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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2007 : travail et emploi

Par / 1er décembre 2006

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an passé, je commençais mon intervention relative à la mission « Travail et Emploi » en m’interrogeant sur la politique menée dans ce domaine par le Gouvernement dans notre pays.

Or, aujourd’hui, le constat est terrible : rien n’a changé, tout s’est aggravé. Le CNE, le contrat nouvelle embauche, est passé par là, et le CPE, le contrat première embauche, a fait descendre des millions de Français dans la rue pendant plusieurs mois.

Pour autant, il est un paramètre qui ne cesse de donner lieu à des polémiques, c’est celui de la qualité, voire de la véracité des statistiques de l’emploi publiées chaque mois : les chiffres annoncent une baisse assez régulière du chômage, alors que le vécu de millions de nos concitoyens tend à infirmer ces déclarations officielles.

Mauvaise foi des uns contre objectivité des autres ? Propos politiciens contre faits présentés comme incontestables ? Nous le voyons, il y a place pour le débat. Pour cela, il n’est pas nécessaire de nous lancer dans l’invective ou le déni. Il faut seulement mesurer ce que nous voyons, examinons et écoutons dans nos villes et dans tout le pays.

Or, vous le savez, monsieur le ministre, la situation est des plus préoccupantes, y compris dans la région qui vous est particulièrement chère. Le chômage est toujours massif. Les jeunes en sont les premières victimes, mais aussi les seniors, qui constituent toujours une masse de sans-emploi en augmentation.

Le Centre d’études et de recherche pour les qualifications, le CERQ, a analysé le devenir de 742 000 jeunes entrés sur le marché du travail en 1998. Il a suivi leur parcours après leur sortie du système scolaire, pendant trois, cinq ou sept ans.

Or ces chercheurs ont montré que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le défi de l’insertion est toujours d’actualité pour les jeunes, surtout ceux qui n’ont pas obtenu de diplôme. Sept ans après leur sortie du système scolaire, 52 % des non-diplômés seulement ont signé un CDI, 22 % se trouvent toujours au chômage et tous les autres subissent la « galère ».

Pour les seniors, de même que pour les jeunes, la France détient la triste première place européenne des chiffres de l’emploi les plus mauvais.

Le 29 novembre dernier, M. de Villepin a déclaré que ces résultats « [n’étaient] pas à la hauteur des ambitions que nous avons pour la France ». Il ne reste plus que ses fidèles lieutenants, MM. Borloo et Larcher, pour s’extasier sur des résultats qui seraient formidables et annonceraient des lendemains radieux !

Toutefois, monsieur le ministre, la méthode Coué n’a jamais réussi à personne ; elle a toujours montré ses limites, même dans un monde où les médias peuvent, un temps seulement, d’ailleurs, faire l’opinion.

Lors de votre arrivée aux affaires, en 2002, vous avez érigé en dogme la fin de la politique publique de l’emploi. Vous avez déclaré la guerre à l’emploi public ou aidé et avez cloué au pilori les emplois jeunes et les contrats de professionnalisation et d’insertion par l’économie.

Vous n’aviez d’yeux que pour l’emploi marchand et l’engagement d’un patronat dont vous nous affirmiez qu’il serait la solution économique et sociale aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Exit l’emploi public aidé, hourra pour l’emploi marchand, présenté comme le remède miracle à un chômage endémique !

Cinq ans après, votre échec est terrible. M. Fillon avait juré la mort des contrats aidés, promis la fin des exonérations sans compensation, engagé la parole de l’État dans la négociation avec les partenaires sociaux. Or, rien ne s’est passé comme prévu : les chiffres désastreux de votre politique dogmatique n’ont cessé d’enfler, les contrats marchands n’ont jamais vu le jour, les exonérations se sont poursuivies sans compensation pour les comptes sociaux ni contrepartie pour l’emploi.

MM. Borloo et Larcher ont alors relancé une politique de contrats aidés, essentiellement dans le secteur public et associatif. Ils ont multiplié les stratégies favorisant les petits boulots, les CIVIC, ou contrats initiative ville qualité, et les services volontaires.

