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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances pour 2008 : travail et emploi

Par / 30 novembre 2007

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte de suspicion sur la réalité des chiffres du chômage dans notre pays que s’ouvre ce débat sur la mission « Travail et emploi ».

Ces « incertitudes » sur le taux du chômage viennent accroître les inquiétudes de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Le récent mouvement étudiant contre la loi sur l’autonomie des universités en est un mode d’expression. En refusant la participation des entreprises dans le financement et donc la direction des universités, les étudiants crient haut et fort leur crainte de voir les entreprises intervenir directement dans les choix pédagogiques.

Ce qu’ils redoutent, c’est une formation spécifique, liée aux entreprises et répondant à leurs seuls besoins, dans un bassin d’emploi bien défini ; mais le risque d’une délocalisation de l’emploi est grand, et nos étudiants craignent donc l’inadaptation de leurs diplômes, en cas de départ de l’entreprise qui les aura « commandés ».

Ce n’est pas la réponse de Mme Pécresse à mon collègue M. Jean-François Voguet, hier, au cours des questions d’actualité, qui va les rassurer ; ce n’est pas non plus la manière forte employée hier sur le campus grenoblois, à la demande des présidences d’université, en vue de la réouverture des locaux et de la reprise des cours qui va apaiser la situation, puisque des étudiants ont été blessés à cette occasion. Pourtant, le calme, nécessaire à la concertation, doit être retrouvé.

J’en reviens, sans m’en être vraiment éloignée, à la mission « Travail et emploi ».

Le Président de la République avait dit vouloir faire de la question de l’emploi, comme de celle du pouvoir d’achat, une priorité. Nous l’avons entendu hier soir : rien de bien nouveau ne se profile à l’horizon, si ce n’est « travailler plus pour gagner plus ».

On sait ce qu’il en est du pouvoir d’achat et on voit ce qu’il en sera de l’emploi : une priorité affichée, mais en recul de 2,7 %.

J’en veux pour exemple le programme 102, intitulé « Accès et retour à l’emploi », qui concerne les personnes les plus fragiles. Pourtant, c’est bien en direction des populations justement appelées « fragiles » que l’État doit consacrer ses efforts.

Le même sort, celui des coupes claires, est réservé au programme 103, intitulé « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » mais qui aurait pu s’appeler : « Comment les pouvoirs publics viennent compenser les délocalisations et autres restructurations d’entreprises ».

En effet, ce que nous dénonçons ici - ne vous y trompez pas, mes chers collègues ! -, c’est non pas la solidarité nationale, mais le fait que celle-ci intervienne en raison de choix économiques souvent contestables, visant à assurer aux actionnaires une croissance à deux chiffres, et ce sans grand souci de l’emploi. Ce que nous dénonçons, c’est la conséquence directe de la première mesure prise par la droite en 2002, à savoir la suppression de la loi du 4 janvier 2001 sur le contrôle des fonds publics, présentée par M. Robert Hue.

Pour en revenir au programme 102, le Gouvernement propose - c’est une mesure phare que Mme Procaccia a évoquée - de rapprocher les services offerts par l’ANPE et l’UNEDIC.

Qu’en est-il en réalité ? D’ores et déjà est annoncée la suppression de cent quatre-vingt-trois postes. Comment, dans le même temps, promettre que chaque agent de la future agence fusionnée s’occupera de trente demandeurs au plus, alors qu’il gère aujourd’hui plus de cent dossiers ? Le suivi personnel et individualisé, pourtant nécessaire, ne pourra pas aboutir, à moins que vous n’ayez dans votre besace une solution complémentaire bien dissimulée, madame la ministre, à savoir le recours accentué au privé !

Monsieur le ministre, vous dites vouloir offrir un guichet unique au demandeur d’emploi. Cela revient à supprimer la séparation entre le prescripteur et le payeur. Le demandeur d’emploi y a-t-il intérêt ?

