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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2008 : immigration, asile et intégration

Par / 3 décembre 2007

Contrairement à M. Cambon et à vous, monsieur le ministre, je n’arrive pas à me réjouir qu’un ministère qui porte l’intitulé « immigration, intégration, identité nationale et codéveloppement » - inédit dans l’histoire de la Ve République - soit doté d’un budget propre pour 2008, ainsi que d’une véritable administration centrale. J’y vois là la traduction budgétaire d’une politique d’immigration axée essentiellement sur la traque aux étrangers que les mots « codéveloppement, intégration, accès à la nationalité française » ne sauraient faire oublier.

Le programme « Immigration et asile » vient parachever sur le plan budgétaire le rattachement de l’asile au ministère de l’immigration alors qu’il relevait auparavant du ministère des affaires étrangères. C’est très inquiétant, mais cela confirme bien la tendance à gérer l’asile - qui est la protection offerte par un pays à des personnes persécutées pour des motifs liés à la race, à la religion, à la nationalité, à l’appartenance à un certain groupe social ou encore en raison de leur opinion politique - comme on gère les flux migratoires.

Dans cette optique gestionnaire, vous n’hésitez pas à tabler sur une diminution de 10 % des demandes d’asile afin de réaliser de substantielles économies en abaissant de 3,7 % l’ensemble des crédits.

Le budget de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, va ainsi passer de 45,5 millions d’euros en 2007 à 43 millions d’euros en 2008. Les sommes dédiées à l’allocation temporaire d’attente passeront de 38 millions d’euros à 28 millions d’euros et la durée moyenne de la procédure d’asile, qui était de treize mois en 2007, passerait à dix mois en 2008. C’est une évaluation très optimiste, puisque déjà, au cours des premiers mois de l’année 2007, le rythme de diminution de la demande d’asile a fortement fléchi par rapport à 2006.

Monsieur le ministre, comment justifiez-vous une telle diminution du nombre de demandeurs d’asile ? Disposeriez-vous d’informations que nous n’aurions pas sur la situation dans le monde ? Y aura-t-il, en 2008, moins de famine, moins de guerre, moins de pauvreté ? Y aura-t-il, par conséquent, moins de réfugiés ? Je ne le pense pas !

En réalité, si le nombre de demandes d’asile est en baisse, c’est en raison de vos réformes successives, qui tendent toutes à restreindre l’accès au droit d’asile avec l’introduction de notions telles que celles d’acteurs de protection, d’asile interne, de liste nationale des pays d’origine sûrs, de protection subsidiaire, de procédure prioritaire, de multiplication des rejets au motif que la demande est manifestement infondée, etc. Vous faites des économies sur le dos des gens les plus pauvres du monde, les plus vulnérables aussi !

Que se passera-t-il si jamais l’hypothèse de cette diminution ne se confirmait pas comme le craignent à juste titre les différents rapporteurs de l’Assemblée nationale ?

À cet égard, il faut noter les priorités inquiétantes envisagées lors de la présidence française de l’Union européenne au second semestre de 2008, notamment avec l’instauration d’un régime européen de l’asile, dont l’objectif sera certainement - sous couvert d’harmonisation, bien évidemment - de restreindre les délais de recours, les délais de décisions, et d’un pacte européen sur l’immigration afin d’affirmer le refus des régularisations massives, l’approbation des accords de réadmission ...

Votre budget, c’est aussi les reconduites à la frontière via les centres de rétention administrative, qui sont de véritables machines à expulser du territoire.

En la matière, vous évoquez sans cesse les objectifs chiffrés à atteindre : 25 000 reconduites pour la fin de 2007, 26 000 prévues pour la fin de 2008, 28 000 ciblées en 2010. On peut donc s’interroger sur l’origine de ces chiffres. D’où viennent-ils ? Comment, sur quel critère et sur quel article de loi sont-ils fondés ?

Il faut savoir que ces objectifs - inhumains ! - sont impossibles à atteindre et ne servent qu’à manipuler l’opinion publique afin de leur laisser croire que le Gouvernement agit. J’en veux pour preuve le fait que les objectifs ont d’ores et déjà été revus à la baisse. L’an dernier, il était question de parvenir à 28 000 reconduites dès la fin de 2008 ; aujourd’hui, on parle de la fin de 2010. N’est-ce pas là l’aveu d’un effet d’affichage afin d’entretenir encore et toujours un certain électorat.

En revanche, il y a un chiffre qui est beaucoup moins mis en avant, y compris dans les médias, c’est celui du taux de mise en oeuvre effective des mesures d’éloignement par rapport aux procédures engagées. Ce taux ne dépasse quasiment jamais 30 %, l’année 2006 ayant été une année record avec 29,5 %, contre 27 % en 2005. Au premier semestre de 2007, ce taux était inférieur à 20 %.

