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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2000

Par / 25 novembre 1999

par Marie-Claude Beaudeau et Paul Loridant

A vous en croire, monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2000 serait le premier dans la voie d’une programmation pluriannuelle des finances publiques qui devrait se caractériser par une baisse des impôts, une dépense publique maîtrisée, un déficit et un taux d’endettement réduits.

Ces trois piliers constituent la clé de voûte de cette programmation et de la modernisation de la gestion publique, affirmez-vous.

Vous venez, dans votre intervention, de le confirmer en tant que ministre, désormais à part entière, de l’économie, des finances et de l’industrie. A ce propos, je me permets de vous adresser toutes mes félicitations pour cette nomination.

(…)

Mme Marie-Claude Beaudeau. C’est donc au ministre que je m’adresse, ministre qui, au nom du Gouvernement, souhaite des orientations budgétaires valables pour toute une période.

Pour juger d’un tel choix, voyons déjà ce qu’a donné le budget de 1999, qui préparait ces nouvelles orientations.

Vous affirmez que plus de 13 milliards de rentrées supplémentaires ont été enregistrées, avec une croissance du PIB de 2,2 % à 2,5 % et une hausse de 1 % des dépenses. Beaucoup d’observateurs estiment que ce supplément de rentrées sera plus important. Pour l’an 2000, vos prévisions ne sont-elles pas minorées ?

Ma première question sera donc simple : à combien estimeriez-vous cet excédent, puisque vous faites un choix de croissance supérieure et que vous optez pour une dépense publique de progression nulle ?

Il devrait donc dépasser 13 milliards de francs si l’on en croit votre prédécesseur qui, lors du débat budgétaire à l’Assemblée nationale, affirmait que la confiance des Français se renforçait, du consommateur au chef d’entreprise, et que la consommation alimentant la croissance était la plus forte des pays européens, provoquant les félicitations du FMI. Comme autres motifs de satisfaction, la France réaliserait la meilleure croissance pour l’an 2000 de tous les pays du G 7, y compris les USA. L’emploi salarié aurait progressé de 3 %, contre 0 % en Allemagne et 1 % en Italie.

Confirmez-vous cette vision optimiste de la situation ? Je vous pose cette question pour mieux appréhender l’utilisation qui pourrait être faite de cet excédent primaire permettant un accroissement de certaines dépenses et répondant aux besoins notamment de l’emploi et des revenus des Français les plus défavorisés.

Mon propos n’est nullement de porter critique sur la confiance que peut avoir un ministre des finances dans son projet de budget. Rassurez-vous. Je n’emprunterai pas les chemins de M. Marini,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle surprise !

Mme Marie-Claude Beaudeau. ... qui vous prédisait l’an dernier tant de malheurs et qui s’est fortement trompé, avec votre contribution, chers collègues de la majorité sénatoriale.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous prévoyiez avec beaucoup de certitude une croissance de l’ordre de 1,5 % à 2 % au plus.

(…)

Mme Marie-Claude Beaudeau. Elle aura été de 2,3 % à 2,5 %.

Avec scepticisme, vous prétendiez que la hausse des prix était sous-estimée. Elle n’a été que de 1 %. Vous notiez que les recettes fiscales ne seraient pas atteintes et que de nouveaux impôts s’imposeraient. Or, les recettes ont été excédentaires.

(…)

Mme Marie-Claude Beaudeau. S’agissant de l’excédent primaire envisagé dans le budget pour 2000 - j’en viens à ma seconde question, qui est complémentaire de la première -, comment entendez-vous l’utiliser ? Vous avez prévu des mesures nouvelles, que je voudrais examiner.

La baisse des impôts se traduira par la suppression progressive de la part des salaires de la taxe professionnelle, la suppression de la contribution de solidarité sur l’impôt sur les sociétés, compensée par une nouvelle contribution sur les bénéfices des sociétés de plus de 5 millions de francs, donc loin d’être équivalente. La baisse n’aura que peu d’influence sur le contribuable moyen ; elle concerne surtout entreprises et sociétés.

En revanche, la baisse de TVA à 5,5 % sur les travaux d’entretien sera intéressante pour les ménages et pour l’emploi. La suppression du droit au bail entraînera une baisse de loyer pour 80 % des locataires. Il s’agit d’une mesure très positive.

