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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une entreprise de déconstruction de notre service public de l’éducation

Loi de finances pour 2011 : enseignement scolaire -

Par / 30 novembre 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget 2011 de la mission « Enseignement scolaire » s’inscrit dans la continuité de l’entreprise de déconstruction de notre service public de l’éducation menée par le Gouvernement depuis 2007, avec toujours le même credo : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ainsi, 16 000 emplois seront supprimés en 2011, et ce rythme devrait être maintenu au cours des deux prochaines années.

En 2010, le nombre de postes supprimés avoisinait déjà les 16 000, mais l’essentiel de ces suppressions portait sur les stagiaires, du fait de la réforme de la formation des enseignants. Cette année, cette source est tarie et, pour 2011, apparaissent dans les documents budgétaires des « corrections techniques » venant gonfler le plafond d’emplois de 20 359 ETPT.

Quel paradoxe ! D’un côté, vous affichez la volonté de poursuivre des suppressions massives d’emplois, en conformité avec la RGPP, et, de l’autre, vous semblez découvrir un tel « gisement ». En réalité, une partie correspond à un désajustement entre vos prévisions de départs à la retraite et leur réalisation. Cette inadéquation, liée aux effets de la réforme Balladur des retraites, était pourtant déjà signalée dans le rapport annuel de performances de 2009.

Cette année, vous choisissez d’inscrire dans le plafond d’emplois les moyens destinés à financer les stages en responsabilité proposés aux étudiants en master, moyens qui étaient l’année dernière budgétisés en crédits ; même opération concernant des emplois de vacataires-enseignants, recrutés pour faire face aux besoins de remplacement.

Ces corrections, nous dit-on, sont entreprises dans un souci « d’exhaustivité et de sincérité ». Ce jeu d’écriture budgétaire vient, en réalité, confirmer l’insincérité des budgets successifs, que je dénonce depuis 2007. Il suffit pour s’en convaincre de se plonger dans la lecture des projets annuels de performances pour constater, d’année en année, un recul terrible en termes de lisibilité et de transparence, ce qui réduit à la portion congrue le pouvoir de contrôle des parlementaires.

Ce manque de transparence est renforcé, cette année, par la décision de laisser aux recteurs « le soin de faire la chasse aux postes ». Car c’est bien de cela qu’il est question !

Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans le cadre du schéma d’emplois 2011-2013, les recteurs et les inspecteurs d’académie se sont ainsi vu assigner l’objectif de supprimer des postes en s’appuyant sur ce que vous qualifiez de « gisements d’efficience » à mobiliser. Quid ; alors, de l’objectif d’amélioration de la qualité de l’enseignement ? Il est forcément sacrifié quand il ne s’agit que de satisfaire au dogme aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

C’est d’ailleurs au nom de ce dogme que sont supprimés 4 500 postes d’EVS, emplois sans lesquels il est impossible, dans les conditions actuelles, d’assurer la scolarisation des enfants handicapés ; une scolarisation qui nécessite d’ailleurs de vrais emplois, qualifiés, stabilisés et correctement rémunérés. Sur ce point, vous refusez toujours d’avancer.

M. Claude Bérit-Débat. Vous faites du sur-place !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quelles seront les conséquences de ces orientations sur le terrain à la rentrée 2011 ?

Dans le premier degré, ce sont bien 8 967 emplois en moins pour les écoles. Compte tenu de la hausse des effectifs en préélémentaire – 13 900 effectifs supplémentaires prévus en 2011 –, je m’inquiète donc très fortement, d’une part, de la dégradation des conditions d’accueil des enfants à la maternelle et, d’autre part, de la fin programmée de l’accueil des enfants de deux ans.

Nous le savons, faute d’une volonté politique de consacrer des postes et des classes en nombre suffisant, l’accueil des deux ans a subi de plein fouet le contrecoup de la pression démographique des trois-cinq ans. Ainsi, le taux de scolarisation des deux ans ne cesse de baisser ; il pourrait chuter à 12,7 % en 2011, et ce alors même que de nombreuses études ont démontré les effets bénéfiques d’une scolarisation précoce, dans un cadre adapté, pour les enfants des milieux les plus défavorisés.

Or, dans le premier degré, parmi les leviers retenus pour supprimer des postes, figurent justement la taille des classes et la scolarisation des enfants de deux ans.

Dans le second degré, 4 800 emplois d’enseignants et 200 emplois administratifs disparaissent à la rentrée 2011, alors que le nombre d’élèves devrait augmenter d’environ 62 000. Cette année, si nous ne disposons pas de la ventilation des suppressions, nous pouvons aisément émettre des hypothèses.

En lançant la réforme du lycée, Nicolas Sarkozy s’était engagé à ce qu’elle se fasse à moyens constants. C’est donc logiquement vers le collège et le lycée professionnel que l’on va se tourner. Or c’est justement là que les effectifs prévus pour la rentrée 2011 sont en hausse : de 35 300 élèves au collège et de 14 000 en lycée professionnel. Comment imaginer, dès lors, que ces suppressions seront sans effet sur la qualité de l’enseignement ?

