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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2006 : politique des territoires

Par / 8 décembre 2005

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Le 13 avril 2002, Jacques Chirac, Président de la République déclarait, je cite, « la présence de l’Etat dans nos campagnes est un gage d’équilibre du territoire et une obligation pour que chaque français puisse bénéficier d’un égal accès aux services publics ». Je partage tout à fait cette analyse.
Cependant, trois ans après cette déclaration, que peut-on constater ?
Tout d’abord, nous disons que dans ce projet de budget, l’Etat continue de se désengager notamment du financement des politiques publiques, par la mise en oeuvre du deuxième volet de ce qu’on appelle décentralisation.

Mais rappelons au préalable que la mission interministérielle « politique des territoires » comprend six programmes et associe le ministère des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer à celui de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
Les politiques concernées par cette mission au contenu hétérogène sont toutes importantes. Il s’agit de la politique de l’urbanisme, du tourisme, de l’aménagement du territoire, et curieusement de la politique des routes et voies navigables en ce qui concerne les personnels DDE et voies navigables. J’espère que cela ne préfigure pas un désengagement de l’Etat dans ce domaine.

L’importance de la mission contraste avec les crédits que l’Etat entend consacrer à la politique des territoires. Cette mission en terme budgétaire apparaît comme une mission de faible importance. Ainsi, les autorisations d’engagement ne représentent que 0.25% de celles du budget général de l’Etat, quant aux crédits de paiement, ils représentent seulement 0.21% de ceux du budget général.
On nous dit qu’à cela s’ajoutent les fonds de concours. Mais, nous savons peu de choses à ce sujet. De plus nous déplorons, avec d’autres, que les collectivités territoriales soient souvent conduites à avancer à l’Etat les crédits qu’elles consentent en faveur des dépenses communes. Comme le note le rapporteur de la commission des finances, il serait intéressant qu’à l’avenir soit précisée l’origine de ces fonds.

Finalement ce budget paie les salaires de l’administration centrale, les études, les évaluations, mais il est très insuffisant pour les collectivités locales qui portent pourtant de plus en plus de missions en lieu et place de l’Etat. Rappelons qu’à l’assemblée nationale, un amendement à l’initiative de M. Giscard d’Estaing, tendait à supprimer deux millions d’euros destinés aux politiques locales.
Ensuite, nous estimons que la politique retenue traduit le glissement sémantique du concept de développement équilibré des territoires vers la notion de compétitivité des territoires, rompant ainsi avec les notions de péréquation, de mutualisation et de solidarité territoriale : les maîtres mots de l’action publique sont désormais ceux de rentabilité et de mise en concurrence.
En témoigne la volonté du premier ministre ces dernières semaines de rebaptiser le comité interministériel d’aménagement et de développement des territoires en comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires. Cette nouvelle dénomination accompagne également la mise en oeuvre des fameux pôles de compétitivité et permet d’abandonner clairement le principe de péréquation.

Enfin, nous regrettons, une fois encore, le manque de lisibilité des bleus budgétaires. Bien sûr, cette année constitue une année de transition, mais le contenu hétérogène de la mission laisse penser que le manque de clarté ne tient pas seulement à la nouveauté de l’exercice.
Abordons à présent plus en détails le contenu et les choix retenus pour les différents programmes.

En ce qui concerne les contrats plan, le budget du FNADT est intéressant. Même s’il est globalement en hausse, la partie correspondant au volet territorial des contrats de plan Etat-régions augmente peu ; les crédits sont calculés sur la base d’un huitième de l’engagement global de l’Etat, ce qui donne à penser que le Gouvernement prend acte du retard cumulé dans l’exécution de ces contrats et que leur prolongation est d’ores et déjà acquise.
Pourtant, l’enveloppe déjà réduite que consacre l’Etat à sa participation aux contrats de plan Etat-régions est chaque année depuis 2002 soumise à la régulation budgétaire, c’est-à-dire à l’annulation plus ou moins importante de crédit de paiement.
Dans la même logique, par la promotion des pôles de compétitivité, nous passons d’une politique de long à une politique visant à soutenir de manière temporaire, sélective et hiérarchisée des projets en fonction d’abord des marchés et des stratégies des grandes firmes nationales.

A ce titre il est intéressant de rappeler que, le 25 octobre, Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la péréquation financière n’est pas un outil fondamental pour l’aménagement du territoire et que, s’il faut être attentif aux territoires les plus défavorisés, il est nécessaire de récompenser ceux qui progressent le plus fortement. Cela a, au moins, le mérite d’être clair.
A cela, je réponds que vous confirmez, ainsi, une France à deux vitesses, où seuls les territoires les plus riches bénéficieront des moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de demain.

Je voudrais maintenant parler des pôles d’excellence ruraux qui soulèvent un certain nombre de questions. Roger Besse, Rapporteur, a déclaré, à ce sujet, « qu’il doutait que les pôles d’excellence ruraux puissent satisfaire aux besoins importants qu’éprouvaient ces territoires ». En effet, la disparition des services publics de proximité dans les zones rurales accélère la perte de substance de ces territoires avec des conséquences sociales et économiques dramatiques sur leur devenir et leur population.