La suppression de quarante-neuf petits impôts désuets compliquant la vie des citoyens et rapportant peu à l’Etat constitue plutôt une modernisation. Avec la réduction de l’imposition sur le chiffre d’affaires inférieur à 500 000 francs, cela fait plusieurs mesures apportant quelque amélioration à la vie de certains contribuables.

Nous ne négligeons pas non plus l’augmentation de certains budgets - celui de l’environnement pour 8,6 %, celui de la justice pour 4 %, celui de la culture pour
1 %, mais aussi celui de la sécurité - tout en considérant que l’augmentation de
3,3 % du budget de l’éducation nationale est loin des besoins réels. Cet ensemble de mesures entraînent une augmentation de 0,9 % du budget de l’Etat.

Nous sommes cependant bien obligés de noter que ces mesures ne tiennent nullement compte de certains appels pressants.

Des accords salariaux interviendront dans la fonction publique, à n’en pas douter, et il faudra les honorer.

Des effets budgétaires relatifs à des négociations sur la réduction du temps de travail inévitables interviendront si l’on en juge par les mouvements qui s’engagent dans la fonction publique.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises que le service public est au coeur de notre modèle social, qu’il nourrit la croissance, garantit l’égalité des chances et redonne espoir, mais que l’Etat est au coeur du service public, fondement de la République, enfin, que la réforme devrait être au coeur de l’Etat, avec des usagers plus exigeants, des technologies qui évoluent et des impôts qui diminuent.

" Il faut donc, avez-vous dit, dépenser mieux ".

Nous ne pouvons que souscrire à cette démonstration. Mais je me méfie de l’adverbe " mieux ". La droite aussi l’emploie, en l’associant dans son rêve budgétaire à un autre adverbe : " moins ". Elle dit : " moins et mieux ".

Vous dites, monsieur le ministre, vouloir dépenser mieux. Mais en y associant
" plus ", je suppose !

Car, si vous voulez introduire une modernisation de l’ensemble de notre appareil d’Etat, dans l’immédiat, elle devra se traduire par des créations d’emplois, entraînant d’ailleurs à plus long terme un surcroît de recettes.

Le secteur public a besoin d’une politique de dépenses ambitieuse, productrice de croissance, répondant aux besoins de la population. Je reviendrai tout à l’heure sur cette notion de dépense publique devant être réduite, mais je voudrais sans attendre évoquer deux problèmes à ce propos.

Premièrement, le financement de l’hôpital public se révèle fort insuffisant et injuste pour les hôpitaux, dont la majoration de la dotation a été réduite à la portion congrue, amputée par ailleurs d’un versement à la CNRACL.

Nous vous demandons de revoir votre position à cet égard et de verser un complément à la CNRACL sans le faire transiter par la dotation des hôpitaux.

Deuxièmement, un examen attentif des effets de la réforme de la dotation globale de fonctionnement attribuée aux collectivités territoriales s’impose.

En 1993, prétextant de la dégradation de la situation économique, le gouvernement Balladur nous avait en effet proposé une réforme de la dotation globale de fonctionnement dont la caractéristique essentielle avait été de limiter la progression réelle de cette importante dotation budgétaire.

La dotation a connu ensuite une progression pour le moins erratique, tandis que la mise en oeuvre du pacte de stabilité a conduit à gager une plus forte progression de cette dotation sur la réduction des autres, singulièrement sur celle de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

La mise en oeuvre du pacte de croissance et de solidarité, malgré les correctifs qu’elle a apportés à la situation antérieure et les mesures qui l’ont accompagnée - je pense à la majoration de la dotation d’aménagement et des dotations de solidarité - ne peuvent cependant nous faire oublier l’essentiel : la nécessité d’une nouvelle réforme de la dotation globale de fonctionenment, plus respectueuse du rôle des collectivités locales dans la vie économique et sociale du pays et non simple variable d’ajustement de la situation des comptes publics. De nombreuses collectivités locales éprouvent encore bien des difficultés pour boucler leur budget. C’est le cas de la plus grande ville de mon département, Argenteuil, qui est d’ailleurs la plus grande ville d’Ile-de-France.

La meilleure preuve ne nous en est-elle pas fournie cette année, où la relance de la croissance se traduit, du fait de l’économie générale de la dotation, par une régularisation négative sur les dotations précédemment votées, que les mesures adoptées par l’Assemblée nationale n’ont fait que corriger ?

