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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : outre-mer

Par / 2 décembre 2008

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la Réunion est l’un des départements qui connaissent la plus forte croissance démographique. Dans une vingtaine d’années, la population de l’île atteindra 1 million d’habitants. La Réunion est donc au carrefour des chemins.

Si rien ne change, tous les problèmes qu’elle connaît s’aggraveront. Je veux parler du taux de chômage, qui repart à la hausse pour atteindre de nouveau 30 %, des 65 000 RMIstes, des 30 000 demandeurs de logements sociaux, des 120 000 illettrés, des 300 000 personnes relevant de la CMU, la couverture maladie universelle, et, plus généralement, des 52 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Ou alors, on s’oriente vers des solutions innovantes, en rupture avec celles qui ont prévalu jusqu’à présent et qui ont inspiré tous les plans gouvernementaux, avec les résultats que l’on connaît.

C’est dans cet esprit que la majorité du conseil régional de la Réunion a élaboré un plan régional de développement durable - PR2D -, en concertation avec les partenaires sociaux et les autres collectivités locales.

Ce plan prévoit des solutions aux problèmes auxquels la Réunion est confrontée- chômage, déplacements, logement, protection de l’environnement et de la biodiversité - tout en tenant compte des grands défis mondiaux que sont le changement climatique, la crise énergétique, la mondialisation des échanges et l’évolution rapide de la technologie.

C’est ainsi qu’un programme de grands travaux a été élaboré pour une période allant jusqu’en 2014. Il porte sur plus de 3 milliards d’euros et permettra, notamment, de réaliser la route des Tamarins, le tram-train, ainsi qu’un nouveau tracé pour la route du littoral. Ce programme a fait l’objet d’un accord de principe et de financement en 2007 à Matignon. Ces grands travaux maintiendront en activité des milliers de travailleurs dans le bâtiment. De plus, ils régleront de manière durable le problème des déplacements à la Réunion, tout en respectant l’environnement grâce au tram-train.

Le plan régional de développement durable vise aussi l’autonomie énergétique du département à l’horizon 2025. La poursuite de cet objectif, en plus d’offrir une solution énergétique non polluante et renouvelable en remplacement des énergies fossiles, constitue aussi un gisement d’emplois très important. De ce point de vue, sous l’impulsion de la région, la Réunion se distingue par ses initiatives et ses réalisations.

Toutefois, la fin du chantier de la route des Tamarins, qui génère plus de 3 000 emplois directs et indirects, et l’attente du début des autres grands chantiers font craindre une période de forte récession. De plus, l’arrêt ou le report de certains travaux ainsi que les interrogations sur l’efficacité du nouveau dispositif de défiscalisation, qui remplacera le système en vigueur, nourrissent les plus vives inquiétudes.

Des milliers de travailleurs craignent pour leurs emplois pendant que des dizaines d’entreprises s’inquiètent pour leur survie. Selon certaines prévisions, on parlerait même du licenciement de quelque 3 000 à 4 500 ouvriers dès janvier prochain, lors de la reprise du travail dans le bâtiment, si ce n’est pas 9 000, comme le craignent certains.

Pour toutes ces raisons, au mois d’octobre dernier, des centaines de patrons ont, pour la première fois à la Réunion, manifesté devant la préfecture pour exprimer au représentant de l’État leur désarroi. Depuis, les articles réformant la défiscalisation ont été adoptés. Ce vote n’a pas pleinement rassuré les chefs d’entreprise, qui attendent du débat et de l’adoption de la future loi pour le développement économique de l’outre-mer davantage de garanties.

Pour tenter de maintenir le secteur du BTP à un niveau d’activité plus acceptable, le conseil régional, le conseil général, l’Association des maires et les représentants de la Réunion économique se sont réunis en « comité de suivi » afin d’inventorier les travaux en étude pour faire sortir des projets, définir les priorités et accompagner autant que possible leur réalisation. Des engagements ont été pris par l’ensemble des partenaires, ce qui devrait éviter une diminution trop importante de l’activité dans ce secteur. Le préfet de la Réunion a pris une initiative identique en y associant les banquiers.

Il reste un domaine qui n’est pas moins pourvoyeur d’emplois, celui du logement. De ce point de vue, l’engagement de l’État, compétent en la matière, constitue un élément décisif. J’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure.

La crise financière et économique actuelle est venue exacerber tous ces problèmes. Il est primordial de maintenir le cap sur les objectifs du PR2D, lesquels tendent également au développement du secteur de la recherche et de l’innovation dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la pêche et la forêt, la santé ou encore les télécommunications.

Cependant, cette crise fait ressortir plus que jamais l’impérieuse nécessité d’apporter une réponse à ceux qui sont le plus dans l’attente, c’est-à-dire les chômeurs et les demandeurs de logements sociaux.

Pour les premiers, l’entrée en vigueur du RSA doit être une opportunité à saisir de toute urgence. Nous pensons qu’il est possible à cette occasion de satisfaire les besoins de la Réunion dans des domaines très précis et de créer des dizaines de milliers d’emplois. Ces domaines concernent principalement l’environnement et les services à la personne.

S’agissant, tout d’abord, de l’environnement, la Réunion dispose encore d’une biodiversité riche et unique au monde. L’Union européenne a déjà souligné la contribution très importante de cette île au patrimoine mondial de la biodiversité et l’urgence de mener des actions de masse pour préserver la richesse de ce patrimoine, gravement menacé.

