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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2007 : agriculture

Par / 5 décembre 2006

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l’agriculture pour 2007, avec 5 milliards d’euros, soit une augmentation de 1 % en euros courants, enregistre en réalité, si l’on tient compte de l’inflation, une baisse.

Qualifié de « projet restant limité » par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, les quelques priorités du Gouvernement, les adaptations à la loi d’orientation agricole, la LOA, et au développement des territoires ruraux se traduisent par des coupes claires au sein d’autres crédits pourtant indispensables à un équilibre soutenu de nos agricultures. On appelle cela le redéploiement interne !

Plombé comme les autres budgets par l’obsession de la réduction de la dette, il confirme le désengagement de l’État dans des secteurs essentiels tels que le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, les haras nationaux, l’Office national des forêts, le développement rural ou encore l’enseignement agricole public.

La dette de l’État, sujet très sérieux s’il en est, doit cependant être relativisée et traitée autrement.

Elle doit être relativisée non seulement en comparaison de ce qui se passe dans d’autres pays européens, mais aussi en rapprochant deux chiffres : 17 500 euros de dette par personne, alors que, dans le même temps, l’État laisse un patrimoine de 166 000 euros par personne.

La dette doit, en outre, être traitée autrement que par la contraction des budgets de l’État, la réduction draconienne des effectifs de fonctionnaires, le désengagement financier de l’État et une fiscalité en faveur des plus nantis.

L’Association nationale des élus communistes et républicains estime à plus de 50 milliards d’euros de recettes qui pourraient être trouvés si l’on renonçait aux 19 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux entreprises, jugés inefficaces par la Cour des comptes, si l’on taxait les actifs financiers à 0,5 % - cela rapporterait 25 milliards d’euros -, ainsi que les mouvements boursiers et si l’on augmentait les taux de l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est, selon nous, plutôt dans ce sens qu’il faut aller s’i l’on veut réduire progressivement la dette et instituer des budgets dynamiques pour notre économie et l’emploi.

Une lecture assidue et quasi exhaustive des débats relatifs à votre budget à l’Assemblée nationale m’amène à penser, monsieur le ministre, que l’essentiel de l’exercice réside dans la manière de présenter les choses.

Si l’opposition de gauche accueille, en règle générale, votre budget d’un oeil critique, je perçois également, à travers les interventions des membres de la majorité, beaucoup d’interrogations, d’inquiétudes, d’incertitudes, voire de frustrations, ce qui ne leur interdit pas, par esprit de solidarité politique, d’émettre un vote positif.

Le programme 154 qui fait état, dans son action 03, de l’appui au renouvellement des exploitations agricoles, table sur l’installation de 6 000 jeunes agriculteurs, chiffre qui devrait être plus ambitieux, compte tenu du nombre de cessations d’activité en 2006.

Il me paraît également urgent, comme je le rappelle chaque année, d’accorder une dotation aux jeunes agriculteurs, adaptée aux jeunes installés hors DJA dont l’exploitation nécessite une consolidation financière.

Il est toujours moins coûteux de renforcer l’existant que de financer des cessations d’activité ou des plans de recyclage professionnel, voire d’apporter des solutions à des drames familiaux.

Les actions de maîtrise des pollutions d’origine agricole et de modernisation des bâtiments d’élevage, respectivement en hausse de 30 % et 14 % en 2006, sont en nette régression ; celle-ci atteint 11 % au moment même où de très nombreuses mises aux normes vont devoir s’effectuer.

La date limite étant fixée à décembre 2006, celles-ci concernent le plus souvent des exploitations de taille moyenne qui hésitaient à se lancer dans de lourds investissements de mise aux normes et de modernisation de leur outil de travail au regard des lourdes incertitudes qui pesaient et continuent de peser sur l’avenir de leur exploitation : prix du lait, crises cycliques des cours, avenir des aides PAC et politique de l’OMC. Et ce ne sont pas les mesures de la LOA, du Fonds agricole et du bail cessible qui seront de nature à faciliter l’installation. Ces mesures, couplées aux droits à paiement unique, les DPU, ne feront qu’accroître encore le coût du foncier et favoriser les plus grandes exploitations existantes.

Quant au crédit-transmission, c’aurait pu être une bonne idée, à condition de ne pas responsabiliser l’agriculteur qui laisse ses terres, d’abaisser le taux des prêts bonifiés et d’en allonger la durée.

