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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de finances rectificative pour 2009 et accélération des programmes de construction et d’investissement : question préalable

Par / 21 janvier 2009

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le début de l’automne dernier, la conjoncture mondiale s’est brutalement assombrie et la crise que traversent les marchés n’a pas eu de précédent depuis 1929.

La crise des subprimes s’est déclenchée en août 2007 dans une période d’expansion de l’activité à l’échelle du monde et particulièrement dans les pays « émergents ».

Elle s’est d’emblée révélée plus violente et plus universelle que les crises comparables du capitalisme financiarisé, comme le krach boursier de 1987 ou la crise « asiatique » de 1997-1998. Les pertes ont immédiatement affecté les banques des États-Unis et d’Europe, provoquant une menace de paralysie des marchés monétaires du dollar, de l’euro et de la livre sterling, que les banques centrales ont aussitôt combattue en augmentant fortement le montant de leurs interventions sur le marché interbancaire.

À ce stade de la crise, le G8 avait instamment demandé aux banques internationales de publier l’état réel de leurs risques.

L’aggravation de la crise qui s’est produite à partir de septembre 2008 et la gravité de la situation ont conduit l’ensemble des gouvernements à adopter des dispositifs de soutien global aux banques, avec deux objectifs affichés : prévenir un effondrement complet du système financier et inciter les banques à continuer à financer les entreprises.

En France, trois institutions ont été créées dans la seconde quinzaine d’octobre, par le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie.

Il s’agit, tout d’abord, de la Société de prises de participation de l’État, qui souscrit à des titres subordonnés émis par les six principaux groupes bancaires, pour un montant de 10,5 milliards d’euros. Il est prévu que ce type d’intervention puisse atteindre un montant total de 40 milliards d’euros.

Il s’agit, ensuite, de la Société de financement de l’économie française destinée à refinancer des crédits bancaires pour un montant pouvant aller jusqu’à 320 milliards d’euros, à partir de ressources empruntées sur le marché financier.

Il s’agit, enfin, d’un dispositif de médiation associant dans chaque département les services de l’État et ceux de la Banque centrale pour aplanir les difficultés de financement que les entreprises rencontreraient avec leurs banques.

Le premier bilan de l’activité de ce dispositif montre que l’accès au crédit s’avère bel et bien le problème numéro un des entreprises dans notre pays, sans toutefois que la seule médiation résolve les problèmes posés.

Parallèlement, le Gouvernement annonçait que 22 milliards d’euros supplémentaires seraient mis à la disposition d’OSEO, au titre du financement des PME, et que la Banque européenne d’investissement distribuerait 30 milliards d’euros supplémentaires pour le financement des PME, tandis qu’on allégeait la taxe professionnelle.

De plus, le Gouvernement a établi un nouveau fonds stratégique d’investissement, présenté comme un fonds souverain à la française et doté de 20 milliards d’euros par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, visant à prendre des participations dans des entreprises « stratégiques » qui seraient menacées d’une prise de contrôle par l’étranger.

Enfin, vient le présent collectif et le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, qui comporte un ensemble de mesures d’un coût relativement élevé, mais finalement modeste quand on entre dans le détail réel des dispositions.

Disons-le tout net, le présent collectif n’a guère de sens, parce que son impact macroéconomique est très faible, se résumant pour l’essentiel à présenter de manière différente des mesures déjà prises ou à revenir sur l’annulation de crédits précédemment supprimés au titre de la régulation budgétaire.

Dans certains cas, on dégèle même purement et simplement des crédits antérieurement mis en réserve, en attendant sans doute de les imputer sur le moyen terme sur des autorisations d’engagement qui ne progressent pas réellement.

Ainsi, même en relevant le niveau de l’investissement public dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, vous ne parviendrez pas, messieurs les ministres, à faire en sorte que la dépense d’équipement public de l’État soit plus forte en 2009 qu’en 2003, premier exercice de la précédente législature !

Les mesures budgétaires de ce texte ne sont qu’une forme de session de rattrapage des coupes claires que vous avez opérées dans les budgets publics, au nom de la loi organique relative aux lois de finances, comme de la révision générale des politiques publiques !

La crise du transport public ferroviaire, marqué par l’aggravation des retards, celle de l’école, la manière dont évolue la situation dans les prisons, le sinistre des urgences hospitalières et la ruine de la psychiatrie que vous avez organisée et planifiée, l’aiguisement de la crise du logement sont autant de signes patents prouvant ce que les sénateurs de notre groupe ont toujours dénoncé.

L’obsession de la réduction de la dépense publique et, par voie de conséquence des déficits, conduit la France aux portes d’une crise sociale majeure, nourrie des insatisfactions, du profond sentiment d’abandon, de délitement de la solidarité nationale qui frappent la grande majorité des habitants de notre pays.

Le collectif budgétaire n’échappe pas à cette logique malthusienne : on laisse flotter les choses au fil de l’eau, les déficits s’accroissent sans que nous soyons certains que les choix opérés soient à la hauteur des attentes.

Quant au projet de loi de relance, il semble pour le moment n’avoir lancé qu’une course à l’ajout de dispositions disparates et dérogatoires au droit commun, laissant croire que seuls des obstacles juridiques s’opposeraient au désir d’investir dans notre pays.

Que contient donc le projet de loi de finances rectificative qui, au-delà des intentions affichées, pourrait pleinement justifier cette question préalable ?

