La lecture des données fournies par la Banque de France est d’ailleurs stupéfiante. Ainsi, 40 % des crédits bancaires intéressent le secteur de l’immobilier, les crédits pour celui-ci secteur atteignant près de 328 milliards d’euros sur 804 milliards d’euros ! De septembre 2012 à septembre 2013, les crédits aux entreprises industrielles ont baissé de 5,5 % en un an. Le niveau de mobilisation des fonds disponibles, de l’ordre de 94,2 milliards d’euros – moins de 12 % de l’encours ! –, est proche de 50 %, ce qui traduit ni plus ni moins une faible demande de crédit émanant des plus grandes entreprises et des critères d’attribution rendus plus délicats pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire. En d’autres termes, le taux d’investissement est appelé à baisser...

Nous présenterons des amendements visant à une plus grande justice fiscale, tendant à solliciter davantage dividendes et patrimoines et à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, dont chacun sait qu’il constitue 50 % de notre produit intérieur brut. Réduire ce pouvoir d’achat par les hausses de TVA ne pourra avoir qu’un effet négatif.

Le débat sur la fraude et l’évasion fiscale, l’optimisation abusive des grands groupes : autant de chantiers que la République doit investir avec volonté, ténacité et efficacité, y compris en accordant à l’administration fiscale les moyens humains, juridiques et techniques d’une lutte contre ces pratiques qui déstabilisent jusqu’à notre République.

Nous restons sur notre faim quant à l’objectif bien modeste d’une somme de 2 milliards d’euros annoncés au titre du produit de la lutte contre la fraude fiscale.

Je me permettrai, à ce stade, de citer un notaire expert en fiscalité qui déclarait dans Le Nouvel Économiste du 15 novembre 2013 : « La complexité du droit fiscal français et européen, assortie de nombreuses exceptions, permet à ceux qui en ont les moyens d’échapper, voire d’amoindrir leur impôt. Cette complexité rend le contrôle difficile. L’État ne dispose pas de brigades suffisantes en quantité et en qualité pour mener à bien ses contrôles sur le terrain. Il serait pourtant possible de rentrer des milliards de recettes dans les caisses de l’État. Preuve que, même en enfer fiscal, il peut y avoir des "coins de paradis" ». La question des moyens est ici posée très crûment.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite réagir à votre intervention de ce matin, que j’ai écoutée avec beaucoup d’attention. Vous avez déclaré que la réforme fiscale annoncée mardi par M. le Premier ministre avait en fait déjà eu lieu depuis le début du quinquennat,... (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’était pas d’une grande clarté !

M. Éric Bocquet. ... ce qui confirme les propos tenus à ce sujet en début d’année sur un plateau de télévision par votre prédécesseur, M. Jérôme Cahuzac.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. N’importe quoi !

M. Éric Bocquet. Cette situation quelque peu contradictoire ne manque pas de nous interpeller et nécessiterait, pensons-nous, quelques explications.

De la même manière, afin que nos débats se déroulent dans un cadre clair, il faudrait lever l’ambiguïté évidente des propos de votre collègue ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’est pas là !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est rarement là !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un petit tour et puis s’en va !

M. Éric Bocquet. Celui-ci affirmait à la fin du mois de septembre dernier : « Nous n’aurons pas besoin de changer le budget, car nous avons intégré les règles européennes. Dans ce cadre, nous demandons la liberté de faire à notre manière. »

Paroles magnifiques, qui viennent malheureusement après les conclusions émises le 20 septembre 2013 par le Haut Conseil des finances publiques : « Le Haut Conseil note qu’en tout état de cause, sauf à modifier la loi de programmation et le calendrier de redressement des finances publiques, le mécanisme de correction sera déclenché mi-2014,… » – vous noterez, mes chers collègues, l’emploi non du conditionnel, mais de l’indicatif, mode de la réalité – « … appelant des efforts supplémentaires par rapport à la loi de programmation pour atteindre l’équilibre structurel en 2016. »

Nous pensons sincèrement, monsieur le ministre, qu’il est urgent de clarifier les options dans l’intérêt de nos débats.

Tels étaient les éléments, mes chers collègues, dont je voulais vous faire part.

Notre appréciation des propositions s’appuie sur trois axes : le Parlement et sa souveraineté, le choix contesté de l’austérité, le déficit de lisibilité.

En son état actuel, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ne peuvent approuver le projet de budget pour 2014.

Le consentement à l’impôt, dont vous avez fait mention ce matin dans votre propos, monsieur le ministre, repose effectivement sur certains principes fondamentaux, notamment sur celui, évident, d’une fiscalité juste et progressive, qui sollicite la valeur là où elle se trouve et qui implique que personne ne puisse échapper à l’impôt. Chacun dans cette enceinte connaît les dommages qui sont causés à notre République lorsque ce principe n’est pas respecté par ceux-là mêmes qui édictent les règles.

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