En réalité, pour expulser effectivement 25 000 personnes, il faut en interpeller trois à cinq fois plus. Il ne suffit pas d’interpeller des personnes pour les faire entrer dans les statistiques, encore faut-il suivre et respecter la procédure jusqu’au bout. Plus de 70 % des mesures d’éloignement ne sont pas mises en oeuvre en raison de l’annulation de la procédure d’éloignement par le juge judiciaire ou administratif, de la non-délivrance de laissez-passer consulaire ou encore de l’impossibilité de placer une personne en CRA faute de places, d’où d’ailleurs l’objectif des 2 400 places en CRA pour l’été 2008.

Cette politique est une aberration. Elle conduit à faire du chiffre à tout prix. Pour traquer les étrangers, vous multipliez donc les contrôles au faciès et vous recherchez des auxiliaires de police partout : agents de l’URSSAF, des CAF, de l’UNEDIC, de l’ANPE, de l’inspection du travail, etc.

Cette politique est à l’origine de situations aussi dramatiques qu’ubuesques : multiplication du nombre de défenestrations, parfois mortelles, consécutives à des contrôles de police ; placement en rétention administrative ou en zone d’attente de personnes qui n’ont rien à y faire, et je pense ici à ce couple et à son bébé de trois semaines qui ont failli être expulsés avant même d’obtenir la réponse à leur demande d’asile ou encore à cette jeune femme qui, malgré son passeport français, a été placée en zone d’attente pendant onze heures à Orly ; multiplication des arrestations pour délit de solidarité ou entrave à la circulation d’un aéronef.

Il s’agit, selon moi, d’une criminalisation de l’action militante et citoyenne. Il convient de la différencier de celle des passeurs, des employeurs de main-d’oeuvre étrangère, des marchands de sommeil, qui, eux, tirent profit des gens en situation irrégulière et savent pour ce faire contourner les lois de plus en plus restrictives en matière d’immigration.

Quant au coût moyen d’une reconduite à la frontière, celui-ci est estimé dans cette mission à 1 800 euros. C’est déjà beaucoup, mais cela reste très en deçà de la réalité, car d’autres ministères sont impliqués dans la prise en charge des expulsions. Vous avez d’ailleurs vous-même évoqué, au cours d’une émission télévisée, le coût moyen de 13 000 euros par expulsion.

M. Brice Hortefeux, ministre. Chez les Britanniques, pas chez nous !

Mme Éliane Assassi. Vos propos n’étaient pas très clairs. En réécoutant l’émission, j’ai bien entendu 13 000 euros par expulsion.

M. Brice Hortefeux, ministre. Pas du tout !

Mme Éliane Assassi. Par conséquent, il serait temps que les parlementaires connaissent enfin le coût moyen complet d’une reconduite à la frontière.

Auparavant, pour atteindre vos impératifs chiffrés, vous vous en preniez aux Roumains et aux Bulgares. Le problème, c’est que vous ne pouvez plus les expulser, car ils font partie de l’Europe depuis le 1er janvier 2007. On voit bien là les limites de votre politique d’immigration.

Par ailleurs, vous avez annoncé une réforme de la Constitution afin de fixer chaque année des plafonds d’immigration selon les différents motifs d’installation en France et selon les régions d’origine, d’une part, et pour unifier le contentieux au profit d’un seul ordre juridictionnel, d’autre part. N’avez-vous pas l’impression de revenir à une politique qui aurait des « relents colonialistes » ?

M. Josselin de Rohan. Oh !

Mme Éliane Assassi. Compte tenu du fait que le nombre de recours ne pourra qu’exploser sous l’effet des lois successives contre l’immigration que vous avez fait voter, vous projetez d’uniformiser le contentieux de l’entrée, du séjour et de l’éloignement des étrangers au profit d’un seul ordre juridictionnel. Vous souhaitez également que l’État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention. En réalité, il s’agit d’éviter que les décisions prises par les juges des libertés et de la détention, qui annulent plus du tiers des procédures d’éloignement, ne viennent perturber les expulsions.

Il existe un décalage total entre les effets d’annonce et la réalité de ce projet de budget pour l’année 2008, lequel est avant tout un budget politique, idéologique, porté par la présente mission dans le cadre d’un nouveau ministère directement créé à la suite de l’élection de M. Sarkozy. L’argent public est utilisé à des fins purement répressives pour mettre en oeuvre une politique aux résultats aussi contestables qu’inefficaces.

Compte tenu de ces observations, les sénateurs du groupe CRC voteront contre ce projet de budget.

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