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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances rectificative pour 2010

Par / 6 mai 2010

Compte rendu du débat autour de la motion déposée par Michel Billout au nom de son groupe

M. le président. Je suis saisi, par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils, M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n° 18.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de Finances rectificative pour 2010 (n° 424, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.

M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par une citation : « Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes et organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres […]. »

Vous l’aurez sans doute reconnu, c’est en ces termes que l’article 123 du traité de l’Union européenne, dont la validité est pleinement liée à la clôture de la phase de ratification du fameux traité de Lisbonne, définit une partie des contraintes de fonctionnement de la Banque centrale européenne vis-à-vis des États membres.

C’est que la BCE, vigilante gardienne de la stabilité des prix, n’a pas vocation, pour l’heure, à venir au secours de l’un des pays membres de l’Union qui se trouverait confronté à certaines difficultés.

Manifestement, avec le texte qui nous est proposé, la belle architecture de la construction européenne est quelque peu remise en cause.

Car, comme l’a indiqué mon collègue Bernard Vera lors de la discussion générale, et contrairement aux allégations et aux affirmations faites par d’autres dans le courant de cette discussion, la situation de la Grèce démontre par l’exemple que nous sommes arrivés au bout de la logique de la construction ultralibérale de l’Union européenne.

Examinons quelques points de bilan.

L’euro est devenu la monnaie de seize des pays de l’Union, ceux-ci ayant, à un certain moment, réussi à tenir les critères de convergence prévus par le traité.

L’euro, cet instrument monétaire unique, n’a pourtant jamais réussi à devenir l’instrument monétaire commun des seize pays participants. Il est au contraire devenu l’instrument de la hausse des prix et de la dégradation du pouvoir d’achat des ménages dans bien des pays. Il n’a aucunement réussi à se positionner comme monnaie de référence dans les échanges internationaux. Il est devenu le corollaire de la remise en cause des acquis sociaux et des garanties collectives accordées aux travailleurs en matière de santé, de retraite, de conditions de travail et d’emploi.

Comment pourriez-vous d’ailleurs dire le contraire, madame la ministre, monsieur le ministre, alors qu’il est clair que la cure d’austérité imposée au peuple grec, déjà victime des bas salaires et de l’aggravation du chômage, constitue une version « procédure accélérée » des reculs sociaux que vous rêvez d’imposer depuis des années aux Français, qu’il s’agisse des retraites, du statut des agents publics ou des salaires !

L’euro est le passage obligé des politiques de dumping fiscal et social et de réduction des dépenses publiques qui sont menées dans tous les pays de l’Union économique et monétaire.

Le tout avec de brillants résultats !

En effet, à cette heure, treize des seize pays de l’Union sont concernés par une procédure de déficit public excessif, procédure qui risque, pour certains, de durer encore quelque temps, tout simplement parce que le caractère récessif des choix budgétaires imposés ne permettra pas de résoudre durablement les difficultés.

Seuls Chypre – et ce, malgré la meurtrissure de la partition de l’île –, la Finlande et le Luxembourg – ce paradis fiscal parasitant l’Europe – échappent pour l’heure à ces procédures de déficit excessif.

Tous les autres pays sont en difficulté à cause du mode actuel de construction européenne, et certains d’entre eux, par un « effet domino » redoutable, pourraient très vite se trouver confrontés aux mêmes difficultés que la Grèce.

Notons d’ailleurs à cet égard que, si la France constitue toujours une bonne signature en matière de dette publique grâce au fameux « triple A » des agences de notation – agences de notation qui, jadis, surcotaient les subprimes –, les niveaux de la dette et du déficit public français ne sont guère meilleurs que ceux du Portugal ou de l’Espagne, lesquels pays constituent depuis quelques jours les cibles de la spéculation financière forcenée menée sur les marchés obligataires.

Je souhaiterais pouvoir partager l’optimisme de Mme la ministre à ce sujet,…

M. Robert del Picchia. Ce n’est pas interdit !

M. Michel Billout. … mais nous verrons ce que l’avenir nous réserve.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

La crise obligataire que nous observons trouve son origine dans la forte récession économique qu’ont connue les pays développés à compter du premier semestre 2008 après l’explosion de la bulle des subprimes.

Comme à l’époque, c’est donc un segment de marché extrêmement réduit qui est la cause d’une crise systémique dont les conséquences risquent fort d’être spectaculaires.

Le gonflement de cette dette obligataire est le résultat de plusieurs phénomènes.

