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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2008 : solidarité, insertion et égalité des chances

Par / 30 novembre 2007

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, dans le premier budget de ce gouvernement, qui doit mener à bien le programme que le Président de la République a voulu « de rupture », je ne vois que continuité et aggravation des politiques conduites depuis 2002. L’adjectif qui me vient à l’esprit pour qualifier la part allouée à la mission « Solidarité, insertion, et égalité des chances » est « insuffisante », voire « indigente ».

Nicolas Sarkozy, alors qu’il n’était que candidat à la présidence de la République, a beaucoup promis. Il a promis le droit au logement opposable pour toutes et tous, qui n’a d’effet que sur le papier, promis d’accroître de 25 % le montant de l’allocation aux adultes handicapés, promis d’étendre la CMU complémentaire et de la rendre plus généreuse, promis encore de faire de la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes une priorité.

Mais après le temps des promesses, égal à celui de la campagne, voici le temps de la réalisation. Et là, un constat s’impose : il y a un océan entre les promesses et la réalité.

Cette mission, qui revêt un caractère particulier puisqu’elle concerne les politiques de prévention de l’exclusion et d’insertion des personnes vulnérables, n’échappe pas à ce constat. Elle porte pourtant un bien bel intitulé, qui risque fort de ne pas se traduire dans les faits ; j’y reviendrai.

Je n’irai pas jusqu’à dire que votre projet de loi de finances aggravera la situation des plus pauvres et des plus précaires. Je pense aux bénéficiaires de la CMU, de la CMU-C, de l’aide à l’acquisition d’une mutuelle complémentaire, ou encore à ceux de l’AME, dont la situation sera aggravée par l’article 49 du projet de budget. J’interviendrai tout à l’heure sur cet article, mais je ne peux m’empêcher de mettre en regard, dès à présent, les 14 millions d’euros d’économies que permettraient de dégager cette mesure et les 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux octroyés, presque en secret, durant l’été, lors de l’adoption de la loi TEPA. Force est de constater que ce montant est aussi supérieur aux 12,04 milliards d’euros consacrés à cette mission. Le symbole est clair : votre gouvernement a fait le choix de restaurer les privilèges de certains, alors que pour l’immense majorité des Français, la galère et les fins de mois difficiles continuent.

Si votre gouvernement a trouvé les moyens de satisfaire les plus riches, il peine encore à doper la croissance, preuve que votre loi TEPA est inefficace et ne parvient pas à accroître le pouvoir d’achat.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle ne s’applique que depuis un mois !

Mme Annie David. Je sais par avance que vous me répondrez : « heures supplémentaires ! » Mais, croyez-moi, la grande majorité des salariés à temps partiel - en particulier les femmes -, pour qui cette modalité d’emploi est plus une contrainte qu’un choix, préférerait un emploi à temps plein plutôt que d’effectuer des heures complémentaires.

Cela me permet de rentrer dans le vif du sujet par la plus petite enveloppe de cette mission, celle du programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », dont vient de parler Mme Gautier. Avec 28,5 millions d’euros, cette enveloppe est à peine plus fournie qu’en 2007, enregistrant une augmentation bien ténue, de 0,8 % pour être précise.

Là encore, je vous entends déjà me rétorquer que tous les crédits n’ont pas été dépensés. Évidemment, c’est tellement facile de ne pas dépenser ce qui est prévu, surtout lorsqu’il s’agit de faire avancer le droit des femmes !

Vous réussissez même à diminuer certaines actions, comme vient de le dire également Mme Gautier, notamment les actions « Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision » et « Égalité en droit et en dignité ». J’y reviendrai lors de l’examen d’un amendement que soutiendra notre collègue Paul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, qui vise à prélever certaines sommes d’un côté pour les remettre d’un autre côté. Mon cher collègue, j’ai envie de vous dire que c’est le total de la mission qu’il faut abonder ! Sinon, on ne fait qu’habiller Paul en déshabillant Pierre ! (Sourires.)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. En l’occurrence, c’est Paul qu’on déshabille ! (Nouveaux sourires.)