Dans cette contre-réforme, comme dans toutes les autres, il faut chercher qui en profite : le patronat. Ce projet est sans conteste dans la continuité du PARE, le plan d’aide au retour à l’emploi, car la main qui versera l’allocation sera aussi celle qui mettra en relation l’employeur et le chômeur. Il suffit d’être chômeur pour comprendre immédiatement ce que cela veut dire. Refuser la mise en relation, c’est remettre en cause le versement des allocations, tout comme son inscription dans les chiffres du chômage. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des chiffres bien différents.

Le service en sera-t-il amélioré ? Il y a lieu, là encore, d’en douter. Les salariés de ces deux agences vous mettent en garde, madame la ministre, contre ce qui va être l’une des principales difficultés : la pluridisciplinarité. Un agent va devoir simultanément accueillir le demandeur, participer à la recherche de son emploi, organiser la formation du chômeur et gérer ses indemnisations.

Quelles formations sont-elles prévues pour permettre aux salariés des ASSEDIC d’accomplir des tâches alors dévolues à l’ANPE et vice-versa ? Aucune !

Par ailleurs, l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, pilier du service public de l’emploi, deviendra un prestataire au même titre que n’importe quel autre opérateur, et sera soumise à concurrence pour avoir les marchés dans les régions. Ce n’est pas d’une telle fusion que les salariés, actifs ou demandeurs d’emploi, ont besoin ; ce qu’il leur faut, c’est un service public de l’emploi orienté tant vers les chômeurs que les actifs, afin de sécuriser les parcours professionnels de chacun.

La réalité - je le disais plus haut -, c’est que le Gouvernement, en fusionnant ANPE et UNEDIC, ne veut pas d’un service public de l’emploi ; son souhait est d’offrir sur un plateau d’argent cet important marché aux sociétés privées !

Tel est déjà le cas dans de nombreux départements gérés par la majorité, qui recourent de plus en plus à des sociétés privées, à l’image d’INGEUS, pour réinsérer sur le marché du travail des demandeurs d’emploi ; mais attention, pas tous les demandeurs d’emplois : les jeunes diplômés et les cadres !

L’ANPE, de son côté, continue à s’occuper des cas les plus complexes.

Le Gouvernement a, dans le domaine de l’emploi, la même réflexion que dans celui de la santé : ce qui coûte cher et est complexe reste dans le giron des services publics ; ce qui rapporte passe au privé.

J’en viens maintenant au programme 111, intitulé « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail », et dont l’une des rubriques se nomme « Santé et sécurité au travail ».

Là encore, c’est la déception : le budget est amputé de près de 3 millions d’euros. Est-ce à dire que, selon vous, madame, monsieur les ministres, la santé des salariés est dans un état tellement satisfaisant qu’il vous faille réduire les crédits ? Si telle est votre conception, elle n’est pas celle des salariés eux-mêmes.

Je vous reconnais toutefois une certaine logique. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez refusé tous nos amendements visant à garantir un service public de la médecine du travail. Vous avez même fait le choix de privatiser partiellement cette dernière en autorisant les médecins qui pratiquent les contre-visites pour le compte de l’employeur à donner à la CNAM un avis sur le maintien du paiement des allocations journalières. Vous avez refusé d’exonérer les salariés victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles de vos franchises médicales, ce qui revient, au final, à leur renier le caractère de victimes.

Pourtant, l’Inspection générale des affaires sociales précise, dans son rapport d’octobre 2007, l’étendue de la crise et tire un constat alarmant de la médecine du travail : « Les signes de dysfonctionnement se sont multipliés ces dernières décennies : forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, éparpillement des responsabilités... ».

Dans ce même rapport, elle considère que la médecine du travail n’est pas en mesure de relever les défis à venir : « La médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations du système productif » ; et de rajouter que « la médecine du travail manque d’outils pour sa pratique professionnelle ». Elle manque également d’indépendance, les cas de médecins du travail ayant minoré les risques apparaissent chaque jour.