Permettez-moi de revenir sur ma deuxième question.

Comment envisagez-vous d’utiliser l’excédent budgétaire puisque le chiffrage des mesures nouvelles que vous proposez est très loin d’atteindre les recettes fiscales supplémentaires prévisibles.

Nous attendons votre réponse, car une alternative, et une seule, se présente : ou bien cet excédent participera encore à la réduction des déficits, ou bien le budget prendra en compte un apport, réel et efficace, pour réduire les inégalités, le chômage et favoriser la consommation.

A ce propos, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que, si nous ne sommes pas des partisans d’un déficit galopant et s’enflant, nous ne souhaitons pas non plus voir brandir celui-ci comme un étendard symbolisant une austérité renforcée, payée par la dépense sociale. Le premier élément de l’alternative est l’application directe du pacte de stabilité monétaire européen. Le surplus de recettes devrait être affecté en grande partie à la réduction des déficits, et c’est ce que vous proposez. Mais le mouvement est pervers. En effet, pour endiguer l’effet boule de neige de la dette, on en fait naître une autre, engendrant des restrictions d’activités et de la dépense publique sociale. N’est-ce pas tout le sens des injonctions du président de la Banque centrale européenne, qui s’oppose à tout débat remettant en cause le freinage ou le blocage des dépenses publiques à destination des hommes, que ce soit en matière de formation, d’éducation, d’insertion dans l’emploi, d’aides sociales, de santé ou de logement ?

Confirmez-vous que vous envisagiez de diminuer le déficit en utilisant les recettes fiscales supplémentaires dans le supplément de recettes en 2000 ?

Dans la nouvelle répartition que vous envisagez disparaît l’augmentation des dépenses publiques, devenue nulle, pour ne plus laisser place qu’à une baisse modeste des impôts et à une diminution beaucoup plus importante des déficits.

Nous aimerions nous tromper, monsieur le ministre.

Pour notre part, nous pensons que l’efficacité des dépenses publiques passe par une programmation hardie d’objectifs d’emplois, de promotion et d’insertion. La programmation de leur freinage entraînera, au contraire, la stagnation ou la récession.

Ainsi, la deuxième branche de l’alternative, que nous faisons nôtre, se fonde sur une politique de dépense publique productive de croissance et d’emplois, répondant aux besoins de la population.

Cette politique passe par un engagement des entreprises et non par une diminution de la part des contributions sociales qui leur incombent.

Les aides au patronat atteignent le niveau record de 170 milliards de francs, auxquels il faudra ajouter 110 milliards de francs accordés aux entreprises pour alléger le coût des 35 heures, ce qui représente
12 000 francs par an et par salarié.

La bourse, les stock-options et les profits des entreprises n’ont jamais été aussi florissants. Jamais les plus riches n’ont été si riches.

Le CAC 40 a dépassé les 5 000 points.

Les plus-values des stock-options attribuées au plus haut encadrement des plus grandes sociétés françaises, soit
28 000 personnes, atteignent 45,4 milliards de francs. Les bénéfices des plus grands groupes français ont progressé de façon exceptionnelle : ainsi, ceux de Renault ont augmenté de 63 %, ceux de la BNP de
23 % et ceux de Saint-Gobain de 20 %.

Les bénéfices des trente premières entreprises françaises ont augmenté en moyenne de 30 % et, parmi elles, le secteur bancaire a enregistré 74 milliards de francs de profits en 1998.

Une partie de ces profits doit revenir à la nation et faire l’objet de taxations nouvelles et d’intégration dans un calcul de l’impôt mettant à égalité de prélèvements salaires et profits et permettant aux plus démunis d’accéder à une meilleure répartition des richesses.

Nous déposerons des amendements à ce sujet.

Je ne ferai qu’une seule remarque, mais elle est de taille : si l’on considère le montant des dividendes distribués par les entreprises privées pour l’année 1997, on note qu’il se révèle supérieur en valeur absolue à celui de la masse salariale. Le profit se révèle supérieur aux salaires ! Il peut donc absorber cotisations sociales et augmentations des salaires, rendant possible augmentation du pouvoir d’achat et consommation.

Partant de ces analyses, des propositions nouvelles peuvent être formulées.

Nous proposons de mieux définir un dispositif démocratique et rigoureux de prévention des licenciements, licenciements dont la plupart demeurent fondés sur la seule recherche du profit.

