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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Tout l’Euroland est frappé par une cure d’austérité

Loi de finances rectificative pour 2010 : question préalable -

Par / 3 juin 2010

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le ministre grec des finances, M. Georges Papaconstantinou, a annoncé hier un vaste programme de privatisations sur trois ans dans les secteurs des transports, de la poste et de l’énergie, lequel devrait rapporter environ un milliard d’euros par an.

S’il fallait chercher ne serait-ce qu’une bonne raison de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée sur le troisième projet de loi de finances rectificative de l’année 2010, cette annonce, dont nous avons pris connaissance par une dépêche de l’Agence France-Presse, en serait une. Cette dépêche, par son caractère laconique, montre finalement bien à quoi correspond le plan de soutien à la Grèce qui a motivé l’adoption, il y a environ un mois, du précédent collectif budgétaire.

L’urgence était alors invoquée pour faire adopter la participation de la France au plan de soutien aux créanciers de la Grèce, mais, en réalité, il s’agissait non pas de protéger l’euro, mais bel et bien de préparer le terrain pour une modification des choix politiques attendus des Grecs eux-mêmes, si l’on en juge au vote de l’automne dernier.

En lieu et place d’une hausse des pensions et des traitements des fonctionnaires, c’est désormais la suppression des primes, le recul de l’âge de départ à la retraite et le gel de la progression indiciaire.

En lieu et place du renforcement du secteur public, indispensable à l’aménagement du territoire et à la cohésion sociale, ce sera, demain, la vente au secteur privé de quelques-unes des entreprises publiques, par cessions d’actifs successives pendant toute la durée du « plan de redressement » dicté par la Commission européenne.

Tout cela montre que l’on ne peut en aucun cas dissocier les choix de politique budgétaire opérés dans les pays de la zone euro de la manière dont on entend répondre, notamment par le dispositif de garantie, à la menace plus ou moins latente de crise obligataire qui plane sur les économies européennes.

Il n’est pas inutile de revenir sur les faits générateurs de cette crise obligataire.

Tous les États de la zone euro conduisent, depuis de nombreuses années, des politiques de concurrence fiscale et sociale allégeant de manière généralisée la fiscalité pesant sur les revenus et les patrimoines les plus importants, ainsi que sur les entreprises et les opérations financières.

Souvenons-nous de l’époque où l’on nous expliquait qu’il fallait supprimer l’impôt de bourse pour permettre à la place de Paris de devenir le cœur des activités financières en Europe et de créer, grâce au développement des activités de marché, des milliers d’emplois !

Madame la ministre, vous nous l’avez encore dit à la fin de l’année 2007, alors même que s’amoncelaient déjà les nuages de la crise systémique de 2008.

Souvenons-nous du jour où l’on a supprimé l’avoir fiscal pour le remplacer par un crédit d’impôt encore plus rentable.

Et que dire de la réforme des plus-values des entreprises, qui confine à la quasi-suppression de toute imposition sur ces opérations ?

Plus récemment encore, faut-il poser la question du crédit d’impôt recherche, dont le coût grandissant pour les finances publiques est inversement proportionnel au développement de l’activité des laboratoires universitaires ?

Oserai-je évoquer aussi la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a conduit à enregistrer, ces derniers mois, un nombre d’heures travaillées inférieur à celui qui était constaté avant la mise en place du dispositif ?

Enfin, que dire de la suppression de la taxe professionnelle, laquelle ne semble pas avoir ralenti la réduction des effectifs salariés dans le secteur privé, cette réduction s’étant poursuivie au cours du premier trimestre 2010, comme durant toute la seconde partie de l’année 2008 et la totalité de l’année 2009 ?

Toutes ces politiques sont aujourd’hui battues en brèche par les faits. Seuls trois des pays de la zone euro présentent aujourd’hui les conditions du respect des critères de convergence. En clair, la parité de l’euro est trompeuse eu égard à la réalité de la situation économique des participants.