Que fait le Gouvernement ? Il diminue les crédits. Décidément, la santé des travailleurs lui importe beaucoup moins que celle des portefeuilles des actionnaires !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Pas du tout, madame le sénateur !

Mme Annie David. Je m’étonne également que le Gouvernement,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Moi aussi, je m’étonne, madame le sénateur !

Mme Annie David. ... qui n’a de cesse de créer des droits opposables, entende supprimer soixante-trois conseils de prud’hommes, dont neuf en Rhône-Alpes et deux sur cinq en Isère, soit près de 50 % ! Ces juridictions particulières, en ce qu’elles associent des juges non professionnels représentant pour moitié les employeurs et les salariés, sont pourtant déjà fort engorgées.

Pourtant, par principe, parce qu’il en va de l’indemnisation des salariés ayant perdu leur source de revenus, cette justice devrait être rapide. Tel n’est déjà pas toujours le cas.

Ce redécoupage risque d’allonger les délais et d’éloigner plus encore les salariés de la juridiction...

M. Xavier Bertrand, ministre. Au contraire !

Mme Annie David. ... qui, malheureusement, en raison des comportements inacceptables de certains employeurs, les concerne le plus.

La politique qui est menée ne se justifie pas au regard des bénéfices colossaux réalisés par les entreprises.

Sans aller jusqu’à envisager une taxation supplémentaire, peut-être le Gouvernement pourrait-il faire cesser les multiples exonérations sociales qui ne profitent pas à l’emploi ? J’approuve, sur ce point précis, la suggestion qu’a faite voilà un instant M. le rapporteur spécial. C’est assez rare pour que je le signale ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

Le Gouvernement a eu l’occasion de renforcer la protection des travailleurs, mais il a préféré recodifier a minima le code du travail. Malheureusement, les désastres causés par la politique de l’emploi qui est menée continueront à se succéder, d’autant qu’il sera bientôt procédé à ce qui est appelé pudiquement la « modernisation du marché du travail ».

Derrière cette expression, qui fleure bon le libéralisme, se dissimule une réalité : après avoir procédé au morcellement des contrats de travail, et donc à l’affaiblissement des droits des salariés, le Gouvernement entend instaurer un contrat de travail unique qui, à n’en pas douter, prendra de la multitude de contrats précaires antérieurs le plus mauvais, le moins protecteur, pour en faire la norme.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est tout le contraire !

Mme Annie David. Droits progressifs, dites-vous, monsieur le ministre ? Nous verrons ! Pourtant, les salariés demandent par milliers une autre politique de l’emploi. Ils exigent une sécurisation des parcours professionnels...

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est ce que nous voulons faire !

Mme Annie David. ... qui, de la faculté jusqu’à la retraite, permettrait de bénéficier d’un droit permanent à la formation, pour que les périodes de chômage soient non pas des périodes d’inactivité, mais bel et bien des moments de formation, rémunérés comme du temps de travail et permettant au salarié de se réinsérer au plus vite dans l’emploi.

Au lieu de cela, vous répondez « flex-sécurité » - pour le coup, je ne suis plus d’accord avec M. le rapporteur spécial ! -, cette pâle imitation de la sécurisation des parcours professionnel, qui garde comme postulat le principe selon lequel les salariés doivent être la valeur d’ajustement des politiques libérales des entreprises.

De plus, vous pénalisez les personnels de la formation professionnelle, qui agissent notamment au travers des AFPA, des CUEFA, des GRETA ou des missions locales. Et vous allez même jusqu’à supprimer, par l’article 54, une aide accordée aux petites entreprises afin de faciliter le remplacement d’un salarié amené à s’absenter pour suivre une formation. J’y reviendrai au moment de l’examen de cet article.

Sur ce sujet particulier, comme sur l’ensemble, votre budget n’est pas à la hauteur des attentes populaires que vous avez su faire naître lors de la campagne présidentielle. Le groupe communiste républicain et concitoyen votera donc contre.

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