A titre d’exemple, rappelons que la récente loi dite de régulation postale permet, de remplacer des bureaux de poste de plein exercice par des agences postales communales dont le financement repose essentiellement sur les collectivités locales ou par des points poste .
Concernant la carte scolaire, on nous dit que pour éviter les fermetures brutales d’écoles, serait prévue une concertation avec les élus locaux sur une durée de trois ans devant précéder toute décision en ce sens. Nous sommes ainsi rassurés au moins jusqu’aux présidentielles !
D’autre part, ce budget énonce également les aides aux territoires fragiles qu’ils soient ruraux ou urbains. Ces aides se font sous forme d’exonération pour les entreprises qui s’installent dans ces lieux.

Abordons maintenant la question de la DATAR nouvellement « délégation interministérielle sur les mutations économiques ». On assiste à une mutation des missions de cette délégation beaucoup plus économiques qu’auparavant. Notons ainsi l’absorption par la délégation de la mission interministérielle sur les mutations économiques.
Nous craignons que cela ne renforce un peu plus la tendance à privilégier un certain nombre de cibles au détriment d’une politique d’ensemble d’aménagement du territoire. Ce que reflète également la mise en place du « programme interventions territoriales de l’Etat ». (PITE)
Ensuite, le développement des territoires, ne peut se faire sans la promotion de l’accès pour tous aux technologies de l’information et de la communication (TIC).
Les principes de mutualisation, solidarité et tarif unique devraient sous-tendre les politiques engagées en ce domaine.
En effet, les technologies de l’information et de la communication sont une condition nécessaire à l’implantation des entreprises mais également un facteur de cohésion sociale. Des progrès doivent être réalisés en ce domaine quand on sait que 10% de la population n’est pas couverte par le haut débit. Les territoires ruraux sont d’autant plus touchés qu’ils n’offrent aucune rentabilité aux opérateurs. Or, nous devons exiger que 100% du territoire soit couvert par les nouvelles technologies.
Quand aux outils de prospective, certains disparaissent. Ainsi, alors que, face aux délocalisations, de nombreux élus et acteurs économiques avaient demandé à l’Etat de se doter d’outils d’anticipation et de prospective des mutations économiques, vous avez supprimé il y a deux mois la mission interministérielle des mutations économiques qui avait été créée à cet effet. Le Commissariat général au Plan a connu le même sort il y a peu de temps.

Le premier ministre a écrit dans une lettre adressée à Mme Boissard (Commissaire au plan) que « la logique de planification qui a présidé à la création du Commissariat général du Plan n’est plus adaptée aux caractéristiques d’une économie ouverte et d’une société complexe ». En effet, la politique libérale mise en oeuvre par le gouvernement ne permet pas de penser le long terme. Il sera substitué au Commissariat général du plan un « centre d’analyse stratégique ». Tout se passe comme si on assistait à un effacement programmé de l’Etat, la dépense publique étant relayée par un appel croissant au privé, et aux territoires.

Venons-en enfin au programme tourisme.
Par le poids économique qu’il représente, le tourisme doit être reconnu non seulement comme un secteur structurant économiquement, mais aussi comme un véritable vecteur d’aménagement et d’équilibre de nos territoires et, enfin, comme un outil essentiel de l’exercice d’un droit fondamental : le droit aux vacances.
Or, le budget consacré au tourisme est encore en baisse cette année, malgré l’atonie du secteur.
En effet, comme le note très justement le rapporteur de la commission des finances, depuis 2001 on assiste à une baisse du solde touristique de la France : baisse de 14.5% en 2003 et de 15.7% en 2004.

Notons que le tourisme européen qui contribue à une répartition des activités touristiques sur l’ensemble des régions joue un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire. Il est important de le soutenir. A titre d’exemple, les ressources de Maison de la France ne cesse de diminuer depuis 2003. Or, elle participe à la promotion de l’image touristique de la France et ses savoir faire.
Par ailleurs, même si les nouveaux « bleus budgétaires » ou projets annuels de performance, ne permettent pas d’identifier vos priorités politiques, nous savons que rien n’est fait pour développer le tourisme social et concrétiser un véritable droit aux vacances pour tous.
Rappelons que 34% des Français ne sont pas partis en vacances en 2004.

Enfin, le programme tourisme va bénéficier de 1.67 million d’euros de fonds de concours, soit 2% des crédits du programme. Or, le rapporteur de la commission des finances nous apprend que ces « fonds de concours résultaient, en pratique, de participations au financement d’études et d’enquêtes dans le domaine du tourisme, en provenance de la banque de France et de la SNCF » ! Il est quand même inquiétant que l’on compte encore sur la participation de la SNCF déjà étouffée par un certain nombre de charges.
Face au manque de lisibilité du budget politique des territoires et par conséquent de la volonté politique elle-même, à la faiblesse des moyens dégagés, vous comprendrez, Monsieur le ministre que les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, ne voteront pas le budget de la mission « politique des territoires ».

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