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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Notre pays se situe au trente-septième rang européen pour les moyens consacrés à la justice

Loi de finances pour 2011 : justice -

Par / 29 novembre 2010

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les rapporteurs, bien qu’en réalité assez critiques, proposent d’adopter les crédits de la mission « Justice », dans le cadre de la politique générale de réduction des dépenses publiques. Cependant, il y a tout de même un problème… (Murmures.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il y en a même plusieurs ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet, mon cher collègue.

La politique pénale et les choix de la majorité soumettent la justice à de nouvelles obligations qui – nous le voyons bien – sont de plus en plus difficiles à tenir. Certes, nous pourrions débattre du bien-fondé de ces décisions. Mais elles sont ce qu’elles sont ; nous devons donc en prendre acte et examiner ce projet de budget au regard des obligations qu’elles créent !

Pour notre part, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Justice », même s’ils sont en augmentation de 4,4 %.

En effet, selon le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice – je sais que vous aimez bien les comparaisons européennes, surtout quand elles vont dans votre sens… –, notre pays se situe au trente-septième rang des pays du Conseil de l’Europe pour les moyens consacrés à la justice. C’est consternant ! Que l’on prenne comme indicateurs l’évolution des crédits des services judiciaires entre 2006 et 2008 ou le nombre de magistrats professionnels et de fonctionnaires de justice par habitant, la France se place loin derrière des pays dans une situation comparable, voire, pour certains, en plus grande difficulté ! Il y a donc bien un problème !

Les crédits du programme Justice judiciaire augmentent de 4,4 %.

Après avoir réduit les créations de postes de magistrats à partir de 2009, vous supprimez 76 postes en 2011. Depuis 2008, seulement 80 postes ont été ouverts chaque année au concours. Vous supprimez 196 emplois de catégorie C, alors qu’il en manque.

Pourtant, l’activité judiciaire croît ; personne ne peut le nier. Le 15 juin, devant notre commission des finances, Mme Alliot-Marie, qui vous a précédé à ce poste, a fourni quelques chiffres : « De 2002 à 2008, le nombre d’affaires civiles a augmenté de 58 %, les décisions en matière pénale, de 10 % […]. Or, parallèlement, le budget n’a augmenté que de 5 %... »

Certes, le nombre de greffiers augmente. Mais le ratio greffier/magistrat passera de 0,86 % à 0,92 %. C’est dérisoire ! Des audiences se tiennent déjà sans greffier.

La visioconférence, qui n’est pas encore en place, ne réglera rien et éloignera les justiciables de leurs juges. C’est une conception de la justice que je désapprouve totalement.

La réserve judiciaire voulue par le Gouvernement relève du « bricolage » pour tenter de pallier l’insuffisance des personnels.

Les frais de justice ont été sous-évalués – cela fait des années que nous entendons la même chose – et des juridictions sont en situation de quasi-faillite. Je note au passage que les analyses génétiques liées à l’élargissement constant du périmètre du Fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, sont coûteuses. Et c’est vous qui l’avez décidé ; je parle du gouvernement actuel et du précédent.

Je mentionne également l’annonce, qui est déjà devenue une réalité ici ou là, du désengagement du ministère de l’intérieur dans la sécurité des audiences et des tribunaux.

Le Livre blanc de l’Union syndicale des magistrats est tout à fait édifiant sur la misère matérielle de nombreuses juridictions.

Les crédits du programme Accès au droit et à la justice augmentent de 12,35 %, mais au seul bénéfice de l’aide juridictionnelle, afin de couvrir l’augmentation du taux de TVA sur les rétributions versées aux avocats, qui a été porté de 5,5 % à 19,6 %. Voilà encore une des conséquences de la politique de la majorité actuelle !

Les crédits de l’action Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité sont en baisse, et ceux de l’action Médiation familiale et espaces de rencontre, 2,5 millions d’euros, sont dérisoires !

Pour tenir compte de la réforme à venir, une augmentation de la part de l’aide juridictionnelle consacrée à la garde à vue a été annoncée. Elle passerait de 15 millions d’euros à 80 millions d’euros. Mais la Chancellerie table sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du nombre des gardes à vue, ce qui est une hypothèse audacieuse. Tant mieux ; c’est très bien d’avoir des objectifs audacieux ! Cela dit, ils sont loin d’être atteints, et ce n’est pas dans le projet de loi de finances pour 2011 qu’ils le seront !

Il n’est pas exclu que l’audition libre soit censurée pour non-conformité à l’exigence de présence de l’avocat. À titre personnel, je le souhaite.