Le programme 227 fait état de l’effort réalisé dans le cadre de la promotion à l’international des produits et du modèle agroalimentaire français, qui tente de pallier les politiques désastreuses de la PAC, cette dernière atténuant ses soutiens directs, et de l’OMC qui, en abaissant les barrières douanières, fragilise notre agriculture.

L’AUP, c’est-à-dire l’Agence unique de paiement, mise en place par la LOA, regroupe les offices et permet au passage une économie substantielle. Dès lors, on peut, à juste titre, s’interroger sur le point de savoir pourquoi l’AUP n’assure pas la prime herbagère agro-environnementale et les mesures agro-environnementales rotationnelles en lieu et place du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.

L’action 02 du programme 227 traite de la gestion des aléas. Les diverses agricultures ne constituent pas une science exacte et s’il est possible, du moins en théorie, de corriger les effets du marché afin d’assurer des prix rémunérateurs au producteur, des marges convenables aux transformateurs et aux négociants commerciaux, ainsi que des prix abordables aux consommateurs, il n’est pas possible de prévoir les sécheresses, les orages, les inondations, les invasions d’insectes, pas plus que les variations climatiques brutales.

Ainsi, de grandes productions vitales comme les céréales connaissent, à l’échelle mondiale, des variations importantes qui se répercutent sur les prix, alimentent la spéculation et affament les populations les plus fragiles.

L’instauration de l’assurance récolte au détriment du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, correspond à un engagement de 30 millions d’euros de la part de l’État et à 60 000 contrats. Même Christian Ménard, auteur du rapport sur la gestion des risques climatiques en agriculture, juge ces crédits nettement insuffisants, en particulier pour les fourrages.

À ce sujet, monsieur le ministre, et à partir de l’expérience que j’ai vécue en 2006, il serait bon, me semble-t-il, pour ce qui est de la sécheresse et des fourrages, de faire connaître dès la fin mai la liste des départements où les fourrages peuvent être récoltés sur les jachères et de constituer une forme de banque de solidarité nationale des fourrages.

Il paraît, en effet, pour le moins choquant que des groupes d’assurances s’enrichissent à partir de ce système qui aurait dû relever de la solidarité nationale et interprofessionnelle.

Le plan gouvernemental biocarburants, engagé en 2004 par Jean-Pierre Raffarin, se fixe l’objectif d’atteindre 5,95 % des carburants distribués en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015, ce qui devrait déjà correspondre à 15 % des surfaces cultivées en céréales, betteraves et oléagineux, soit 2 millions d’hectares en 2010.

Naturellement, cela soulève la question de la nécessaire planification de ces cultures, sans perdre de vue la priorité de l’agriculture qui est de nourrir les hommes.

Pour autant, seule une politique incitative garantissant des revenus décents aux producteurs sera en mesure de déclencher leur adhésion au processus.

Or deux dangers majeurs pèsent sur la filière biocarburants : d’une part, la captation des marges pour les transformateurs, triturateurs et raffineurs ; d’autre part, l’abaissement des tarifs douaniers par l’OMC, qui rendrait non concurrentiels nos biocarburants par rapport à ceux du Brésil, par exemple.

Leur succès dépendra également du pouvoir de conviction à dominante économique et environnementale du Gouvernement en direction de l’agriculture, de la pêche, des collectivités locales, des transports en commun et du secteur industriel.

J’ajoute que des millions de particuliers sont captifs de leur mode de transport, particulièrement dans le monde rural, où l’automobile reste le seul moyen de déplacement. Nos grandes firmes de distribution de carburants, qui ont fermé des milliers de stations, auront-elles la volonté de mettre à la disposition des particuliers des carburants comme l’E85, ou le bioéthanol, dit B30 ?

Venons-en à la gestion des crises, qui peuvent être soit sanitaires, comme celle de la grippe aviaire en 2006, soit économiques, comme la crise porcine des années précédentes.

La crise viticole est là ; la crise laitière est latente ; les fruits et légumes sont régulièrement en souffrance ; quant aux cours de la viande, ils sont irréguliers.

Face à ces situations, la France manque de moyens budgétaires. Le fonds des calamités est théoriquement doté en fonction des besoins, besoins qui, faut-il le rappeler, sont toujours supérieurs aux fonds débloqués. À cet égard, les 600 000 d’euros débloqués pour la crise aviaire, notamment en Bretagne, ne suffiront pas à effacer les effets de la crise qu’a connue la filière.

