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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de lois de Finances pour 2003

Par / 21 novembre 2002

par Thierry Foucaud

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,

L’exercice auquel nous allons nous livrer quelque peu déroutant.
Ce budget 2003 est virtuel, dont le cadre économique général est plus qu’incertain, avec ce que cela implique tant pour le niveau des recettes fiscales attendues que des dépenses que nous commencerons d’examiner la semaine prochaine.

Alors que vous deviez tenir compte du ralentissement de la croissance et accélérer le besoin des dépenses d’accompagnement social et de service public, vous ne voulez pas dévier de cap.
Si la croissance se révèle plus faible que celle escomptée par le gouvernement, pourquoi ajouter de la rigueur publique à une croissance faible ?

Vous le savez bien, si la croissance baisse, cela signifie que la demande privée faiblit.
Donc, faire de la rigueur budgétaire ne ferait que de retarder la croissance.
Et personne, pas même vous, ne croit aux travaux retenus pour 2003.
Ainsi, vous voulez tenir les promesses de baisses d’impôts et de freinage de la dépense.
Avec un léger frémissement, vous prenez soudainement compte du ralentissement de la croissance qui freine les recettes fiscales et accélère le besoin de dépenses d’accompagnement social et de service public.

Cependant, vous n’entendez pas dévier le cap donné par Jacques CHIRAC, vous ne voulez pas dévier sur les engagements européens pris par le gouvernement.
Ainsi, vous continuez à persister dans les baisses d’impôts qui ne profiteront pas aux Français en général, mais à une petite minorité, je rappelle d’ailleurs que la baisse d’impôt sur le revenu de 5% permettra à 1% des Français les plus riches d’empocher le tiers des 2,6 milliards d’euros que coûte cette mesure à l’Etat. Tout ce que l’on aurait pu faire avec ces 2,6 milliards d’euros !

Même si vous annoncez des amendements pour tenir compte des moins values fiscales pour 700 millions d’euros, la réalité demeure : à peine promulguée cette loi de finances sera quasiment inapplicable et inappliquée.
Une fois encore, comme souvent cela s’était d’ailleurs passé entre 1993 et 1997, le gel des crédits tiendra lieu de gestion, dans la plus parfaite absence de contrôle d’exécution par le Parlement, réduit une fois encore à l’état d’observateur impuissant.
Permettez-moi, Messieurs les Ministres, mes chers collègues, de revenir sur quelques-unes des données du problème posé par la discussion de ce projet virtuel de budget.

Depuis le début de cette session 2002 - 2003 avec la discussion en peu de temps de la loi sur la sécurité intérieure, la loi sur l’ouverture à la concurrence des marchés énergétiques, la loi constitutionnelle sur l’organisation décentralisée de la République, ici la discussion de la proposition de loi sur la réforme de la loi SRU, etc… Au-delà d’un certain esprit de revanche c’est bel et bien une inflexion libérale qui porte la politique aujourd’hui menée.
Et c’est cette obsession libérale, fondée entre autres sur « l’absolue nécessité » de la réduction des prélèvements obligatoires (nous en avons parlé il y a deux semaines) que nous devons appréhender ce projet de loi de finances 2003.
Notre pays a besoin d’une réforme adaptée de sa fiscalité, qu’il s’agisse d’ailleurs des principaux impôts d’Etat comme du produit de la fiscalité directe locale, pour faire en sorte qu’elle participe réellement du soutien de l’activité et de la croissance.

Et que voyons-nous dans ce projet de loi de finances ?
Un florilège en apparence disparate de mesures qui ne visent réellement qu’un nombre réduit de contribuables.
Les trois quarts des allégements fiscaux et sociaux contenus cette année dans le cadre des lois de finances et de financement de la protection sociale concernent de manière exclusive les entreprises.
Pour quels résultats ?
La diminution de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle va accroître surtout les profits disponibles que les grands groupes replaceront dans la finance.

Ainsi qu’à fait Vivendi des 4,4 milliards d’euros de crédits d’impôts divers et des quelques 730 millions d’euros d’exemption de l’impôt sur les plus-values qui lui ont été accordés par l’Etat, au cours de ces cinq dernières années.
En vérité, votre politique financière telle que vous nous la présenter, vise avant tout à sécuriser les rendements et placements boursiers et à accroître les moyens de coercition de l’Etat sur la société salariale pour lui faire accepter, au nom de belles intentions, une politique qui va, en réalité, un peu plus la violenter.
Rien de dit sur le rôle des banques et de l’orientation du crédit.

Je n’aurais pas la mauvaise grâce de rappeler ici que l’actualité sociale des mois de septembre et d’octobre a été marquée par l’annonce d’un nombre particulièrement élevé de plans sociaux assortis de milliers de licenciements, affectant tous les secteurs d’activité et pas seulement ceux qui sont, de longue date, les plus exposés à la concurrence internationale des pays à bas salaires.

Car si, l’on constate chez Labelle dans l’Eure (qu’attendez-vous, mes collègues Haut Normands, pour réagir ?) la mise en œuvre d’un nouveau plan social, c’est aussi une entreprise comme Gemplus, à Aubagne qui, victime du comportement prédateur d’un fonds de retraite américain, annonce plusieurs centaines de suppressions d’emplois.
C’est aussi l’annonce de licenciements chez Hewlett-Packard, touchant gravement l’Isère et la Haute Savoie, ou encore chez Atofina, alors même que ce groupe continue de battre des records de profits.
Et vous ajoutez aux 80 000 emplois menacés par des plans sociaux la suppression des emplois jeunes.
Vous le voyez, votre politique budgétaire restrictive signifie des dizaines de milliers de chômeurs en plus pour 2003.