Il est d’abord lié à l’accumulation des déficits publics constatés dans les différents pays de l’Union, dans le droit fil des politiques de concurrence fiscale et sociale largement mises en œuvre et qui ont nourri à la fois un fort chômage structurel et la persistance des inégalités sociales et régionales dans l’ensemble des pays de l’Union. L’Italie a son Mezzogiorno, la Belgique son Hainaut, la France ses zones prioritaires d’aménagement du territoire, les ZOPAT, et la Grèce a la Thrace, la Macédoine orientale et l’Épire.

Cet élargissement de la dette obligataire a été ensuite aggravé par la nécessité de répondre aux enjeux de la crise financière et donc par le soutien apporté aux banques fragilisées par la crise hypothécaire américaine et la crise de confiance des transactions interbancaires.

Contraints d’émettre des sommes colossales pour restaurer la fluidité des marchés, les États se sont lourdement endettés, sans revenir aussi vite que possible à la situation initiale.

Et la Grèce n’a pas été en reste de ce point de vue…

L’État grec a en effet mis à disposition de ses banques, dont la plupart sont sous contrôle étranger, 30 milliards d’euros, soit l’équivalent du dixième de la production nationale, et donc plus que le « défaut de paiement » dont on a fait grand cas pour tout expliquer et tout justifier.

Enfin, facteur aggravant, la dette obligataire des États s’est également accrue du fait des conséquences de la crise financière sur l’activité économique, la réalité de la récession conduisant à des baisses de recettes fiscales et à la hausse des dépenses d’accompagnement de la crise.

Un pays comme la Grèce, où le niveau des prélèvements obligatoires est plutôt faible – 32 % du PIB avant le plan d’austérité –, où les amortisseurs sociaux sont fragiles et où le recouvrement des impôts est parfois un exercice délicat, ne pouvait, dans ce contexte, que se trouver dans les plus grandes difficultés.

Cette situation, il est vrai, s’est doublée, dans ce cas précis, d’une vaste opération de maquillage et de trucage de la situation économique réelle du pays, encouragée notamment par la banque Goldman Sachs, laquelle est connue depuis 2004 par les services européens – notamment Eurostat – et n’a jamais préoccupé M. Barroso outre mesure !

Là encore, d’une certaine manière, on a laissé un pays s’enfoncer dans les difficultés.

S’il fallait une preuve de l’aggravation des choses, elle serait à trouver dans l’analyse des indices les plus récents concernant ce qui demeure tout de même la vingt-huitième puissance économique du monde, devant l’Argentine, l’Iran ou l’Afrique du Sud.

La Grèce comptait à la fin de 2009 plus de 500 000 chômeurs, avec un taux de chômage qui dépasse les 20 % chez les jeunes et qui est encore plus marqué dans les îles de la mer Égée et les régions les plus pauvres comme la Thrace et la Macédoine.

Si l’Europe avait eu un sens et était fondée sur la coopération entre les peuples et entre les États, nous aurions aidé la Grèce à disposer d’un appareil statistique fiable et nous serions intervenus pour donner à son administration fiscale les moyens et les outils d’une action plus efficace contre la fraude.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais peut-être ne le voulaient-ils pas !

M. Michel Billout. Ainsi, dans le débat mené au Parlement grec sur le plan d’austérité qui accompagne le pseudo-plan de soutien européen, Alexandra Papariga, députée d’Athènes et secrétaire générale du Parti communiste grec, a eu l’occasion de souligner que 6 278 contribuables fortunés étaient, fin 2007, redevables de plus de 15 milliards d’euros de dettes fiscales envers l’État grec, c’est-à-dire plus ou moins 2,4 millions d’euros en moyenne par contribuable !

Que fait-on sur cette question ? Qu’exige-t-on ? Rien. Peut-être ne le voulons-nous pas non plus.

C’est donc un pays fragile, bien que non dépourvu d’atouts, qui est devenu la victime de la spéculation financière sans que les instances européennes réagissent de manière adaptée.

Quelle est, dès lors, la leçon essentielle de la crise ?

Il est temps que la politique reprenne le pas sur les marchés financiers et que la mise en œuvre des objectifs de l’Union passe par d’autres méthodes que celle consistant à laisser les États membres coincés entre les critères de convergence et les exigences des marchés financiers.

Nous avons indiqué que la Banque centrale européenne se fixait comme objectif la fameuse stabilité des prix.

La Federal Reserve Bank, son pendant aux États-Unis – pays libéral s’il en est – présente un visage tout à fait différent. Elle veille, en effet, à « maintenir la croissance à long terme, compatible avec le potentiel d’augmentation de la production à long terme de l’économie, de manière à promouvoir effectivement les objectifs de niveau d’emploi maximum, de stabilité des prix et de taux d’intérêt modérés à long terme ».