Nous suggérons également une revalorisation des minima sociaux pour faire reculer pauvreté et exclusion et pour permettre une meilleur réinsertion.

Or, l’INSEE vient de le noter, la population défavorisée a tendance à augmenter et ses ressources à diminuer, sans beaucoup d’espoir de réinsertion ; 10 % de la population semble condamnée à stagner dans une quasi-misère. Un certain nombre de salariés payés à un SMIC insuffisant basculent dans cette pauvreté. Un clivage inquiétant apparaît. Dans ces conditions, la prime de départ de 300 millions de francs en stock-options attribuée à M. Jaffré est une réalité scandaleuse comparée à la pauvreté croissante.

Le budget de la France doit tout faire pour réduire cet écart de plus en plus humiliant pour notre société.

Nous pensons également que, malgré l’augmentation des crédits du budget de l’éducation nationale, un nouvel effort serait bien nécessaire pour contribuer au rattrapage des retards persistants et à l’institution de formes nouvelles d’aides, là où ces retards se confirment.

Tout d’abord, la réforme tant attendue de l’impôt sur le revenu doit s’engager. La réduction trop importante du nombre des tranches pénalise les bas revenus tout en ne frappant pas suffisamment les plus hauts revenus.

Le Gouvernement a encore repoussé la révision de la taxe d’habitation, pourtant devenue nécessaire pour en assurer la modernisation et la rendre plus juste. Un nouvel impôt émerge : la contribution sociale généralisée. La fixation d’un seuil n’est-elle pas devenue nécessaire pour les petits revenus : salaires et retraites ?

M. le Premier ministre vient d’annoncer la réforme de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation pour 2001 en des termes que nous ne pouvons qu’approuver. Nous regrettons que ce ne soit pas pour 2000 que le Gouvernement l’ait décidée.

De même, des dispositifs antispéculatifs ne s’imposent-ils pas pour que les revenus du capital soient taxés au même titre que ceux du travail ?

L’avoir fiscal été réduit de 45 % à 40 %. Nous vous proposons de le réduire plus fortement, ce qui pourrait entraîner un gain de plusieurs milliards de francs.

L’impôt de solidarité sur la fortune ne rapportera cette année que 13 milliards de francs. Il ne prend toujours pas en compte les richesses réelles. Cet impôt devrait inclure les biens professionnels. Le rendement pourrait en être doublé et atteindre les 28 milliards nécessaires au paiement du revenu minimum d’insertion, aboutissant à un équilibre de sagesse et de justice. Revenu minimum d’insertion égale impôt de solidarité sur la fortune : quelle belle formule de solidarité ! Je vous propose, mes chers collègues, de l’adopter.

Les impôts indirects conservent toujours un poids élevé. Ils alimentent l’injustice fiscale. Dans l’attente d’une baisse généralisée, ne faudrait-il pas, je vous le redemande avec insistance, monsieur le ministre, ramener à 5,5 % la TVA applicable à certains produits et activités sensibles ? Je pense, en particulier, aux produits alimentaires de consommation courante, à la restauration, aux activités de main-d’oeuvre, ainsi qu’aux réseaux de chaleur, dont les 39 sites de géothermie restant en fonctions, de façon à préserver l’expérimentation de la seule énergie propre, énergie dont nous aurons bien besoin, demain, pour lutter contre l’effet de serre.

Le principe du prélèvement sur le mouvement des capitaux semble acquis par la majorité plurielle. Pourquoi, dès lors, refusez-vous de débattre de la loi Tobin ?

(…)

Mme Marie-Claude Beaudeau. Pourquoi, monsieur le ministre, refusez-vous de débattre de la taxe Tobin et, dans les instances internationales dont nous sommes membres, d’en demander l’application au monde entier pour l’an 2000 ?

Cette taxe, imaginée en 1972 par James Tobin, consiste à taxer de 0,1 % à 0,5 % les transactions de change entre les monnaies pour décourager la circulation financière purement spéculative. Moralement juste, elle peut se révéler efficace dans l’action de résistance au processus fondamental d’appropriation de la plus-value, c’est-à-dire des richesses réelles destinées au capital. Elle pourrait constituer une barrière efficace pour empêcher des sommes gigantesques de circuler et de constituer une véritable dictature des marchés financiers.

Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, si vous prévoyez de la soumettre au Parlement pour une mise en oeuvre réelle, et, si oui, dans quel délai ?

Enfin, notre groupe déposera des amendements ayant pour objectif d’aider l’investissement favorable à l’emploi en freinant la spéculation, de rendre possible plus de justice fiscale et de réduire les inégalités, enfin, de donner des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales.

Nous attendrons la fin du débat pour nous déterminer, car je sais, monsieur le rapporteur général, que vous envisagez de troubler le jeu...

MM. Alain Lambert, président de la commission de finances et Philippe Marini, rapporteur général. Oh ! (Sourires.)

Mme Marie-Claude Beaudeau. ... en affirmant une position différente, même si c’est de façon moins brutale que l’an passé.

Amputer les budgets, même ceux que vous trouviez insuffisants, n’était ni logique ni rentable ; je qualifierais même cette démarche de " politique de gribouille ".

Cette année, vous voulez compléter la notion de réduction par celle de qualité : faire un meilleur budget avec moins de dépenses.

La démonstration, je vous le dis, sera délicate !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est le rôle de l’opposition de s’opposer !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Quant à nous, nos propositions viseront à faire mieux en qualité, mais aussi en engagement de crédits. La dépense est noble, efficace, productrice de richesses si elle est utilisée pour l’emploi, l’investissement, le pouvoir d’achat du plus grand nombre. C’est ce que nous nous efforcerons de démontrer tout au long de ce débat.

M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai d’abord quelques remarques sur l’amélioration de la situation économique et sociale.

Si, depuis 1997, les débats qui entourent l’examen du projet de loi de finances prennent un caractère aussi intéressant et passionné, à droite comme à gauche, c’est tout simplement parce qu’il y a enfin matière à une véritable discussion parlementaire sur le budget de la nation.

Nous sommes sortis de la période de déclin économique et de restrictions budgétaires dans laquelle la politique économique du gouvernement Juppé, par exemple, nous avait plongés.

Le Gouvernement dirigé par Lionel Jospin et soutenu par la gauche plurielle a su prendre les mesures volontaristes et courageuses pour relancer la machine économique et parvenir enfin à inverser durablement la courbe du chômage.

(…)

M. Paul Loridant. J’ai dit : " pas seulement " ! C’est aussi une affaire de volonté politique.

Les mesures de relance de la consommation, la création des emplois-jeunes et la réduction du temps de travail ont permis à la France de connaître, depuis 1997, une croissance plus forte que la moyenne de la zone euro, deux fois plus élevée qu’en Allemagne ou en Italie.

Cette croissance a contribué à une amélioration sensible des ressources budgétaires de l’Etat et, surtout, à une baisse significative du nombre de chômeurs. Depuis 1997, près de 530 000 emplois ont été créés. A l’évidence, cela démontre le rôle central que peut jouer l’Etat s’il est décidé à assumer pleinement ses missions et à ne pas abandonner ses prérogatives aux seules règles du marché.

Venons-en aux mesures du projet de loi de finances pour 2000, qui, selon nous, vont dans la bonne direction.

Le projet de budget pour 2000 comporte des dispositions positives qui, par un allégement de la pression fiscale sur les ménages et une plus grande justice sociale, contribueront à enrichir la croissance en emplois.

Le logement, secteur essentiel aussi bien par sa dimension sociale que par son poids dans l’économie, bénéficie d’une attention particulière.

Nous nous réjouissons de la baisse de la TVA applicable aux travaux d’entretien des logements d’habitation, même si je note qu’elle est en partie compensée par la suppression d’avantages au titre de l’impôt sur le revenu, ce qui n’est pas sans poser des problèmes, compte tenu de nos critiques à l’égard de la TVA, dont le taux normal nous paraît trop élevé.

Nous apprécions la suppression du droit de bail pour les locataires et la baisse des droits de mutation sur l’immobilier d’habitation, qui se traduira par un allégement de près de
4,6 milliards de francs pour les ménages.

Néanmoins, excepté une baisse de la TVA sur certains services à la personne, ces mesures constituent les seuls actes forts du Gouvernement en matière d’allégement de la fiscalité indirecte, et je le regrette.

Nous attendons, monsieur le ministre, des mesures de réduction du taux normal de la TVA, car cette taxe, en frappant indistinctement les ménages, accroît les inégalités sociales.

