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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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On peut se demander ce qui pousse un gouvernement de gauche à proposer de telles mesures

Loi de finances rectificative pour 2013 -

Par / 12 décembre 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi tous les articles de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, il peut paraître difficile de rendre saillant tel ou tel point, tant, avant la « remise à plat » de notre fiscalité, nous assistons à celle des modalités de recouvrement de l’impôt et à la mise en discussion de quelques dispositions purement techniques.

Selon nous, le premier débat réside dans la réalité de la très faible croissance économique – un dixième de point –, puisque c’est l’hypothèse finalement retenue pour la conception et la réalisation de ce texte.

Cette faible croissance économique trouve une traduction dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Elle se manifeste par la poursuite de l’augmentation du nombre des personnes privées d’emploi, lequel s’élève aujourd’hui, toutes catégories confondues, à plus de 5,8 millions.

Elle trouve aussi son expression dans le mouvement de faillite des entreprises, des faillites qui sont autant de drames pour les entrepreneurs qui mettent la clef sous la porte que pour les salariés de ces entreprises.

Le nombre de défaillances d’entreprises s’élevait en effet à 46 903 entre janvier et septembre, soit un rythme annuel supérieur à 62 000, alors qu’il était de 61 189 pour l’année 2012, et de 59 521 pour l’année 2011.

Bien entendu, compte tenu de la forme même de notre tissu économique, largement composé de très petites entreprises ne comptant parfois aucun salarié, ces défaillances ne se traduisent pas chaque fois par un plan social.

Néanmoins, cette tendance justifie tout de même quelques inquiétudes sur l’avenir.

Songez qu’en 2008 le nombre de défaillances s’établissait à 55 423, contre 63 454 en 2009, le record de ces dernières années ! Ces chiffres montrent, s’il en était besoin, que nous ne sommes pas vraiment sortis de la crise économique – les 5,8 millions de chômeurs sont de toute manière là pour nous le rappeler.

Certains imputeront bien sûr ce piètre résultat au passif du gouvernement actuel, aux impôts trop lourds, au « ras-le- bol » fiscal. Qu’ils ne comptent cependant pas sur nous pour chanter cette rengaine trop facile, car nous sommes nombreux au sein du groupe CRC à estimer que la fiscalité n’explique pas tout.

Bien évidemment, la hausse des tarifs du gaz, de l’électricité, des transports publics – la hausse de la TVA sera répercutée intégralement en 2014 –, les effets du gel du barème de l’impôt sur le revenu, la « mécanique » de hausse de la fiscalité locale qui en découle, tout cela pèse sur la consommation populaire, sur la situation des ménages.

Mais pas plus que le quasi-gel du SMIC ni que la modération salariale encouragée au plus haut niveau ; pas plus également que la mise en cause des prestations sociales, dont on sent confusément qu’elles seront la cible principale des prétendues « économies » que le Gouvernement entend réaliser ces prochaines années pour parvenir à l’équilibre budgétaire.

La précarisation du fonctionnement des hôpitaux, à travers un objectif national des dépenses d’assurance maladie, ou ONDAM, sans cesse plus contraint, la mise en cause du caractère universel des allocations familiales, maquillée derrière la « justice » et la « priorité » affichée en direction des plus démunis, l’objectif de réduction des pensions et retraites par désindexation, le report de la revalorisation, l’adoption éventuelle du système des comptes notionnels, voilà quels peuvent être les outils conçus pour réaliser de telles économies.

Toutefois, la vérité commande de dire que c’est aussi dans l’insuffisante mobilisation des capacités de production et, notoirement, dans celle du crédit bancaire que nous trouvons les motifs principaux de cette croissance atone.

Qu’on y songe : selon la Banque de France, la moitié des crédits disponibles pour les activités manufacturières et industrielles n’est pas mobilisée. Autant les plus grands groupes semblent avoir renoncé à investir en France ou privilégient ce qu’on appelle le shadow banking, c’est-à-dire le prêt avec intérêt à l’intérieur du groupe, autant nos PME et TPE sont confrontées à des difficultés nouvelles pour solliciter l’appui des banques.

Tout porte à croire, d’ailleurs, que ni la création de la Banque publique d’investissement, ni la séparation des activités des établissements de crédit n’ont eu la moindre efficacité concrète sur la situation de distribution du crédit aux entreprises,…

M. Philippe Marini. Le contraire aurait été surprenant !

M. Thierry Foucaud. … et que les choses, qui n’étaient déjà pas simples avant 2012, se sont encore dégradées.

Serait-ce cette situation qui est à l’origine de la principale mesure contenue dans ce collectif, à savoir la mise en place d’une réforme de l’assurance vie, l’un des principaux placements financiers des Français ?

Enfin, des Français... Il en est de l’assurance vie comme d’autres produits d’épargne : elle épouse étroitement les contours abrupts des inégalités sociales.

C’est que l’encours important de l’assurance vie – plus ou moins 1 450 milliards d’euros aujourd’hui – est très inégalement réparti.

M. Philippe Marini. Eh oui !

M. Thierry Foucaud. Pour 90 % des 17 millions de souscripteurs, le montant épargné cumulé est inférieur à 50 000 euros, tandis que les 10 % restants rassemblent rien de moins que 64,8 % de l’encours, soit une somme de plus de 880 milliards d’euros et une moyenne légèrement inférieure à 530 000 euros.