Les offices chargés par la loi d’orientation agricole de favoriser l’organisation des producteurs, d’améliorer la connaissance et le fonctionnement des marchés et de verser les aides communautaires voient leurs moyens diminuer de 30 millions d’euros. Ils auront bien du mal à jouer leur rôle !

Tout cela mériterait une réflexion approfondie sur la capacité de la solidarité nationale, la constitution de caisses de prévoyance dans les périodes où les cours sont plus fastes, comme c’est le cas pour le porc en 2006, et la solidarité au sein des filières et des organisations de producteurs.

Or, au contraire, nous assistons trop souvent à la disparition des plus faibles, à la fermeture d’abattoirs ruraux et à la casse des emplois agricoles et agro-alimentaires.

En ce qui concerne les prix agricoles, je citerai les propos de deux personnalités peu suspectes de vous être hostiles, monsieur le ministre.

M. François Sauvadet, tout d’abord, déclarait : « Nous avons une mission commune : légitimer à nouveau les aides agricoles. Il n’est pas une agriculture au monde qui ne soit accompagnée par les pouvoirs publics. Doit-on continuer à le faire à travers l’impôt ou par la revalorisation des prix et un nouveau partage des marges ? Quoi qu’il en soit, on ne pourra vouloir durablement compétitivité, aménagement du territoire, diversité et sécurité alimentaire, et préservation de l’environnement sans concours publics ou prix rémunérateurs. »

M. François Guillaume, ensuite, affirmait : « Il faut pourtant compenser l’insuffisance des prix agricoles. »

Mes chers collègues, les mots clefs sont prononcés : revalorisation des prix, partage des marges, prix rémunérateurs. Même si aucune solution n’est mise en oeuvre actuellement pour faire vivre les agriculteurs, il faudra bien y venir un jour !

En ce moment, en Bretagne, particulièrement dans les Côtes-d’Armor, de nombreux paysans qui se sont orientés vers des cultures herbagères, moins polluantes, plus économiques en intrants et plus extensives se trouvent pénalisés par l’injuste répartition des aides, qui sont plus favorables aux grandes cultures.

Le jeûne qu’ils observent pour attirer l’attention des pouvoirs publics mérite d’être pris en considération. Monsieur le ministre, j’ose espérer que demain, mercredi 6 décembre 2006, votre conseiller les entendra, puisque j’ai cru comprendre qu’une rencontre avec eux devait avoir lieu ce jour-là.

Autre effet pervers de la PAC sur l’environnement : les contrôles tatillons des surfaces par satellite pénalisent les superficies entourées de haies et de talus, configuration fréquente en Bretagne. En effet, les agriculteurs abattent des arbres et détruisent des talus pour pouvoir prétendre aux aides de la PAC sans pénalité. Pouvez-vous intervenir auprès de Bruxelles sur ce sujet précis, monsieur le ministre ? Il suffirait, par exemple, d’intégrer la surface des haies aux jachères.

Enfin, j’évoquerai d’un mot le FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, dont le déficit structurel devrait avoisiner les 6 milliards d’euros à la fin de 2007. Les recettes de ce fonds proviennent pour 20 % de la profession agricole et pour 80 % des autres régimes de sécurité sociale et de l’État.

Les autres régimes de sécurité sociale étant de plus en plus mis à mal, il faudrait envisager rapidement, d’une part, de faire contribuer plus largement l’État, et d’autre part, de solliciter la grande distribution et les industries agro-alimentaires, qui réalisent de copieux bénéfices sur le dos de la profession.

Voyez-vous, monsieur le ministre, une politique agricole idéale devrait permettre à la fois de faire vivre toutes les formes d’agriculture, de maintenir de nombreux agriculteurs dans nos campagnes, de produire suffisamment en qualité et en quantité, d’exporter et d’importer de manière équilibrée en appliquant la préférence communautaire, enfin d’échanger des produits et des techniques avec les pays en voie de développement. Ce ne sont pas, pourtant, les orientations adoptées par l’OMC, la PAC et la loi d’orientation agricole !

Le réveil risque d’être douloureux pour nous tous, producteurs, transformateurs ou consommateurs, si les forces de décision ne changent pas et si l’on continue de marcher sur la tête, pour le plus grand profit de financiers peu philanthropes.

Monsieur le ministre, compte tenu de ces observations, nous ne pouvons adopter votre budget.

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