Cela signifie, entre autres, que de la grande crise de l’entre-deux-guerres, les États-Unis n’ont pas tiré la même conclusion que l’Europe. Ce qu’ils ont conclu, en effet, c’est que la Banque centrale devait être l’un des instruments de la politique économique générale, jouant de la création monétaire, de la valorisation de la devise ou encore du niveau des taux d’intérêt pour accompagner les choix macroéconomiques orientés vers l’activité, l’emploi, la production.

Pour autant, puisque la Banque centrale européenne est une institution reconnue, pourquoi ne met-elle pas en œuvre, à l’image de ce que laisse entrevoir cette crise obligataire grandissante, une politique d’intermédiation qui lève l’hypothèque de l’article 123, que nous avons cité en exergue, et qui permette aux États membres de l’Union de se refinancer à moindre coût ?

Pourquoi a-t-elle permis aux banques de se refinancer à 1 % en 2008 ? Pourquoi laisse-t-elle la France prêter à 5 % à la Grèce ? Qu’avons-nous avec ce texte ? Non pas l’émergence du fonds d’intervention de la BCE, susceptible d’aider les États membres en difficulté temporaire, mais un rafistolage où les mêmes États membres vont prendre pour eux le risque que les prêteurs actuels ne veulent plus porter !

Notons d’ailleurs les limites du dispositif : la Grèce va se trouver débitrice de quinze pays différents, lui faisant tous des conditions différentes de prêt, tant en amortissement qu’en taux d’intérêt.

Et la Grèce n’est pas forcément enchantée d’emprunter à l’Espagne, à l’Italie ou au Portugal, dont la signature vient d’être dégradée par les trop fameuses agences de notation !

Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, les différents partenaires de la Grèce, tous déjà largement endettés et hors des critères de convergence de ce point de vue, vont être contraints d’aller sur les marchés trouver les ressources destinées à payer leur écot du plan de soutien des banques créancières de la République hellénique.

Ce n’est donc aucunement au travers d’un renforcement des ressources fiscales de chacun des États que l’on va dégager les moyens de l’action, mais bel et bien en passant à nouveau par les marchés financiers, trop contents de voir quinze États souverains passer sous les fourches caudines de leur dictature pour trouver les moyens de leur intervention ! À quand une véritable responsabilisation des acteurs des marchés, des banques comme des compagnies d’assurance, passant au besoin, et nous pensons que cela est désormais d’une impérieuse nécessité, par la mise en œuvre d’une taxation pénalisant la spéculation monétaire, décourageant le développement des montages financiers spéculatifs, rendant de fait plus transparents et plus lisibles les mouvements affectant les transactions sur devises ? Nulle trace de cette exigence citoyenne et démocratique dans le texte qui nous est soumis ici ! Et jamais, parce que l’on reste dans le droit-fil de la stratégie de Lisbonne, on ne s’affranchit de la prégnance de la spéculation, ni des critères de convergence, ni du pacte de stabilité, dont il est de plus en plus évident qu’il est au mieux caduc, au pire meurtrier pour l’Union !

Qu’on ne s’y trompe pas : cette cure d’austérité sans précédent imposée à la Grèce et à son peuple, mes chers collègues, souhaiteriez-vous l’imposer aux Français ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous, nous avons toujours dit la vérité !

M. Michel Billout. À une situation financière temporairement délicate, on notera qu’on répond par des mesures structurelles tellement destructrices qu’elles vont impacter négativement et durablement l’économie grecque.

C’est un peu comme si l’Europe avait réussi à imposer à la Grèce ce que les mouvements sociaux ont jusqu’ici réussi à mettre en échec en France, en Allemagne et dans l’ensemble des pays les plus développés de l’Union, où le monde du travail dispose encore de garanties collectives et de sécurités dont sont privés les jeunes diplômés grecs payés sous contrat précaire 400 euros par mois !

Quand on est de gauche, attaché à des valeurs de progrès, soucieux de la défense des intérêts du plus grand nombre, on ne peut qu’être révulsé par la hausse vertigineuse de la fiscalité indirecte et les coupes draconiennes dans les dépenses publiques que comporte le plan dicté par le FMI, la BCE et par la Chancelière allemande, avec l’assentiment de la France !

Honte d’ailleurs à ceux qui se félicitent déjà du fait que l’aide française portant intérêt, nous pourrions en tirer quelque menu profit allégeant le coût du service de notre propre dette ! L’on ne peut qu’être opposé, sans équivoque, à de tels choix. C’est cela l’affirmation de la responsabilité et de la véritable solidarité à l’égard du peuple grec !

Je ne peux donc que vous inviter à voter cette question préalable. Elle lance un appel à la définition d’un véritable plan d’aide à la Grèce, qui ne peut et ne doit sortir de ses difficultés qu’en répondant enfin, comme les autres pays de l’Europe devraient le faire, aux attentes et aux besoins de son peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

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