À des degrés divers, les treize autres pays de l’Euroland sont hors des clous.

Ils sont hors des clous parce qu’il leur a fallu intervenir pour sauver chacun leurs établissements de crédit, confrontés à la crise financière systémique de 2008.

Ils sont hors des clous parce que le rationnement des dépenses publiques recommandé par la Commission européenne fait que la zone euro n’a pas pris le train de la relance économique et qu’elle a subi, bien plus que toute autre partie de la planète, les effets de la récession en 2009.

Sur ce point, l’ensemble des pays de l’Euroland ont présenté une récession globale dépassant 4 %, quand les États-Unis perdaient 2,4 % et que le ralentissement de l’économie chinoise se traduisait par un taux de croissance limité à 8,7 % !

Dans ce contexte, le Gouvernement ne cesse de répéter que nous nous en sommes mieux sortis, puisque la France n’aurait connu en 2009 qu’une récession de 2,2 points, inférieure donc à celle de ses principaux partenaires et concurrents. Mais cette récession est aussi nettement supérieure à la récession moyenne de l’économie mondiale, limitée à six dixièmes de point.

Malheureusement, la zone euro ne risque pas de connaître de nouveau une croissance soutenue, d’après les premiers éléments de comparaison disponibles au niveau international.

Le risque est d’autant plus grand que les pays de l’Euroland sont tous frappés aujourd’hui par une vague de politiques d’austérité.

Nous avons dit ce qu’il en était pour la Grèce, première victime de la crise obligataire, excroissance de la crise systémique de l’été 2008, mais la situation est identique en Espagne, dont le gouvernement va réduire la rémunération des agents du secteur public, au Portugal, où le gouvernement allie suppressions d’emplois publics, gel des salaires et privatisations pour tenter de réduire dettes et déficit, et en Italie, autre pays placé près du cyclone de la crise obligataire. M. Berlusconi a, lui aussi, annoncé une réduction drastique – de 20 % – du traitement des fonctionnaires, ainsi qu’un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite.

Enfin, outre le cas de la Grande-Bretagne, qui n’est pas membre de la zone euro et dont le gouvernement est nouveau, il y a bien entendu celui de notre pays. Nous ne pouvons que nous interroger, car, entre l’article 3 et l’article 4 du présent projet de loi de finances rectificative, ce sont près de 130 milliards d’euros qui sont soit appelés en garantie, soit apportés au capital du Fonds monétaire international. Ils sont donc susceptibles d’être mobilisés pour « sauvegarder » la zone euro et, de manière plus générale, sauver l’actuelle construction européenne.

Que l’on ne s’y trompe pas : si les 111 milliards d’euros de garantie prévus par l’article 3 sont appelés – soit plus de 5 points de PIB –, ils constitueront un nouvel élément de la dette publique française. Or ils sont en réalité destinés à éviter aux banques et aux compagnies d’assurance, détentrices de créances sur l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande, de se retrouver avec du papier devenu sans valeur pour cause de défaut de paiement. Aucune de ces banques, aucune de ces compagnies d’assurance, dont on peut d’ailleurs aisément supposer qu’elles sont en grande partie françaises, n’est mise en demeure de prendre à son compte le risque obligataire des pays défaillants. En cas de défaut de l’un ou de l’autre, la France, l’Allemagne ou d’autres pays paieront !

Pour les banquiers, c’est donc une chance au grattage, une chance au tirage et c’est gagnant à tous les coups !

L’article prévoyant une recapitalisation du FMI ne vise nullement à permettre à des pays encore sous-développés de bénéficier de prêts peu onéreux pour créer de nouvelles infrastructures et répondre aux besoins impérieux en matière de santé, d’éducation, de développement rural ou d’aménagement des espaces urbains.

La vérité commande de dire que la Commission européenne et le Fonds monétaire international se sont réparti les rôles.

