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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : enseignement scolaire

Par / 3 décembre 2008

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de l’enseignement scolaire.

Derrière les chiffres couchés sur les 360 pages de ce budget, se joue une partie de l’avenir de milliers d’écoliers, de collégiens et de lycéens. Or il ressort de leur lecture - je devrais dire de leur « décryptage » - une bien étrange impression : celle d’un terrible décalage entre ce que vous annoncez, monsieur le ministre, en préambule de ce budget et la réalité des chiffres qui le composent.

Ce budget donne l’impression d’une insincérité - le mot n’est pas trop fort - qu’il est impossible de taire tant les mesures que vous multipliez depuis deux ans visent à déconstruire notre système public de l’éducation.

M. Xavier Darcos, ministre. Il ne faut pas exagérer !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est ce qu’a bien compris la communauté éducative, qui s’est mobilisée en force le 20 novembre dernier.

M. Xavier Darcos, ministre. Comme tous les ans !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous nous parlez de « nouveaux services » à destination des élèves et de leurs familles. Comment expliquer alors que l’action intitulée « Accueil et service aux élèves », dans le programme « Vie de l’élève », où l’on devrait justement retrouver cet effort de l’État, ne représente plus que 0,7 % de ce programme contre 20,3 % l’année dernière ?

Dans le secondaire, petit à petit, vous videz les établissements de tous les adultes qui contribuent à la vie scolaire des élèves : surveillants, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation-psychologue, et je ne parle pas des infirmières, dont le recrutement pose problème !

Bientôt, ce sera aux enseignants d’assumer toutes ces tâches. Comment tiendrez-vous, dans ces conditions, les objectifs que vous annoncez dans la présentation de ce programme ?

Je veux dire un mot sur l’accueil des élèves handicapés. Vous prétendez accroître leur accueil. Mais, en comparant les chiffres de cette année avec ceux de l’année dernière dans le premier degré, l’école a, en réalité, accueilli moins d’élèves handicapés, soit 1 401 élèves handicapés de moins.

Vous nous parlez d’enseignants « mieux payés » et « mieux formés ».

Les enseignants sont-ils mieux payés ? Les suppressions de postes n’ont pas permis aux enseignants de gagner plus. Elles ont compensé pour partie le coût du vieillissement des corps, qui, à lui seul, explique que vous nous présentiez un budget en hausse.

Les enseignants sont mieux payés à condition, donc, qu’ils acceptent d’allonger leur temps de travail en faisant des heures supplémentaires. Vous consacrez de nouveau d’importants moyens aux heures supplémentaires - près de 1 milliard d’euros - sans justifier de l’efficacité de ce choix : votre budget ne comporte aucune indication sur leur consommation ni sur leur utilisation. Comment, dès lors, mesurer et garantir la performance de cette politique, qui vise à institutionnaliser les heures supplémentaires comme seul mode de gestion ?

Les enseignants sont-ils mieux formés ? Les crédits et les moyens de formation sont en baisse. En deux ans, dans le premier degré, 3 670 postes de stagiaires seront supprimés.

Avec la disparition programmée des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, et la « mastérisation », on peut légitimement s’interroger sur les moyens qui seront consacrés à la formation des enseignants, notamment à leur formation initiale, et ce d’autant que ce budget, monsieur le ministre, indique clairement vouloir renforcer la forte contribution qu’y apporte le milieu scolaire. En clair, les enseignants se formeront directement sur le terrain devant les élèves.

Je m’interroge également sur la question des effectifs. Cette année, sont prévues 11 200 suppressions de postes et 13500 en 2009, qui s’ajoutent aux 35 000 postes détruits depuis 2003.

Dans le second degré, vous justifiez une partie de ces 13 500 suppressions de postes par la poursuite de la baisse du nombre d’élèves en 2008. Cette baisse est pourtant ralentie dans les collèges. Ils accueilleront 8 000 élèves de plus en 2009. Il suffit de se reporter à l’évolution des effectifs en primaire - en hausse continue depuis 2004 - pour prévoir que ceux du second degré repartiront irrémédiablement à la hausse.

Dans quelles conditions seront accueillis ces futurs collégiens et lycéens alors que vous continuez à supprimer en masse les postes d’enseignants stagiaires - plus de 3 000 postes ont été supprimés en deux ans dans le secondaire - et que vous ne remplacez pas les départs en retraite ? Comment, dès lors, garantir que le taux d’encadrement des élèves ne sera pas remis en cause ?

Dans le primaire, pour la première fois, une hausse des effectifs se traduit par une baisse des postes. En 2009, 14 000 enfants de plus sont attendus dans les écoles par rapport à 2008, et le solde des emplois affiche 5 500 postes de moins.

Parallèlement, votre schéma d’emplois mentionne la création, « à caractère provisionnel », de 500 postes de personnels administratifs pour accompagner la création des futurs établissements publics du premier degré. Mais la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale n’a même pas été votée !

À l’inverse, vous justifiez la suppression de 500 postes administratifs par les économies induites par le déploiement du logiciel de gestion Chorus. Or, selon Bercy, le déploiement de ce logiciel pour votre ministère n’est pas à l’ordre du jour en 2009 !