Autrement dit, le collectif l’a amplement montré sur un autre plan, avec le premier niveau de réduction des taux d’imposition de l’impôt sur le revenu, vous avez fait et faites encore, Messieurs les Ministres, un usage inefficace et coûteux des deniers publics.
La consommation n’a pas été relancée par la baisse de l’impôt sur le revenu, et cela était d’ailleurs bien prévisible puisque les principaux bénéficiaires de cette réduction n’en avaient nul besoin.
Et le pire, dans cette affaire, est que vous persévérez.
Faut il en rajouter ?
Ah oui, certes, il convient d’en rajouter.
Et de regarder notamment ce que nous propose notre Rapporteur Général.

Une petite vingtaine d’amendements répartis selon la règle des trois tiers.
Un tiers d’amendements destinés à alléger la contrainte fiscale pesant sur les investissements boursiers, ce qui est, comme chacun sait, la priorité absolue de toute politique fiscale puisque les actionnaires constituent l’immense majorité des ménages français.
Un tiers d’amendements destinés à alléger la douloureuse situation des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui représentent pour mémoire environ un pour cent des foyers fiscaux.

Un tiers d’amendements, on serait tenté de dire pour la bonne bouche, pour les collectivités locales parce que l’on est au Sénat et que le Congrès des Maires vient de se tenir, et qu’il faut bien sauver les apparences, n’est-ce pas ?
Ne manque plus qu’un amendement sur les investissements de prévention des risques nucléaires et le tableau pourrait être complet.
Ces propositions ne font qu’accuser encore un peu plus ce qui anime le Gouvernement et sa majorité à l’orée de ce débat budgétaire au sénat.

Il s’agit de faire passer coûte que coûte l’idéologie libérale la plus poussiéreuse comme la seule voie possible, quitte à laisser à notre Rapporteur Général le rôle peu enviable de celui qui en fait « trop » pour rendre acceptable ce qui ne l’est pas dans le texte initial du projet de loi de finances.
Nous connaissons de longue date ce genre de pas de deux et le ballet, même bien réglé, a l’aspect du déjà vu.
Voici pour la partie recettes de ce projet de loi de finances.

Comme cependant nous allons passer à partir de la semaine prochaine quelques jours à examiner les dépenses, vous me permettrez désormais un petit retour sur cette question.
Malgré la conjoncture dégradée et incertaine, vous ne voulez pas bouger.
Pas toucher au déficit, pas remettre en cause l’orientation de la politique monétaire unique de la BCE. En fait, vous accentuez l’orientation libérale et serez obligé de couper dans les dépenses. En ce sens, votre budget est virtuel et insincère.

Nous pensons qu’il faut relancer les dépenses et mobiliser le crédit pour l’emploi et la formation.
La dégradation très grave de l’emploi et les risques pesant sur la consommation montrent qu’il faut accorder la priorité et faire reculer la précarité, stimuler des créations d’emplois stables et correctement rémunérer.
Il faut sécuriser les dépenses de service public indispensable à la croissance et à l’efficacité réelle.
Les résultats enregistrés depuis 14 mois sur l’emploi montrent l’inefficacité de la politique de baisse des charges sociales.
Ces baisses ne concernent pas, bien sûr, tous les gens qui ne payent pas d’impôt sur le revenu. Elles avantagent les plus riches. Avantages accentués par la diminution d’impôt pour les emplois de services à domicile (100 millions d’euros). Cela ne servira donc pas à soutenir la croissance, mais en fait, à accroître l’épargne des patrimoines financiers.

Par quoi se traduit ce budget ?
- Par des priorités sécuritaires avec des dépenses nouvelles pour la défense.
- Par une austérité renforcée pour le social et l’efficacité sociale.
- Suppression des CES, CEC, emplois jeunes.
- Recherche, culture, urbanisme, logement, aménagement du territoire voient les dépenses baisser en valeur.
Comment ne pas pointer les réductions de crédits affectant à peu près tous les Ministères en matière d’action sociale, signe d’une politique budgétaire strictement libérale ?
Vous avez clairement fait des choix, Messieurs les Ministres, et ce ne sont pas les choix que les Français attendent, même ceux qui ont pu vous soutenir au printemps dernier.

Ce choix c’est celui de « soigner » particulièrement la clientèle électorale des plus aisés, des chefs d’entreprise, des professions libérales, de tous ceux qui, à longueur de lettres envoyées au « courrier des lecteurs » du Figaro, se plaignent de payer trop d’impôts, trop de cotisations sociales, trop de tout…
Que l’on appelle cela défendre l’initiative et la créativité ou développer l’attractivité du territoire national n’est qu’une clause de style.

Le projet de budget 2003 tel qu’il se présente est un budget de classe, orienté vers les détenteurs de la fortune et du capital, méprisant les besoins réels de la population de ce pays.
Soyez sûrs que le Groupe Communiste Républicain et Citoyen, au travers de son intervention, fera valoir d’autres choix.

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