Nous devrions sans doute nous estimer satisfaits car, pour la première fois depuis longtemps, les dépenses publiques augmentent, et l’État semble décidé à accomplir un effort particulier en matière d’équipement et d’investissement.

À la vérité, les choses sont moins séduisantes.

Dans ce projet de loi, la dépense publique nouvelle est de manière quasi exclusive conçue comme la source de nouveaux profits et de nouveaux rendements pour quelques groupes financiers et économiques bien déterminés.

Il est d’ailleurs particulièrement symptomatique que le collectif soit accompagné de ce catalogue de mesures de dépénalisation du droit aux affaires et de facilitation du « laisse- faire » que constitue le texte portant sur l’accélération des investissements.

On engage les crédits publics et on offre de véritables rentes de situation à quelques entreprises spécialisées dans la réalisation de grands équipements, entreprises que l’on va d’ailleurs protéger en facilitant la passation de marchés de gré à gré et en réduisant les procédures d’enquête publique à leur plus simple expression.

Au demeurant, il est fort probable que, crise ou pas, de telles mesures auraient sans doute été prises. Elles correspondent clairement au mandat que le Président de la République s’est assigné auprès de ses plus sûrs soutiens, dès son accession au pouvoir.

Comment aussi ne pas pointer qu’une loi de finances rectificative digne de ce nom et soucieuse de ne pas gager l’avenir en développant inconsidérément les déficits publics aurait dû commencer par se poser la question de l’efficacité des mesures fiscales prises, au nom de la compétitivité, depuis plusieurs années ?

Pendant la crise, le bouclier fiscal, ça continue !

Pendant la crise, l’allégement de l’ISF, ça continue !

Pendant la crise, les exonérations de cotisations sociales et les cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises et aux ménages les plus aisés, ça continue !

Pendant la crise, la loi TEPA et ses mesures inégalitaires, ça continue !

Comment ne pas rappeler le fait que la mise en place des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées est une vaste tromperie ?

Une tromperie qui a permis aux entreprises de se libérer du risque de procéder au relèvement des rémunérations ; une tromperie qui fait que le Gouvernement s’est opposé à toute revalorisation réelle du SMIC ; une tromperie qui vient de se traduire en chômage pour les intérimaires et les titulaires de CDD qui ont été licenciés !

Quand, début janvier, on faisait des heures supplémentaires dans l’industrie automobile, on appréhende d’une autre manière de subir les jours et les semaines de chômage technique, l’automne venu !

Quant à la croissance, chacun sait qu’elle n’a pas été au rendez-vous, à moins que la productivité des heures supplémentaires soit si faible qu’elle n’ait aucune incidence sur la production.

Enfin, j’évoquerai l’appel lancé aux collectivités locales pour investir plus et permettre de relancer la machine. Voilà une bien étrange sollicitation, alors que le budget a été discuté voilà moins de deux mois et que les dotations budgétaires de l’État ont été profondément amputées.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, qu’il a été décidé, dans le projet de loi de finances initiale pour 2009, de procéder à une nouvelle réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, d’amputer de 500 millions d’euros la dotation globale de fonctionnement en refusant aux collectivités la régularisation normalement due et d’encadrer le montant des dotations globales d’équipement en les intégrant à l’enveloppe normée ?

Aucune des mesures prises ces derniers temps par le Gouvernement en faveur des collectivités locales n’a contribué à améliorer la situation de leurs comptes, bien au contraire ! Entre les transferts de charges et la réduction des dotations, on encourage ces dernières à solliciter en permanence le contribuable local à travers une fiscalité obsolète, qui n’a toujours pas été réformée.

En ce début d’année 2009, quel élu local n’est pas confronté à la situation suivante : augmenter les impôts locaux ou accroître les recettes d’exploitation, c’est-à-dire le coût des services proposés à la population ? Sans oublier que ce sont les investissements qui sont remis en cause par la faiblesse des marges disponibles.

Messieurs les ministres, la mesure que vous proposez pour favoriser les collectivités qui vont investir plus s’adresse aux seules communes qui ont les moyens de le faire. Les autres, vous les incitez à s’endetter, alors que vous fustigiez leur gestion il y a quelques semaines encore.

En matière d’investissement, le collectif budgétaire vise à consacrer la création du Fonds stratégique d’investissement. Mais voilà que nous apprenons que la Caisse des dépôts et consignations s’apprête à apporter 3 milliards d’euros cash dans le capital de ce fonds souverain à la française, et ce en cédant des actifs immobiliers, en l’espèce 35 000 logements sociaux appartenant à ses filiales immobilières situées notamment dans de nombreuses communes de la proche banlieue parisienne.

La vente de ce patrimoine, dont la Caisse des dépôts et consignations espère obtenir une plus-value de 3 milliards d’euros, risque fort de conduire à la mise sur le marché de ces logements, en dehors de la législation HLM !

De fait, pour financer des prises de participation prétendument publiques dans des entreprises considérées comme stratégiques, on va commencer par dilapider le logement social !

Par conséquent, ce collectif budgétaire est tout, sauf l’esquisse d’un changement de politique. Il n’apporte à la crise que connaît notre pays que des réponses plus libérales les unes que les autres et qui ne permettront aucunement, bien au contraire, de sortir le pays de l’ornière dans laquelle des années de politiques libérales l’ont fait tomber.

Il ne peut donc qu’être rejeté sans la moindre ambiguïté, et tel est le sens de la motion tendant à opposer la question préalable que je vous invite à adopter, mes chers collègues.

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