Monsieur le ministre, il vous fallait à tout prix corriger les effets dévastateurs du « tout privé » et du « tout libéral ». C’est donc à marche forcée que le Gouvernement a multiplié les dispositifs qui, aujourd’hui, produisent quelques effets, même si les statistiques du chômage de 2006 portent essentiellement la marque, outre de ce changement spectaculaire de stratégie, d’un formidable effet d’opportunité démographique.

Toutefois, contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, nous considérons que nul ne peut ni ne doit se satisfaire d’une montée du chômage, pas plus que s’inquiéter de sa diminution, si celle-ci est avérée.

Mon propos ne vise donc pas, soyez-en assuré, monsieur le ministre, à surfer sur la détresse des sept millions de nos concitoyens qui se trouvent privés d’emploi ou contraints de vivre avec des minima sociaux. Mon objectif est de mieux cerner les causes de nos problèmes, de repérer les impasses des chemins qui ont été empruntés et d’exposer les mesures qui nous semblent nécessaires afin de sortir notre pays de la crise économique et sociale qu’il subit.

Le 23 novembre dernier, un article du Figaro, un journal cher à notre collègue Serge Dassault (Sourires.), commençait par ces quelques lignes : « Mieux vaut avoir plus de cinquante ans, être riche et travailler, que jeune, pauvre et au chômage ! »

Coluche était-il battu ? Ce n’est pas certain, car cet article faisait référence à une étude de l’INSEE démontrant que les jeunes, les pauvres et les chômeurs sont les grands perdants de la dernière décennie.

Mes chers collègues, vous mesurez l’intérêt de cette étude : ce qu’il m’importe d’apprécier, ce ne sont pas seulement les politiques gouvernementales, c’est aussi, et surtout, ce qui les sous-tend.

Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faut pas s’étonner que les mêmes recettes provoquent les mêmes indigestions. Il est désormais démontré, en particulier, que les aides systématiques, telles que les exonérations sociales et fiscales, n’ont fondamentalement pas d’effet positif sur les créations d’emploi. Rien ne vient prouver que les quelque 25 milliards d’euros d’exonérations accordées aient créé, en contrepartie, les emplois espérés, ni même contribué à en conserver beaucoup d’autres.

Comme la parole de certains de nos collègues est d’or, je ne me prive pas de citer M. Serge Dassault, rapporteur spécial de cette mission, qui déclarait à propos de ces cadeaux fiscaux, en prenant l’exemple de la restauration : « Le peu d’emplois créé par les récentes aides [...] devrait inciter à réviser une politique systématique de baisse du coût du travail. Aujourd’hui, une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations est probablement souhaitable ». Monsieur Dassault, je suis cette fois d’accord avec vous !

À plusieurs reprises, M. Borloo a cité le chiffre de sept millions de nos concitoyens vivant d’un minimum social, quel qu’il soit. Je le répète, nous ne pouvons dissocier la situation des salariés qui occupent un emploi des problèmes du chômage, de la précarité et du pouvoir d’achat. Depuis cinq ans, le Gouvernement n’a cessé de stigmatiser les pauvres, les immigrés, les sans-emploi et les allocataires de minima sociaux.

Les plus accusateurs, je vous l’accorde, monsieur Borloo, ont probablement été vos collègues MM. Sarkozy et Fillon. Mais reconnaissez tout de même que vous n’avez guère fait d’efforts pour les démentir publiquement !

Or qui sont ces prétendus privilégiés ? Les SDF, dont 40 % ont un emploi et un salaire qui ne leur permettent pas de se loger ? Les RMIstes, qui sont coincés dans ces trappes à bas salaires que sont les emplois précaires et à temps partiel ? Seraient-ce ces hommes et ces femmes qui, par leur nom, leur adresse, leur origine ou leur couleur de peau se trouvent écartés, ignorés de la vie nationale et du travail ? Seraient-ce les 55 % de chômeurs non indemnisés ?

Mes chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, vous le savez, ceux-là ne sont pas les coupables, mais les victimes visibles d’un système et d’une orientation politique !