Sa sauvegarde et sa mise en valeur nécessitent la création de milliers d’emplois, notamment dans le parc national de la Réunion, qui recouvre une bonne partie du territoire de l’île, et dans le parc marin. Il en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets. C’est tout cela que j’englobe dans ce que j’appelle le secteur de l’environnement. On pourrait y ajouter d’autres activités, mais je ne prétends pas être exhaustive. Nous proposons de créer dans ce domaine un véritable service public qui mobiliserait des milliers de jeunes susceptibles d’entrer dans le champ d’application du RSA.

S’agissant, ensuite, de l’aide à la personne, un autre service public pourrait également être créé. À la Réunion, les offres d’accueil et d’encadrement pour les personnes âgées, les personnes handicapées et la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes. Il est indispensable de donner à cette population fragile les moyens nécessaires pour vivre décemment, si l’on veut assurer la cohésion sociale. Dans ce secteur aussi, les besoins en emplois se chiffrent par milliers, et seule la création d’un service public permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.

La création de ces deux grands services publics, qui pourraient générer de manière pérenne plusieurs dizaines de milliers d’emplois, suppose des actions de formation adéquates, une gestion transparente et paritaire de ces services afin d’éviter ce que le préfet de la Réunion a appelé « les emplois-magouilles ».

C’est cela, la rupture avec les pratiques jusqu’ici en vigueur.

Une telle démarche nécessite également une mobilisation de tous les outils financiers existants : ceux du RMI, des emplois aidés, des emplois verts, des crédits supplémentaires prévus pour le RSA, et je ne les cite pas tous.

À ces crédits peuvent s’ajouter, pour le service public d’aide à la personne, des contributions de la caisse d’allocations familiales, de la caisse de sécurité sociale et, éventuellement, des bénéficiaires de ce service, en fonction de leur capacité financière.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création de ces deux grands services publics est une expérience qui mérite d’être menée à la Réunion, en vertu du droit constitutionnel à l’expérimentation. Elle répond à des besoins urgents de notre population et elle peut atteindre l’objectif que se fixe le Gouvernement, à savoir une perspective d’insertion avec un revenu décent pour le plus grand nombre.

Je pense que l’on peut trouver les moyens pour la réaliser, sans qu’il soit nécessaire de demander un effort financier exorbitant à l’État, même si ce dernier doit être raisonnablement sollicité puisqu’il s’agirait surtout d’un redéploiement de fonds déjà existants.

L’état d’urgence dans lequel se trouve l’emploi à la Réunion ne nous permet pas d’attendre 2011, comme le prévoit l’article 15 de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Mettons en œuvre, dès maintenant, cette action expérimentale de création de ces deux services publics. Accepteriez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que nous introduisions cette demande lors de la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ? Il n’y a pas d’autres solutions si l’on veut limiter les dégâts de la crise actuelle et éviter la catastrophe !

En ce qui concerne le logement social, vos crédits, madame la ministre, ne permettront manifestement pas de faire face aux besoins des Réunionnais.

En 2009, la ligne budgétaire unique, ou LBU, comportera 258 millions d’euros en autorisations d’engagement et 209 millions d’euros en crédits de paiement. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de 2008, mais inférieurs au montant moyen des crédits affectés durant la période 2005-2007, qui s’élevait à 270 millions d’euros.

Le problème réside dans les difficultés qu’éprouvent les promoteurs sociaux à utiliser ces crédits. L’augmentation des coûts de production et les nouvelles exigences réglementaires font qu’il existe un écart de l’ordre de 30 % entre les coûts réels de production et les paramètres financiers de la LBU.

Le résultat le plus tangible de cette situation, c’est qu’avec un même budget l’on finance de moins en moins de logements. À la fin des années quatre-vingt-dix, on pouvait espérer construire 4 500 à 5 000 logements sociaux par an à la Réunion. La moyenne se situe aujourd’hui à 2 800 logements par an, logements locatifs sociaux et très sociaux compris.

Nous savons que vous êtes en train de préparer de nouveaux textes pour réévaluer ces paramètres financiers. Selon les informations en notre possession, il semble que vos propositions apportent, certes, des améliorations, mais qu’elles ne répondent pas suffisamment aux attentes de la profession.

Enfin, et ce sera le dernier élément sur ce chapitre, l’État a signé avec les vingt-quatre communes réunionnaises des contrats d’objectifs fonciers qui fixent des perspectives de construction de logements sociaux. Le projet de budget pour 2009 est présenté selon de nouvelles modalités, dans le cadre d’une programmation triennale couvrant la période 2009-2011. Nous ne voyons pas, dans les chiffres annoncés, les moyens susceptibles d’atteindre les objectifs fixés dans ces contrats.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’une manière générale, ces crédits nous étant soumis avant le projet de loi LODEOM, il s’agit, en quelque sorte, d’un budget sous embargo puisque la plupart des dispositions qu’il doit financer- les fonds exceptionnels d’investissements, les aides aux intrants et aux extrants, la continuité territoriale, le nouveau système d’exonérations de charges, le nouveau dispositif de défiscalisation, pour ne citer que ceux-là. - ne seront applicables qu’une fois la loi adoptée. Autrement dit, elles entreront en vigueur avec trois, voire six mois de retard !

Au début de l’année prochaine, l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer nous donnera l’occasion de débattre plus profondément de la politique que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour nos départements et collectivités.

La discussion du projet de loi de finances pour 2009ne donne, au mieux, qu’un avant-goût de ce futur débat, auquel nous y ajouterons, notamment, les préoccupations de nos producteurs vis-à-vis de l’entrée en vigueur, l’année prochaine, des accords de partenariat économique, les APE, et celles de nos agriculteurs à propos de la fin des accords sucriers européens, en 2014.

Nous souhaitons connaître les initiatives que compte prendre le Gouvernement pour faire face à ces nouvelles menaces.

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