Mme Annie David. Pourtant, quelle est la situation vécue par encore de trop nombreuses femmes de notre pays ? Insultes et comportements sexistes, violences conjugales, violence verbale, règne du patriarcat, exploitation sexuelle, discrimination à l’embauche et dans la rémunération. Même s’il ne restait qu’une femme victime de tels traitements, ce serait encore une de trop !

À ce propos, l’étude réalisée par l’INSEE en 2005, mise à jour au mois de juillet 2007, vient confirmer cette donnée dont, pour ma part, je ne doutais pas : à travail égal, les femmes demeurent moins bien payées que les hommes, et cela se vérifie dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Alors qu’un ouvrier gagne 17 290 euros en moyenne par an, une ouvrière perçoit 14 357 euros. Alors qu’un employé gagne 16 772 euros, une employée perçoit 15 755 euros. L’écart est encore plus grand pour les cadres : les femmes perçoivent en moyenne 37 253 euros par an quand leurs collègues masculins gagnent 48 421 euros.

Cette inégalité se vérifie évidemment dans l’étude réalisée par l’INSEE en 2005 et réactualisée au début de cette année sur le nombre et le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Dans toutes les catégories d’âges, il y a plus de femmes que d’hommes.

Je sais qu’une conférence sociale sur l’égalité professionnelle et salariale s’est tenue le 26 novembre. Pour autant, les réponses apportées me semblent bien minces au regard de l’enjeu. Certaines me satisfont, notamment celles qui concernent les pénalités financières. Mais je regrette le temps perdu pour légiférer. En effet, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, j’avais, avec mon collègue Roland Muzeau, défendu l’idée de telles pénalités. Mme Nicole Ameline, alors ministre déléguée à la parité et à l’égalité professionnelle, m’avait « renvoyée dans les cordes » !

Je me réjouis que votre sagesse vous ait permis de me rejoindre sur ces points et j’espère qu’en ce qui concerne les temps partiels - M. Xavier Bertrand a dit qu’il allait entamer des tables rondes sur ce sujet -, vous pourrez reprendre les propositions de mon groupe !

S’agissant des contrats d’égalité professionnelle, je rappelle qu’on en compte vingt-quatre. Ce chiffre, dérisoire, est d’ailleurs le même qu’en 2006. On ne peut pas vraiment dire que votre gouvernement redouble d’effort lorsqu’il s’agit de promouvoir des actions exemplaires en faveur de l’égalité professionnelle !

Cette mission présente encore un caractère insuffisant pour ce qui concerne le programme 157, « Handicap et dépendance ».

Je m’attarderai sur l’allocation aux adultes handicapés, dont le montant, 621,37 euros, demeure très en dessous du seuil de pauvreté, alors même que les bénéficiaires de cette allocation ne peuvent travailler. M. Nicolas Sarkozy, alors qu’il n’était que candidat, avait promis une augmentation de cette aide de 25 %. Elle ne sera, au final, que de 1,1 %. Certes, une revalorisation de 1 % interviendra au mois de septembre, mais l’augmentation ne s’élèvera qu’à 2,1 %, soit plus de dix fois moins que la hausse promise.

Nous avions pourtant, lors de l’examen du PLFSS pour 2008, déposé un amendement visant à exonérer les bénéficiaires de l’AAH de l’assiette de contribution aux franchises médicales. Vous l’avez refusé. Nous vous avions alors suggéré d’augmenter le plafond de ressources de la CMU afin de permettre à ces allocataires d’en bénéficier et donc de les exonérer des franchises. Votre réponse, d’une grande violence, nous a choqués, comme elle a choqué bon nombre d’associations. Souvenez-vous : vous aviez alors justifié votre refus par le fait que le gouvernement Jospin, créateur de la CMU, ne les avait pas intégrés. Vous justifiez donc votre refus par une mesure initialement insuffisante ! Mais, si elle était insuffisante, ce que nous croyons, il aurait mieux valu faire cesser cette situation et permettre aux adultes handicapés de bénéficier de la CMU. Voilà une mesure qui aurait été respectueuse des personnes handicapées !

