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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2007 : justice

Monsieur le garde des sceaux, vous avez réussi l’exploit de mettre la quasi-totalité des professionnels de la justice dans la rue, corps pourtant peu enclin à battre le pavé. -

Par / 4 décembre 2006

Monsieur le garde des sceaux, vous avez réussi l’exploit de mettre la quasi-totalité des professionnels de la justice dans la rue, corps pourtant peu enclin à battre le pavé. Je vous accorde que vous n’êtes pas le seul responsable de ces mobilisations : l’ensemble du Gouvernement - singulièrement le ministre de l’intérieur, d’ailleurs ! - y a contribué.

M. Louis Mermaz. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je précise, même si nous sommes en pleine discussion budgétaire, que tout n’est pas dû au budget !

Le montant du budget de la justice connaît une progression de 5 % par rapport à 2006, ce dont vous vous félicitez, monsieur le garde des sceaux, dans ce contexte de rigueur budgétaire. À l’instar de mon collègue Georges Othily, je pense qu’il faut comparer ce budget avec celui de nos pays voisins. L’effort consacré au système judiciaire place la France au vingt-neuvième rang sur le continent européen !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. L’actuel gouvernement a fait beaucoup ! Il aurait fallu agir avant !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai suffisamment critiqué les budgets de la justice de la gauche plurielle. Il est donc inutile de chercher à me prendre en défaut sur ce point !

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis. Participation sans soutien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les frais de justice constituent pour vous un autre sujet d’autosatisfaction, monsieur le garde des sceaux. Ils représentaient 487 millions d’euros en 2005, 420 millions d’euros en 2006, et le Gouvernement prévoit de les stabiliser à 423 millions d’euros en 2007. Faut-il rappeler que c’est la multiplication des procédures scientifiques, des analyses génétiques ou encore des écoutes téléphoniques, favorisées par les lois pénales prises par ce gouvernement depuis 2002, qui a fait exploser ces frais de justice ? Il faut donc se garder de trop vite s’enthousiasmer de cette stabilisation prévue pour 2007.

Je centrerai plus particulièrement mon propos sur trois points : l’administration pénitentiaire, l’aide juridictionnelle et les juges de proximité.

Le budget du programme « Administration pénitentiaire » représente 35,7 % du budget de la mission. Ses crédits pour 2007 connaissent une progression de 5 % et s’élèvent à 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,24 milliards d’euros en crédits de paiement.

L’effort consenti par le Gouvernement s’inscrit cependant dans la continuité d’une politique volontariste qui tend à privilégier l’enfermement. En effet, l’action n° 1 du programme « Administration pénitentiaire », « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », représente 65,5 % des crédits du programme.

Le programme immobilier est, quant à lui, largement favorisé. Le Gouvernement envisage de porter la capacité du parc pénitentiaire à 60 000 places, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à la situation actuelle.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis. Une cellule par détenu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis pour une telle mesure, mais contre l’augmentation continue du nombre de détenus !

Même le rapporteur spécial sur la mission « Justice » de l’Assemblée nationale, M. Pierre Albertini, reconnaît qu’« il est possible que cette capacité soit excessive ». Cela confirme la philosophie de l’ancien secrétaire d’État aux programmes immobiliers de la justice qui affirmait que le nombre de prisonniers était sans doute intangible. Il savait de quoi il parlait !

Or, 31,2 % des 59 488 détenus sont en détention provisoire. Lors de vos auditions, monsieur le garde des sceaux, notamment à la suite de l’affaire d’Outreau, vous appeliez de vos voeux un meilleur contrôle des détentions provisoires. Il ne semble pas que vous ayez été entendu, puisque les détenus à titre provisoire représentent toujours le tiers de détenus.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Leur nombre a baissé. C’est statistique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils représentent toujours un tiers du nombre des détenus ! Il est vrai que le nombre des détenus a légèrement baissé aussi.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C’est vrai également !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’aborderai maintenant le problème de la carence des soins en prison. Parmi les personnes enfermées se trouvent des détenus provisoires, des malades, des étrangers. M. Georges Othily a très bien décrit cette situation et je partage son analyse. Mais, contrairement à lui, je ne voterai pas ce budget !

M. Georges Othily. C’est dommage !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aurions aimé que l’effort financier consenti dans le cadre du programme « Administration pénitentiaire » soit destiné à l’amélioration des conditions de détention des détenus, notamment de ceux qui souffrent de troubles psychiatriques. La récente médiatisation de la situation à Fleury-Mérogis en souligne l’horreur, mais nous le savions déjà !

Les chiffres sont accablants. En 2004, une étude épidémiologique révélait que huit hommes détenus sur dix et que sept femmes détenues sur dix souffraient d’au moins un trouble psychiatrique : 24 % d’entre eux souffrent de troubles psychotiques, 56 % de pathologies anxiogènes et 47 % de problèmes dépressifs. En outre, 20 % d’entre eux ont déjà été suivis en psychiatrie générale.

Ces données révèlent deux tendances. D’une part, la psychiatrie manque de médecins et de structures ; d’autre part, la prison tend de plus en plus à se substituer à l’hôpital psychiatrique.

Ainsi, des milliers de détenus se retrouvent en prison au lieu d’être pris en charge par les services de psychiatrie générale, ou d’être placés dans une unité pour malades difficiles, une UMD. Certes, vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, il est prévu la construction de véritables « hôpitaux-prisons », qui seraient des hôpitaux psychiatriques pour détenus, ainsi que la création d’unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA. Cette solution n’est-elle pas inadaptée compte tenu de l’ampleur du problème des détenus souffrant de troubles psychiatriques ?

