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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2008 : aide publique au développement

Par / 29 novembre 2007

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, à la suite de l’Appel mondial contre la pauvreté, lancé à Porto Alegre en 2005, on se souvient que les États européens, notamment la France, avaient, à grand renfort de promesses, annoncé que l’aide en direction des pays les plus pauvres augmenterait.

Deux années se sont écoulées et ce projet de budget, qui affiche un véritable recul, révèle, me semble-il, que tel n’est plus la priorité du Gouvernement.

L’année 2007 aurait dû être une étape décisive, d’autres l’ont dit avant moi, et constituer un palier symbolique. L’aide aurait dû franchir la barre des 0,5 % du revenu national brut. Il n’en est rien : l’effort de la France est ramené à 0,42 %, alors que les crédits consacrés par nos amis anglais, allemands et espagnols sont en progression sensible.

Il s’agit là, je le répète, d’un véritable recul. L’Afrique est d’ailleurs le premier continent touché. À ce rythme, il est malheureusement probable que les objectifs du Millénaire pour le développement ne seront pas respectés à l’horizon de 2015.

L’Afrique, dont a parlé le chef de l’État à Dakar au mois de juillet dernier dans un discours empreint de suffisance que beaucoup de nos amis africains ont vécu comme une humiliation, reste au premier rang des continents frappés par la misère, dans un monde qui compte actuellement 800 millions de personnes souffrant de la faim, des milliers d’enfants qui font la guerre ou un travail harassant, tandis que 300 000 d’entre eux meurent de maladies qui pourraient être soignées.

Il est temps d’agir. Sur cette question, le document budgétaire qui nous est soumis ne nous aide pas à cerner la réalité de l’aide de l’État aux pays en voie de développement. Les allégements et les annulations de dettes représentent encore une part non négligeable en volume de crédits, mais ils ne suffisent pas à masquer la réalité d’un budget en baisse.

Que prévoirons-nous, madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d’État, pour maintenir ou augmenter nos efforts quand ces lignes budgétaires n’existeront plus ? Rien n’est fait pour lever nos inquiétudes quant à la clarté et à l’efficacité de notre aide sur le terrain. Ainsi, il est question d’une annulation de dette de 2 milliards d’euros en faveur de la Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo. Or on sait que la France a été à l’initiative d’une proposition à l’ONU visant à poursuivre la restriction des aides destinées notamment à la Côte d’Ivoire. La question se pose alors : ce budget est-il sincère ?

Pourtant, vous le savez, mes chers collègues, la représentation internationale doit se concentrer sur les objectifs du Millénaire pour le développement, classés comme prioritaires par le Programme des Nations unies pour le développement : éliminer l’extrême pauvreté et la faim, en Afrique subsaharienne, où 50 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour ; assurer une éducation primaire pour tous ; promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; réduire la mortalité infantile ; améliorer la santé maternelle ; combattre le sida, le paludisme et autres maladies - bien qu’elle ait doublé dernièrement, grâce à la taxe sur les billets d’avion, la contribution de la France à l’ONUSIDA n’en reste pas moins nettement insuffisante et peu valorisée : 7 millions de personnes dans les pays en voie de développement attendent un traitement contre le sida - ; assurer un environnement durable - en Asie occidentale par exemple, 80 % des habitants n’ont pas accès à l’eau potable - ; mettre en place un partenariat mondial pour le développement, en poursuivant la mise en place d’un système commercial et financier fondé sur des règles non discriminatoires.

Le Fonds européen de développement, principal instrument de la coopération entre la Communauté européenne et les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ACP, y participe, de façon moins importante que l’année dernière, la contribution de la France s’élevant cette année à 725 millions d’euros. Je plaide bien sûr pour un renforcement de ce fonds. Nous avons eu l’occasion d’en débattre récemment, monsieur le ministre, lors de l’examen du projet de loi relatif aux accords de partenariat ACP-CE. J’ai voté contre ce texte, qui ne respecte en aucune façon nos partenaires des pays ACP. Eux-mêmes le disent avec force : accordez-moi que le président Abdoulaye Wade, qui s’est récemment exprimé à ce propos dans Le Monde, n’est pas le dernier recruté d’une cellule communiste de la Seine-Saint-Denis ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il faut vérifier ! (Sourires.)