Le second motif de satisfaction dans ce projet de loi de finances réside dans l’effort budgétaire en faveur des secteurs prioritaires que sont, selon nous, l’éducation nationale, l’emploi et la solidarité, la justice ainsi que la sécurité, domaine dans lequel nous nous devons de poursuivre nos efforts dans la direction prise depuis le colloque de Villepinte.

En revanche, je considère que le budget de la recherche, qui connaît une légère contraction de ses crédits, n’est pas à la hauteur des ambitions de notre pays et de la place que celui-ci tient aujourd’hui dans le domaine de la science.

Certes, le budget de la recherche ne recouvre pas l’ensemble de la politique menée par l’Etat en la matière. Toutefois, l’évolution des crédits affectés au Centre national d’études spatiales et, surtout, l’abandon du projet de construction en France du nouveau synchrotron dénommé " Soleil " me conduisent à émettre de sérieuses critiques et à réserver mon vote sur ce budget.

Mme Hélène Luc. Effectivement !

(…)

M. Paul Loridant. Le projet de loi de finances pour 2000, s’il contient des mesures positives, souffre, selon nous, d’un manque d’audace dont l’origine réside principalement dans le carcan budgétaire que nous imposent le pacte de stabilité budgétaire et les orientations trop souvent restrictives de la Banque centrale européenne.

Je note au passage l’augmentation significative de la contribution de la France au budget de l’Union européenne, alors que cette dernière nous fixe un cadre budgétaire très strict. Il y a là une contradiction que certains n’acceptent pas.

Sur cette question européenne, force est de reconnaître les retards, pour ne pas dire les échecs, pour faire émerger une véritable Europe sociale. Les propositions intéressantes et souvent courageuses de
M. Lionel Jospin, en vue de donner un contenu social à la construction européenne, ont été poliment rejetées par nos partenaires européens, notamment l’Allemagne et la Grande-Bretagne, dont les options libérales suscitent le trouble et le désarroi dans leurs pays respectifs.

Revenons plus spécifiquement au projet de loi de finances pour 2000.

La politique budgétaire doit être conçue comme le fer de lance de la politique générale du Gouvernement. Cette conception devrait nous conduire à mettre en oeuvre des mesures de dépenses socialement et économiquement utiles qui seraient de nature à apporter un mieux-être à nos concitoyens, à soutenir la consommation et à conforter la croissance, ce qui, finalement, est le meilleur moyen de lutter contre les déficits publics.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposeront et défendront une série d’amendements dans ce sens.

Enfin, je dirai quelques mots des collectivités locales.

Dans le domaine de la fiscalité locale, on ne peut se satisfaire du statu quo prévu dans le projet de loi de finances pour 2000. Je pense notamment au report de l’actualisation des bases de la taxe d’habitation et du foncier bâti, et à la nécessité, selon nous, de prendre en compte les revenus des ménages dans le calcul de l’impôt local.

De même, nous souhaitons que les collectivités locales, qui, par la masse de leurs investissements, jouent un rôle majeur dans l’activité économique, en retirent un peu plus les fruits. L’indexation partielle des enveloppes normées par rapport à la croissance économique devrait, selon nous, être revue à la hausse.

Nous n’ignorons pas la rigueur qui entoure la préparation et la discussion de la loi de finances. Aussi, pour toutes ces dépenses supplémentaires nous vous ferons des propositions pour trouver des ressources budgétaires et favoriser la justice fiscale, notamment en élargissant l’assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers, qui affichent une insolente santé, monsieur le rapporteur général. Il est temps, en effet, qu’ils participent un peu plus à l’effort de solidarité national.

(…)

M. Paul Loridant. Le groupe ATTAC, qui s’est récemment constitué au Sénat, vous proposera, dans le même ordre d’idées, un amendement pour lutter contre les effets déstabilisateurs de la spéculation monétaire et financer les actions en matière de solidarité et de coopération.

En conclusion, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen soutient le présent projet de budget, car il marque un certain effort de justice sociale, une priorité aux questions essentielles que sont, pour nous, l’emploi, la solidarité, la jeunesse et l’éducation. C’est sur ces points que nous serons jugés par nos concitoyens. Aussi serons-nous attentifs au respect des engagements pris. Nous comptons sur vos efforts pour améliorer l’architecture du projet de loi de finances pour 2000 et pour répondre aux exigences du troisième millénaire.

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