Insuffisance toujours : le programme 177 est en diminution par rapport à l’an dernier. C’est pourtant dans ce programme qu’il est question du logement et donc de la loi DALO du 5 mars 2007. Cette dernière a fait naître de très nombreux espoirs parmi les mal-logés et les sans-logement de notre pays. Vous avez fait croire que votre gouvernement construirait plus de logements sociaux, qu’il répondrait aux besoins d’urgence et de stabilité. Vous faisiez de cet engagement un droit opposable aux citoyens. Mais nous savions que ce droit serait, en fin de compte, opposable non à l’État, mais aux maires. Nous le dénoncions d’emblée : la loi DALO ne répond pas à l’exigence de logements sociaux et à la crise du logement dans notre pays ; elle répond à peine à celle des logements d’urgence.

J’ai dit « insuffisant », mais j’aurais dû dire « indigent » puisque les crédits destinés à satisfaire à cette exigence, qui se montent à 855 millions d’euros pour 2008, enregistrent en fait une baisse de 3 %. En effet, vous avez dissimulé, sans doute par erreur, les 94 millions d’euros destinés au plan d’action renforcé en direction des personnes sans abri, le PARSA, qui doivent donc être ajoutés aux 788 millions d’euros inscrits dans la loi de finances initiale de 2007. Le budget passe alors à 882 millions d’euros pour 2007, montant supérieur aux 855 millions d’euros prévus pour 2008. Il y a les discours, l’affichage, d’une part, et la réalité, d’autre part. Mais cela, les mal-logés et les non-logés ne le savent que trop.

Pourtant, une mesure concrète pourrait être prise, à savoir la réquisition des logements laissés vacants pour cause de spéculation. En lieu et place, vous envoyez les CRS et délogez parfois brutalement les familles, comme vous l’avez fait pour celles de la rue de la Banque.

La situation est pourtant loin de s’améliorer : sur les 27 000 places d’hébergement ou de logement prévues en 2007 pour les sans-abri, seules 14 000 devraient être réalisées Je regrette vraiment que vous ne preniez pas la mesure de l’urgence.

Je ne reviendrai pas sur la polémique sur la proposition de parlementaires de l’UMP qui visait à exclure les étrangers des centres d’hébergement. Sous la pression des associations, cette proposition a fait long feu. Il n’en demeure pas moins qu’elle emblématique d’une ambiance générale, celle qui est née de la création du ministère de l’identité nationale et des tests ADN. J’y reviendrai lors de la discussion sur l’article relatif à l’AME.

Récemment encore, une chaîne de télévision du service public interrogeait un candidat à la mairie d’une ville. La ville, c’est Neuilly-sur-Seine et le candidat, c’est M. Martinon. Celui-ci se satisfaisait du pourcentage de logements sociaux dans cette commune, allant même jusqu’à préciser : « Il n’y a pas à Neuilly que des gens très riches, il y a aussi des gens moyennement riches. » Il est sûr qu’à Neuilly il n’y a pas de pauvres ! Avec 2,45 % de logements sociaux, soit moins de 400 logements au total, comment pourrait-il en être autrement ? Et encore faut-il préciser que, sur ces 400 logements, tous ou presque sont éligibles au prêt locatif social, le PLS, ce mode de financement destiné à des loyers importants que des familles modestes ne peuvent payer.

Mesdames les ministres, madame le secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, je vous suggère une mesure que vous pourriez prendre pour répondre à l’urgence, qui ne coûterait rien à l’État et qui serait efficace : demander aux préfets de se substituer aux maires qui violent la loi SRU afin d’entamer, sous leur direction, les opérations nécessaires à la construction des logements sociaux qui font cruellement défaut.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen ne voteront pas ces crédits.

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