M. Robert Hue. C’est pourquoi il serait infiniment plus réaliste de repousser la signature de cet accord et d’envisager une période transitoire, afin que les négociations puissent continuer.

Même si 984 millions d’euros sont consacrés à l’aide financière aux pays en voie de développement - qui est gérée par le ministère des finances -, ce qui représente une hausse de 13 %, c’est peu, compte tenu des objectifs prioritaires que je viens d’énumérer. Et le problème de la dette est loin, très loin d’être résolu. Ainsi, le Kenya ne pourra pas réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement tant que 40 % de son budget sera consacré au remboursement de la dette.

On peut aussi s’interroger sur le fonctionnement de l’Agence française de développement, qui n’aurait utilisé que la moitié des 327 millions de crédits qui lui ont été alloués pour 2007.

Je souhaite formuler une observation particulière sur l’aide apportée aux organisations non gouvernementales, les ONG. Dans un contexte particulier, celui de l’affaire de l’Arche de Zoé dont les activités apparaissent condamnables - tout le monde s’accorde sur ce point -, certains voudraient profiter de l’occasion pour jeter l’opprobre sur ces associations.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Pas besoin ! Elles s’en chargent elles-mêmes !

M. Robert Hue. Je renouvelle donc plus que jamais mon souhait de voir soutenir ce type de coopération qui reste encore trop timide : les ONG reçoivent 1 % du budget total de l’Aide publique au développement. Ces crédits ne sont pas des plus lisibles...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Leur utilisation non plus !

M. Robert Hue. ...et influent sur l’action et l’efficacité des ONG sur le terrain. Celles-ci sont terriblement désappointées par la faible évolution des pays en voie de développement, par l’échec des politiques successives mises en place depuis des décennies et par le comportement de certaines élites, peu scrupuleuses du bien-être de leur population. Elles ont donc le sentiment, tout comme nous d’ailleurs, que leur action difficile - je tiens à le souligner - ne profite que très peu aux populations concernées.

Enfin, je terminerai mon propos sur un problème purement politique mais qui ternit néanmoins sensiblement l’image de la France en Afrique et dans le monde, à savoir la délimitation des compétences entre le ministère de la coopération et de la francophonie et le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Ce dernier ministère, nouvellement créé sur fond de politique de l’immigration encadrée par des statistiques ethniques et autres tests ADN (Mme la ministre s’offusque), aurait prétendument pour mission de participer à la politique d’aide au développement. Le ton est donné, il choque fortement l’opinion africaine, à juste titre d’ailleurs. Ce n’est pas avec cette conception régressive que nous aiderons les pays du Sud à sortir de la pauvreté : c’est en apportant l’aide nécessaire à leur développement.

Les pays riches, quoi qu’on en dise, sont favorisés dans les négociations commerciales face aux pays pauvres. Le Président de la République souhaite un « nouvel ordre mondial ». Soit ! Mais nous exigeons qu’il soit guidé par des motivations d’humanité, de justice et d’équité sociale.

Ne considérant pas que ce soit là la priorité affichée du Gouvernement, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas les crédits que vous nous proposez et demande que la représentation nationale soit saisie plus régulièrement, afin qu’elle exerce son rôle de contrôle de la politique étrangère du Gouvernement.

Le développement des pays du Sud ne peut être lourdement hypothéqué par des choix totalement incompris de nos partenaires africains. La poursuite d’une telle politique briserait la dynamique nécessaire d’un codéveloppement partagé entre la France, l’Europe et l’Afrique.

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