Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Loi de Finances 2005 : industries de défense
Par Hélène Luc / 6 décembre 2004par Hélène Luc
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
A l’heure où se multiplient les annonces de rapprochement, de restructuration et de privatisation d’entreprises du secteur public industriel ma question portera sur l’avenir de l’industrie de l’armement et plus largement sur ses conséquences vis à vis de notre politique de défense.
La fusion SNECMA - SAGEM, la possibilité de rapprochement de THALES et EADS, la transformation du statut de la société d’État DCN avec une convergence avec THALES, le projet de rapprochement de RENAULT TRUCK - THALES et PANHARD, le désastre annoncé de la restructuration de GIAT industries sont autant d’exemples dont les implications sont grandes et auront un coût social, économique et stratégique des plus importants.
Socialement, 180 000 salariés en France, regroupés au sein d’entreprises et de secteurs étatiques, publics et privés - sont concernés. En Europe ils sont plus de 400 000. Ces personnels hautement qualifiés vont être confrontés à des situations intolérables telles que des licenciements, des annonces de reclassements plus qu’improbables - un seul exemple 10% du personnel de GIAT sur le site de Saint Chamond -, la mise à l’écart, des déplacements, des changements de statut.
Une très grande inquiétude prévaut devant l’absence de mesures sociales de même que l’incompréhension devant une politique de désagrégement du secteur pour des motifs fallacieux sous tendus par de seuls impératifs financiers.
En effet, nous ne sommes pas dupes devant ce vaste mouvement de libéralisation du marché de l’armement qui augure des jours sombres pour l’indépendance et la souveraineté des nations européennes ainsi que pour l’émergence d’une politique de paix et de désarmement.
C’est la raison pour laquelle tout me conforte à continuer de plaider en faveur de la création d’un pôle public dans le domaine de l’armement et de la défense. seul garant du contrôle de la représentation nationale et des citoyens.
Sans cela, c’est la souveraineté et l’autonomie de notre pays qui sera en grand danger. Le projet de constitution européenne le présage déjà. Il faut avoir le courage, Madame la Ministre, mes chers collègues, de ne pas nous laisser berner. Il faut avoir le courage également de reconnaître que l’abandon de notre industrie nationale ne constituera pas un rempart contre la main mise américaine. Il suffit pour cela de regarder l’accélération des prises de contrôle des firmes européennes par des capitaux américains. Il faut avoir le courage de dénoncer cette Europe qui défend la privatisation de l’industrie de défense européenne pour mieux l’assujettir aux desseins transatlantistes et à la subordination à l’OTAN. Il faut avoir le courage enfin de nous ériger contre les recommandations de la commission européenne qui préconise une libéralisation du marché de l’armement.
L’état des lieux est très préoccupant. La loi de l’argent prend le pas dans un secteur qui ne doit en aucun cas être marchand !
Avec la fusion SNECMA-SAGEM, nous nous sommes trouvés devant le fait accompli et ceci seulement 4 mois après l’ouverture du capital de la SNECMA. Rendu à 64% du capital, l’Etat n’en conservera désormais qu’entre 30 et 35% avalisant de fait la privatisation de l’entreprise.
La DCN et les rumeurs de fusions avec Thalès présagent du même sort. Vous aviez décidé, Madame la Ministre, d’ouvrir le capital dans la précipitation à l’occasion de la future loi de finances rectificative fin 2004. C’est déjà cette méthode qui avait été employée pour le changement de statut et je l’avais vivement dénoncée. Cette fois-ci le Conseil d’Etat n’a pas avalisé cette pratique. Il semble qu’un projet de loi soit prévu courant de l’année prochaine. Encore une fois vous tournez le dos à la à la maîtrise publique nécessaire de ces fabrications stratégiques.
Pour ce qui est de GIAT, le député Tessier a osé assimiler les salariés à des preneurs d’otages. C’est inadmissible ! Car ce sont bel et bien les salariés eux-mêmes qui sont pris en otage avec le plan GIAT 2006 ! La situation est alarmante et la politique du PDG, soutenue par votre gouvernement fait peser un risque majeur de rupture technologique sans compter le non-respect des engagements de l’Etat en matière de reclassement. Vous savez mon engagement, celui de Josiane Mathon et des sénateurs communistes, aux côtés des salariés, Madame la Ministre. La semaine dernière encore je participais à une conférence de presse ici même au Sénat avec de Jean-Louis Naudet secrétaire général de la FNTE et de Jean-Pierre Brat délégué syndical central CGT de GIAT. Ils y ont exprimé le désarroi des personnels et exposé les propositions alternatives qu’ils ont élaborées. La diversification de leurs activités tant vers le militaire que vers le civil - avec par exemple le ferroutage en Rhône Alpe - mérite une attention toute particulière, or jusqu’à présent ils n’ont pas été entendus. Ainsi, Madame la Ministre, et ce sera ma première question, vous avez rencontré récemment les salariés de GIAT et vous n’avez pas exclu la tenue d’une table ronde, pourriez-vous nous indiquer quand comptez vous la faire ?
Deuxièmement, j’aimerais que vous m’éclairiez sur l’éventualité d’un futur projet de loi sur la DCN. Pouvez-vous nous assurer, que GIAT ne sera pas inclus dans ce dernier comme le craignent les salariés et que l’ouverture du capital de l’entreprise n’est pas à l’ordre du jour ?
Troisièmement, vous avez longuement parlé à la radio de la contribution de la France à la défense européenne, allez-vous enfin engager un vrai débat démocratique au Parlement à ce sujet ? Vous le savez, le groupe communiste républicain et citoyen propose la création d’un Pôle public de l’Armement, acceptez-vous d’en débattre devant la représentation nationale ?