D’autant que, là aussi, les leviers d’action recommandés sont connus : augmentation du nombre d’élèves par classe par le relèvement des seuils d’ouverture et de fermeture de classes ; accroissement du poids des heures supplémentaires , auxquelles le budget prévoit de consacrer plus de 1 milliard d’euros ; recours massif aux personnels non titulaires et précaires, l’enveloppe pour les vacations passant de 44 millions d’euros en 2010 à 70 millions d’euros en 2011 ; réduction des moyens de remplacement des personnels ; rationalisation de l’offre de formation – entendez : limitation du nombre d’heures de cours. Tout cela, selon le document retraçant le schéma d’emplois 2011-2013, « sans dégrader les performances globales ». Mais, dans la réalité, c’est bien l’effet inverse que l’on constate.

Comment supprimer des postes alors que la lutte contre l’échec et la violence scolaire suppose plus d’adultes et plus de pédagogie dans les établissements ? On sait le sort qui est fait aux conseillers principaux d’éducation depuis quatre ans, et tout le monde souligne la pénurie d’infirmières et de médecins scolaires. Je pense également aux RASED, dont le nombre a diminué de 2 247 depuis la rentrée de 2009. Quant au nombre de départs en formation, il confine au ridicule et confirme leur mise en extinction.

Même difficulté pour les établissements de réinsertion scolaire, les ERS, expérimentation engagée dans la précipitation et dont je demande la suspension. À Nanterre, monsieur le ministre, plus d’un mois après l’ouverture d’un ERS, les conditions de fonctionnement, d’apprentissage et d’éducation y sont préoccupantes. Parents et enseignants viennent de s’adresser à vous pour réclamer l’affectation de personnels qualifiés et formés, personnels dont il ne peut être fait l’économie pour un travail de remédiation efficace.

Comment donc sanctuariser les établissements sans en sanctuariser les moyens et en y développant les emplois précaires ?

Même observation concernant la formation initiale et continue des enseignants, pourtant élément clef de la réussite des enfants. Force est de constater que tous les écueils pointés par les opposants – majoritaires – à cette réforme sont en train de se vérifier.

Le rapport qui vous a été remis cet été par l’IGAENR, l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sur la préparation de la rentrée 2010 n’est pas pour me rassurer. Ce rapport évoque l’instauration d’une « diversité kaléidoscopique des situations ». Dans les académies, cela se traduit par des écarts de temps de formation considérables : des périodes de « stages » allant de 96 à plus de 160 heures ; des actions de « compagnonnage » du tuteur mobilisant de 36 à 108 heures ; des périodes de formation variant d’une soixantaine à plus de 150 heures.

À ces inégalités s’ajoutent une forte diminution des moyens consacrés à la formation continue des enseignants. Dans le premier degré, le nombre de semaines de formation financées chute de plus de 61 % par rapport à 2009. Dans le second degré, les crédits sont divisés par deux et les moyens alloués au remplacement diminuent.

Ces choix budgétaires contribuent à fragiliser les plans de formation des enseignants, alors même que de nouvelles obligations sont créées au bénéfice des nouveaux professeurs stagiaires.

Je m’interroge donc : où les académies trouveront-elles demain de nouvelles marges de manœuvre pour réaliser les 16 000 suppressions annoncées pour 2012 et pour 2013…

M. Roland Courteau. Très bonne question !

M. Claude Bérit-Débat. Il n’y a pas de marges de manœuvre !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … et alors même que la plupart des économies ont déjà été réalisées ?

La prochaine étape pourrait concerner la déstructuration territoriale, spatiale, de l’école. Comment ne pas faire le rapprochement avec d’autres réformes conduites par le Gouvernement, comme celle des collectivités territoriales ? Se posera alors la question primordiale de l’égalité de traitement sur tout le territoire.

Le rapport de Frédéric Reiss, recyclant le projet des EPEP, trace la voie, comme le dernier rapport du Haut Conseil de l’éducation ou celui du député Jacques Grosperrin – quel unanimisme ! –, d’une école du socle commun. On y voit se dessiner l’institutionnalisation d’une école à deux vitesses où les disciplines « doivent être au service du socle » et où le collège ainsi transformé ne serait plus officiellement un lieu de préparation à la poursuite d’études mais un lieu de « triage » des élèves.

Cela signifierait que notre service public de l’éducation, loin d’affronter les difficultés réelles et de relever les défis d’éducation et de formation de ce nouveau millénaire, renonce à l’ambition qui le fonde depuis toujours et que nous défendons : celle d’un égal accès de tous, sur l’ensemble du territoire, à un haut niveau de culture générale, relevant le défi d’émancipation de chacune et de chacun.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG votera résolument contre ce budget.

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