Beaucoup de détenus sont en prison parce que leur responsabilité pénale a été retenue, alors que, dans un contexte moins médiatique, ils auraient certainement pu être déclarés irresponsables. La proportion des accusés jugés irresponsables au moment des faits, qui s’élevait à 17 % en 1980, est tombée à 0,17 % en 2001.

Certes, la création des UHSA est destinée en premier lieu à désengorger les établissements pénitentiaires, mais elle n’infléchira pas la tendance qui consiste à emprisonner des malades mentaux. Elle pourrait même l’accentuer, les experts psychiatres et les juges ayant la certitude que le détenu sera pris en charge médicalement et psychologiquement, alors que la psychiatrie est aujourd’hui un secteur sinistré, qui ne peut accueillir les malades mentaux relevant de l’hospitalisation psychiatrique.

Cette question ne sera pas réglée tant que l’on considérera les malades mentaux comme des délinquants. Or cet amalgame est délibérément entretenu par le ministre de l’intérieur dans son projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ! Ce texte traduit d’ailleurs bien les priorités budgétaires inscrites dans cette mission « Justice ».

S’agissant du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », les crédits sont certes en augmentation, mais ils sont pour l’essentiel destinés à la construction de nouveaux centres éducatifs fermés, chers à votre coeur, monsieur le garde des sceaux. L’ouverture de 20 établissements supplémentaires est prévue d’ici à la fin de l’année prochaine. Ce choix politique s’effectue au détriment des mesures éducatives et du milieu ouvert, ce que nous regrettons.

En ce qui concerne la délinquance des mineurs, je tiens à souligner la divergence d’analyse qui existe entre le ministre de l’intérieur et vous-même, monsieur le garde des sceaux. Votre collègue de l’intérieur ne cesse en effet de parler de sentiment d’impunité chez les mineurs délinquants et multirécidivistes, alors que vous affirmez - et nous vous croyons, car ces chiffres sont par ailleurs confirmés - que le taux de réponse pénale pour les mineurs s’élève à 86 %, un taux même supérieur à celui qui prévaut pour les majeurs, soit 78 %.

C’est donc l’exécution des mesures consécutives aux condamnations qui pose problème et non la réponse pénale. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, on ne saurait multiplier le nombre de jeunes en détention à l’infini.

Je suis au regret de constater que la démagogie et l’acharnement à l’encontre des mineurs délinquants sont utilisés afin de justifier le recours à l’enfermement ou, peut-être prochainement, la fin de l’excuse de minorité.

Par ailleurs, l’augmentation des crédits alloués à l’aide juridictionnelle serait de 6 % pour 2007. Loin d’être satisfaisante - fort heureusement, je ne suis pas la seule à avoir cette opinion -, cette augmentation est de surcroît artificielle. En effet, le budget initial pour 2006 prévoyait 320 millions d’euros de crédits. Voilà comment, cette somme n’ayant pas été totalement dépensée, on peut faire valoir aujourd’hui que les crédits seront de 323 millions d’euros, soit une augmentation de 6 %. Mais est-ce vraiment une augmentation, ou bien plutôt un dysfonctionnement dans l’utilisation des crédits ?

En tout cas, cette augmentation est loin de correspondre aux engagements pris au début de cette législature, le Gouvernement ayant décidé à l’époque d’augmenter l’unité de valeur pour la rétribution des avocats de 15 %, ce qui représenterait une progression des crédits de l’aide juridictionnelle de 25 millions d’euros.

Pourtant, les demandes d’admission à l’aide juridictionnelle ne cessent d’augmenter. On dénombrait 886 500 admissions en 2005, 913 000 en 2006 ; le Gouvernement estime qu’elles s’élèveront à 941 000 en 2007. Il est dommage qu’il y ait tant de pauvres en France, pourrait-on dire ! Mais telle est la réalité.

La faible augmentation des crédits de l’aide juridictionnelle n’a-t-elle pas pour objectif de faciliter la mise en oeuvre de l’assurance de protection juridique ? J’émets les plus grandes réserves sur cette formule.

Enfin, je voudrais évoquer le problème de la justice de proximité.

Destinée à désengorger les tribunaux d’instance, que nous défendons, nous, depuis 2002 comme étant les tribunaux de proximité par excellence, la mise en place de cette juridiction de proximité ne rencontre pas le succès escompté par le Gouvernement. M. Fauchon s’en plaint amèrement, contrairement à moi, car j’étais absolument opposée à ces juges de proximité.

M. Pierre Fauchon. Et pour cause !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dominique Perben promettait 3 300 juges de proximité d’ici à 2008. Au 30 juin 2006, l’effectif total des juges de proximité en fonction s’élevait à 530, installés dans 325 juridictions de proximité.

Les choix budgétaires de ce gouvernement conduisent à des situations incompréhensibles : alors que des crédits ont été alloués pour ces juridictions de proximité, les magistrats et les greffiers attendent en vain une substantielle augmentation de leurs effectifs. Ils ont toutes raisons d’être mécontents de ce budget.

Les crédits de la mission « Justice » nous semblent correspondre à des actions dont nous ne partageons pas la logique. C’est pourquoi nous ne pourrons pas les voter, comme vous vous en doutiez.

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