Avec cette logique, on comprend mieux votre décision de « sédentariser » 3 000 postes de réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED : 3 000 postes, c’est justement le nombre d’enseignants partant à la retraite qui ne seront pas remplacés en 2009. Quel tour de magie !

Sinon comment expliquer cette décision ? S’explique-t-elle par le manque de performance des RASED ? Encore aurait-il fallu les évaluer. Or leur action n’a pas été évaluée nationalement depuis 1996.

S’explique-t-elle par la mise en place des deux heures d’aide personnalisée ? L’aide personnalisée et l’aide spécialisée sont deux choses bien distinctes. Surestimer les possibilités de la première et dénigrer la seconde, c’est nier le besoin d’une réponse spécifique pour les élèves confrontés à une difficulté durable et globale.

Tous les enseignants, mais aussi les parents d’élève qui ont bénéficié du soutien des RASED le savent, d’où leur forte mobilisation. J’y reviendrai lors des questions.

Quant à la mise en place de cette aide personnalisée rendue possible par la suppression de l’école le samedi, il faudra évaluer son efficacité et ses conséquences sur l’organisation du temps scolaire, notamment parce qu’elle revient à allonger les journées de classe et à les concentrer sur quatre jours.

Il est vrai que vous n’avez rien imposé en la matière. Cependant, la rapidité de la mise en œuvre de cette mesure a pris de cours les équipes pédagogiques comme les collectivités territoriales. J’insiste, cette année encore, sur la question de l’évaluation tant revendiquée, mais si discrète dans les faits.

Pour le primaire, vous avez créé deux nouveaux outils d’évaluation en CE1 et CM2. Connaîtront-ils le même sort que les indicateurs de performances censés évaluer en fin de troisième la maîtrise du socle commun institué par la loi Fillon ?

Cette année encore, ces indicateurs ne sont quasiment pas renseignés. Les résultats de ces évaluations nationales du primaire seront-ils rendus publics et comment le seront-ils ?

Tout cela demande à être clarifié, car je m’interroge sur l’interprétation de ces informations dans un contexte de suppression de la carte scolaire, et ce d’autant qu’une étude, non publiée par votre ministère, réalisée en 2007 par deux inspecteurs de l’éducation nationale sur les premiers assouplissements de la carte scolaire pointe du doigt le risque accru de « ghettoïsation » de certains établissements.

La même méthode est appliquée pour la maternelle et la scolarisation des enfants de deux ans. L’école maternelle est un lieu d’apprentissage, un lieu où les enseignants apprennent aux enfants à apprendre, un lieu déterminant pour effectuer le repérage des premières difficultés. L’école maternelle est donc utile, et elle a besoin de moyens en personnels ainsi qu’en formation.

C’est pourquoi je vous demande de nouveau de rendre l’école maternelle obligatoire dès trois ans et de ne pas fermer la porte de l’école aux enfants de deux ans.

Décidément, monsieur le ministre, chaque budget qui passe démontre combien l’affirmation de qualité fondée sur le dogme de la réduction des moyens est inconciliable avec le maintien d’un véritable service public de l’éducation, laïque et gratuit. Oui, le système éducatif a besoin de réformes, mais ces réformes ont besoin de se fonder sur une réelle concertation. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

La communauté éducative se mobilise depuis deux ans, non pas pour défendre le statu quo, ni pour refuser le principe d’une réforme, ni encore parce qu’elle serait guidée par une « culture de la grève ».

Vous réduisez de fait cette forme d’expression démocratique qu’est la grève à l’expression étroite d’intérêts particuliers, ce qui revient à disqualifier la parole que portent ces enseignants, ces personnels de l’éducation, de la recherche, ces parents d’élèves, ces lycéens.

Des réformes similaires, pareillement guidées par la feuille de route fixée en 2000 par la stratégie dite de Lisbonne, rencontrent aussi une vive protestation en Italie, où les universités sont occupées par les étudiants.

J’évoquerai brièvement le service minimum.

La pratique a démontré l’impossibilité pour de très nombreuses communes de le mettre en place, faute de personnels. Aujourd’hui, des communes se retrouvent assignées en référé devant les tribunaux administratifs.

Monsieur le ministre, la communauté éducative n’a pas besoin que vous lanciez des appels pour la surveiller. Elle a besoin d’être écoutée, entendue et associée dans sa volonté de faire progresser notre système éducatif, d’assurer la réussite de tous les élèves, en refusant la fatalité de l’échec et la reproduction des inégalités.

C’est pourquoi, loin de nous en tenir à la seule question des postes, nous proposons un ensemble de dispositions et de démarches pour répondre aux exigences actuelles, au premier rang desquelles figure la lutte contre les inégalités. Je pense, notamment, à la création immédiate d’observatoires des scolarités et d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires.

Cela suppose bien sûr de développer la recherche en éducation et de mener une rénovation du recrutement et de la formation professionnelle des personnels.

Pour l’ensemble des raisons que je viens de citer, mon groupe émettra un vote négatif sur les crédits de cette mission.

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