L’appel aux partenariats public-privé semble devenir la règle pour la construction et la maintenance de palais de justice. C’est le cas à Caen, à Perpignan, à Lille et à Paris, où Bouygues et Vinci se disputent le marché, alors que la Cour des comptes dénonce le coût prohibitif de ce dispositif. Mais on continue…

Si les crédits du programme Administration pénitentiaire bénéficient d’une augmentation de 4,4 % et de l’essentiel des créations d’emplois, c’est essentiellement lié à l’ouverture de nouveaux établissements.

Or la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire entre en application. Pourtant modeste, elle est déjà contredite par le budget. Quid de l’obligation d’activité, du travail, de la formation professionnelle des détenus ? Quid de leur accès aux soins, des aménagements de peine et de la réinsertion ?

Dans son étude d’impact, la loi confirme qu’il faudrait recruter – cela a été souligné – un millier de conseillers pour un fonctionnement normal des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les crédits prévus ne couvriront même pas les départs en retraite.

Face à l’accroissement de la charge de travail, il manque 800 personnels administratifs. Ce projet en prévoit environ 80.

Il manque 150 personnels techniques, mais vous voulez les faire disparaître, au profit de la gestion privée. Sauf que la gestion privée, cela coûte, parfois même assez cher !

Et c’est dans cette situation très dégradée que l’administration pénitentiaire se voit attribuer le transfert des détenus vers les juridictions et les hôpitaux, ainsi que la garde de certains lieux !

Entre les nouvelles prisons et les nouvelles unités pour personnes détenues atteintes de troubles mentaux, l’enfermement demeure prioritaire. Mais, là aussi, cela coûte !

Vous fermez 45 établissements pénitentiaires et en ouvrez une vingtaine pour accueillir 14 000 détenus. Il s’agira donc de structures de grande taille – la technique y primera sur l’humain –, centralisées et… privatisées !

Pourtant, la prison de Corbas pose déjà des problèmes aux personnels et aux détenus. Beaucoup conviennent que les petites structures sont mieux adaptées.

Le privé y trouvera évidemment bénéfice, d’une part, en rachetant des sites fermés, d’autre part, avec la poursuite du recours aux partenariats public-privé, alors que le coût de gestion déléguée a augmenté de 13 % entre 2006 et 2008. Vous le voyez, c’est bien plus que la progression des budgets de la justice. Une véritable fuite en avant !

Ce budget dégradera encore les conditions de travail des personnels et les conditions de vie des détenus et des personnes suivies par les SPIP. Les personnels ont alerté, et continuent d’alerter. Nous sommes dans une situation dangereuse.

Le Gouvernement parle beaucoup de la délinquance des mineurs et de sa prévention. Mais, et cela vient d’être rappelé, les crédits de la PJJ baissent pour la troisième fois, en l’occurrence de 2 %, soit 117 équivalents temps plein travaillé en moins !

Vous tentez de justifier cette baisse par le recentrage de la PJJ sur la prise en charge des mineurs, abandonnant aux conseils généraux les mineurs en danger et les jeunes majeurs.

Les associations regroupées au sein de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, s’inquiètent d’une mise en cause de la cohérence et de la continuité nécessaires entre la prise en charge civile et pénale du jeune. Elles pointent le désengagement de la PJJ dans le dispositif d’assistance éducative, ainsi que la baisse des crédits pour la réparation pénale des mineurs et l’investigation.

Dans le même temps, vous concentrez les moyens sur les établissements pénitentiaires pour mineurs et les centres éducatifs fermés, sans aucune réelle évaluation. Il n’est pas acceptable de se contenter d’affirmer que l’on ne constate pas de récidive : il faut comparer ce dispositif à d’autres.

Dans un rapport rendu public en juillet, la défenseure des enfants fait le constat que des adolescents sont confiés aux CEF non pour leur profil de jeunes récidivistes ou multiréitérants, mais en raison de l’absence d’une solution de remplacement à l’incarcération du fait des nombreuses fermetures d’établissements autres que les CEF. Nous assistons à un déplacement de population, et il n’est pas juste d’affirmer que nous obtenons des résultats. Ce projet de budget contredit les préconisations du rapport.

J’ajoute qu’au 1er novembre 2010 le nombre de mineurs incarcérés s’est accru : ils sont 695.

Le projet de budget de la PJJ est significatif de la volonté des gouvernements et de la majorité parlementaire, depuis 2002, de vider peu à peu de sa raison d’être la justice des mineurs, ce qui est très grave. Nous avons donc tout à craindre de la réforme en préparation.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Justice ».

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