Le journal La Tribune rapporte les propos de M. Borloo : « Nous avons les moyens de notre politique. » Ce quotidien rappelle avec cruauté le revirement du Gouvernement entre 2002 et 2005 : en 2002, M. Raffarin s’enorgueillissait d’une baisse de 6,2 % des crédits dédiés à l’emploi ; en 2005, M. Borloo bombait le torse, avec, de surcroît, un retour à l’emploi public aidé !

Au moment de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2007 - un budget de transition, pour cause d’élections - que remarquons-nous ?

Nous notons, tout d’abord, des crédits en baisse, qui sont complétés par un transfert de ressources extrabudgétaires, dont nous ne connaissons pas le montant exact, car la créance de l’État sur l’UNEDIC est de 1,2 milliard d’euros pour 500 millions d’euros exigés cette année.

Nous constatons aussi que les compensations de cotisations sociales n’apparaissent pas dans la mission que nous examinons, alors qu’elles représentent près de 20 milliards d’euros.

Il en est de même des dépenses fiscales relevant de cette mission, qui sont en forte hausse, puisqu’elles atteignent 8,32 milliards d’euros, dont 500 millions d’euros au titre de la prime pour l’emploi.

La subvention d’équilibre de l’État au fonds de solidarité est en baisse, comme la dotation à l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. En revanche, les aides en direction du secteur « hôtels, cafés, restaurants » sont encore augmentées de 160 millions d’euros cette année, sans qu’aucune contrepartie ne soit exigée en termes d’emploi et de salaire, et alors même que la fédération patronale de ce secteur, qui est probablement la plus rétrograde de toutes, a remis en cause les 35 heures et persévère dans une politique de bas salaires !

Monsieur le ministre, votre stratégie visant à développer l’emploi faiblement qualifié, peu rémunéré, à temps partiel et fortement subventionné se confirme. Les employeurs particuliers sont toujours plus aidés financièrement, tandis que les crédits du programme « Accès et retour à l’emploi » diminuent et que se profile l’extinction des dispositifs antérieurs au plan de cohésion sociale.

Enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, la panique aidant et les échéances électorales pressant la majorité, M. de Villepin a formulé voilà quelques jours, lors de son point de presse mensuel, de nouvelles mesures, que le journal Les Échos qualifie d’ailleurs de « guère révolutionnaires », ce qui, personnellement, ne me surprend pas !

Il s’agit, de nouveau, de crédits d’impôts destinés à inciter les salariés à déménager à plus de 200 kilomètres, ou à aider les secteurs qui ont du mal à recruter, comme, encore et toujours, l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment, la mécanique et l’agriculture ! - en bref, vous l’avez compris, mes chers collègues, les secteurs où les salaires sont les plus bas, les conditions de travail souvent très difficiles et l’accompagnement dans l’emploi inexistant.

Le temps passe, et rien ne change ! Le peuple n’approuve pas cette politique et s’exprime dans le même sens à chaque élection depuis 2002. Pourtant, rien n’y fait.

M. Sarkozy félicite les patrons qui démolissent les 35 heures et augmentent le temps de travail pour un salaire identique. Le chantage aux délocalisations s’amplifie, la bourse se porte à merveille, les parachutes dorés se multiplient et les stock-options atteignent des sommets.

La liste des constats que nous pouvons dresser est bien plus longue encore : la croissance est en berne, les profits explosent, le Gouvernement en est à son énième budget insincère, les comptes de la sécurité sociale se trouvent dans le rouge.

En matière d’emploi, monsieur le ministre, les politiques nationales, quand elles existent, sont mises à mal par l’étendue des stratégies des fonds de pension, qui gèrent 1 500 milliards de dollars pour le compte de leurs clients, alors que le budget de l’État français oscille, je le rappelle, autour de 200 milliards d’euros. Les fonds de pension possèdent en totalité plus de 3 600 entreprises françaises et imposent directement leur loi à 800 000 salariés.

Oui, monsieur le ministre, la France va mal, et bien plus qu’il y a cinq ans ! Votre budget est le reflet de cette situation, et les Français, comme nous, en tireront les conséquences. Nous n’approuverons pas votre politique !

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