Au demeurant, le centile d’épargnants disposant des plus gros contrats se situe aux alentours de deux millions d’euros. Une somme qui, rappelons-le, si elle était soumise à l’impôt de solidarité sur la fortune, serait susceptible, monsieur le ministre, de produire plus de 1 milliard d’euros de recettes nouvelles.

Nous nous sommes d’ailleurs livrés à une petite estimation. Si les 170 000 ménages disposant des contrats d’assurance vie les plus richement pourvus étaient soumis à l’imposition sur les grandes fortunes, le budget de l’État s’en trouverait bonifié d’une recette fiscale comprise entre 1,2 milliard et 5,1 milliards d’euros.

L’article 7 du projet de loi est, selon nous, un article d’opportunité. Nous sommes convaincus que les ménages salariés dont l’assurance vie capitalisée est comprise entre 0 et 50 000 euros ne se sentiront guère concernés par les modifications proposées à cet article.

Seulement voilà, nous sommes dans une période de taux directeurs faibles et les titres de court terme comme de moyen et long termes du Trésor public portent eux aussi un rendement de plus en plus faible.

L’Agence France Trésor propose aujourd’hui des OAT, des obligations assimilables du Trésor, à 0,25 % – certes indexées sur l’inflation – ainsi que des bons du Trésor à 0,45 %. Vous conviendrez qu’il n’y a pas là de quoi assurer vraiment le rendement d’un contrat d’assurance vie.

En revanche, les plus importants détenteurs de contrats, que la Cour des comptes a pu estimer à quelque 1 700 000 ménages, pourraient être intéressés par les mesures prévues à l’article 7. La valeur de leurs contrats s’élève en moyenne à au moins 530 000 euros et le centile le plus riche, nous l’avons dit, dispose de contrats d’une valeur moyenne de deux millions d’euros qui sont directement concernés par le changement de support.

L’affaire pourrait s’avérer attractive, parce que, par principe, le rendement des actions est supérieur à celui des obligations, même si elle doit être quelque peu « bordée ».

Premièrement, son régime fiscal ne sera pas aussi directement favorable que celui de l’assurance vie ordinaire et l’encours des nouveaux contrats pourra être ajouté à l’évaluation du patrimoine imposable au titre de l’ISF. Deuxièmement, cependant, notons que, tout au long de son développement, le contrat dégagera des dividendes et donc des crédits d’impôt successifs. Troisièmement, l’essentiel sera préservé, puisque l’apport de fonds propres ne changera rien à la gestion des entreprises concernées, car il y a fort à parier que ce seront les compagnies d’assurance, et non les souscripteurs, qui seront éventuellement représentées dans les organes dirigeants des entreprises.

On peut toutefois se demander, mes chers collègues, ce qui pousse ainsi un gouvernement de cette sensibilité politique à proposer une mesure dont la pertinence n’est évidemment avérée que pour un nombre assez restreint de personnes. Qui plus est, les niches fiscales qui découlent de l’article 7 n’entretiennent qu’un rapport lointain avec le principe de l’égalité de traitement devant l’impôt !

De notre point de vue, il y a deux manières plus vertueuses pour une entreprise de renforcer ses fonds propres.

La première, c’est de réinvestir la plus grande partie de ses résultats en vue d’autofinancer son développement, autant que faire se peut, avec le produit de son activité. La seconde, c’est d’obtenir des établissements de crédit des conditions plus favorables de financement pour que le recours au crédit bancaire ne soit plus un boulet.

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, nous pensons même que deux mesures pourraient être envisagées en ce sens : d’une part, renforcer l’affectation de l’encours de l’épargne défiscalisée – livret A, livret de développement durable – vers le développement économique et, d’autre part, chercher à transformer une partie de la dépense fiscale destinée aux entreprises en charges de bonification de prêts bancaires.

Nous sommes convaincus que l’effet de levier et l’efficacité de l’allocation de l’argent public s’en trouveraient renforcés.

Pour le reste, que contient ce collectif ? Nombre de mesures de caractère technique sans grands enjeux, qui tendent notamment à favoriser le développement d’une administration électronique dont on pressent qu’elle souffrira très vite de deux travers : engendrer des suppressions de postes budgétaires au sein de l’administration fiscale et ne pas résoudre tout à fait, loin de là, le problème récurrent du bien-fondé de l’impôt, de sa justice et de son efficacité sociale et économique.

Par ailleurs, le projet de loi comporte également une validation de la gestion quotidienne des affaires de l’État par les services de Bercy, et notamment l’annulation de plus de 3,2 milliards d’euros de crédits inscrits, à l’origine, au sein de quatre-vingt-trois programmes budgétaires.

Même si les dépenses d’équipement militaire se trouvent frappées d’une réduction causée par le coût des opérations extérieures, ce sont aussi des crédits civils qui sont amputés à cette fin.

Et les 3,2 milliards d’euros annulés sont à rapprocher des sommes votées par le Parlement lors de la loi de finances initiale. Nous avions voté 299,32 milliards d’euros de crédits – 290,7 milliards d’euros en 2012 –, ce qui signifie que près de 40 % des ouvertures nouvelles de crédits votées par le Parlement ont été purement et simplement supprimées. Et si l’on retire du volume des dépenses publiques les crédits de personnel, le compte des pensions et le service de la dette, le montant des annulations est encore plus net.

Un tel mépris pour les votes de la représentation nationale ne peut être accepté. Ce n’est pas ce type de procédure d’exécution budgétaire qui nous permettra de modifier dans un sens positif notre position sur le projet de loi de finances 2013 ainsi révisé.

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