Avec le fonds de garantie, la Commission a pour mission de faire face aux éventuels défauts de paiement des pays de la zone euro. Quel que soit le prix à payer, il s’agira, selon la formule consacrée, de « rassurer les marchés financiers ».

Le Fonds monétaire international, quant à lui, a pour mission de soumettre les pays européens non membres de la zone euro et confrontés à la crise obligataire à l’un de ces plans d’ajustement structurel dont il a le secret et dont on sait qu’ils ont le plus souvent conduit nombre de pays en voie de développement dans l’impasse.

Les cibles désignées du FMI sont connues : ce sont les pays nouvellement associés à la construction européenne, c’est-à-dire, singulièrement, les pays de l’Est européen, qui avaient cru que l’accrochage de leur économie à l’Union allait leur permettre de progresser.

La philosophie générale qui sous-tend les politiques du FMI n’est guère différente de celle qui est à l’origine de la vague d’austérité se répandant dans la zone euro. Elle participe des mêmes errements monétaristes, des mêmes schémas libéraux et conduira immanquablement aux mêmes résultats, c’est-à-dire l’étouffement de la croissance, la montée des inégalités sociales, la progression et la persistance du chômage et de la précarité, la mise en cause du lien favorisé par des services publics performants.

La France a connu un dixième de point de croissance au premier trimestre de l’année 2010. Cela signifie que la production nationale a progressé d’environ 500 millions d’euros sur les trois premiers mois de l’année. Et l’on nous annonce une réduction des déficits de 30 milliards d’euros, la suppression de 30 000 à 40 000 emplois publics et le gel des dotations budgétaires aux collectivités locales.

Le vote de la participation de la France au fonds de soutien européen accompagne cette orientation des politiques publiques, révélatrice des priorités du pouvoir actuel.

Prenons la question des retraites. Au motif que la Caisse nationale d’assurance vieillesse est tenue d’équilibrer les comptes de quelques régimes de non-salariés gravement déficitaires et qu’elle fait face à une réduction de ses recettes due à la hausse du chômage et à la précarité de l’emploi, il est envisagé d’allonger la durée de cotisation de tous les régimes et de reporter l’âge de départ à la retraite.

Ce calcul oublie que les cotisations d’aujourd’hui sont les retraites d’aujourd’hui et que les sommes prélevées sur la valeur ajoutée créée par les uns constituent le revenu des autres.

En outre, si une telle opération vise à résoudre ponctuellement le déficit comptable de l’assurance vieillesse, elle risque, à coup sûr, de faire renaître, puis croître celui de l’assurance chômage.

Le recul de l’âge de départ en retraite, mesure qui participe des politiques d’accompagnement du plan de soutien, revient à « boucher un trou » en en creusant un autre !

D’ailleurs, mes chers collègues, nos concitoyens ont de plus en plus de mal à comprendre que l’on soit incapable de trouver 10 milliards ou même 20 milliards d’euros pour équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse, alors même que l’on arrive à trouver 130 milliards d’euros dans le présent collectif budgétaire pour nourrir les marchés financiers !

À compresser l’emploi public, à geler les concours aux collectivités locales, à mettre en cause le droit à la retraite, on crée les conditions d’un ralentissement de l’activité économique qui ne nous permettra pas de trouver les moyens de faire face, grâce aux recettes fiscales en découlant, à l’effort de réduction des déficits comme de la dette publique.

L’austérité est déjà là, dans notre pays. Elle imprègne ce collectif budgétaire et annonce les termes des prochaines lois de finances. Qu’il soit envisagé, sous la pression de Bruxelles et de Berlin, de la rendre « constitutionnelle », en faisant de la réduction des déficits l’orientation des futurs textes budgétaires n’est que l’aboutissement d’une telle soumission des politiques publiques aux injonctions des marchés !

Pour notre part, nous sommes d’avis de rendre au peuple français, comme à l’ensemble des peuples d’Europe, le droit et le pouvoir aujourd’hui confisqués.

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