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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Votre politique est faite pour les riches et contre les pauvres et les classes moyennes

Plan de rigueur et nouvel emprunt à la Grèce -

Par / 8 septembre 2011

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, d’un côté, 8 300 élèves supplémentaires sont inscrits dans l’enseignement primaire en cette rentrée 2011 et 80 000 dans l’enseignement secondaire ; de l’autre, en quatre ans, 66 000 postes ont été supprimés dans l’éducation nationale. Le simple rappel de ces chiffres, parfaitement officiels, publiés par les services de votre collègue Luc Chatel, résume parfaitement ce qui s’est passé dans ce pays depuis le jour de mai 2007 où Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République.

Depuis quatre ans, prolongeant en cela les orientations prises par la majorité de droite au pouvoir entre 2002 et 2007, le Gouvernement s’est attaché à procéder à une vaste opération de restriction de la dépense publique et de distribution aux grands intérêts privés. Les événements des dernières semaines et la présentation de ce projet de loi ayant remis cette question au premier plan, il est temps de faire tomber les masques et de dire de quoi il s’agit !

Première illustration de votre langue de bois : la crise aurait commencé en 2008, nous en étions à peine sortis en cette année 2011, mais voilà qu’une nouvelle réplique du séisme contraindrait à présenter ce projet de loi et, par voie de conséquence, la facture aux Français.

Ainsi donc, avant ce mois d’août 2008 où Lehman Brothers a déposé le bilan sans que les sages et instruites agences de notation ne s’en rendent compte, vu qu’elles notaient parfaitement ladite banque américaine quatre mois auparavant, nous n’avions pas quatre millions de chômeurs, huit millions de travailleurs pauvres et plus d’un million de mal-logés et d’allocataires du RSA !

Nous n’étions pas dans un pays où 150 000 jeunes sortent de l’école sans diplôme ni, souvent, sans maîtriser les outils élémentaires de communication orale et écrite, où la moitié des ménages salariés ne partent pas en vacances en été, où 15 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté...

Il n’y avait rien de tout cela et nous avancions, guidés par la sagesse des décisions gouvernementales, vers le progrès et la satisfaction des besoins collectifs…

Eh bien non, mes chers collègues, madame la ministre, la crise est là depuis longtemps, depuis si longtemps qu’on ne saurait presque dire le moment où elle a commencé...

On ne le sait plus mais...

La vérité, c’est que, depuis 1973, nous n’avons plus connu de loi de finances dont le solde définitif ait présenté un caractère positif.

Et les dernières années ont battu des records en la matière, puisqu’il s’est agi, à un moment donné, d’engager l’argent public pour venir au secours des banques qui avaient commencé à se méfier d’elles-mêmes.

Cela fait aussi de longues années que nous consacrons des sommes toujours plus considérables à l’allégement des impôts, singulièrement ceux des entreprises et des ménages les plus riches, au motif qu’en leur laissant plus de ressources financières à disposition, on créerait les conditions de la croissance et de la prospérité, ce qui, vous le savez, est faux.

J’ai fait procéder à une estimation du coût, pour les finances publiques, de la seule baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, des exonérations de cotisations sociales et des réformes successives de la taxe professionnelle depuis 1985.

Le résultat s’élève à 700 milliards d’euros, mes chers collègues ! L’État a consacré à ces mesures et donc renoncé à 700 milliards d’euros…

C’est bizarre, nous ne vous entendons jamais, mes chers collègues, parler de ce gaspillage-là des deniers publics.

Je vous donnerai un exemple.

Ainsi mène-t-on une politique qui consiste à réduire continuellement les cotisations sociales appliquées aux bas salaires pour faciliter, prétendument, la création d’emplois.

Première observation : les cotisations sociales, ce n’est pas le « coût du travail », mes chers collègues, comme disent les économistes bien en cour et certains éditorialistes qui, bien sûr, leur font écho.

Non, les cotisations sociales, c’est une forme de salaire socialisé, partagé entre tous les acteurs de la vie économique, tous les salariés et leur famille pour faire face aux événements de la vie que peuvent être la maladie, la vieillesse – ce devrait être aussi le cas pour le grand âge et ce que l’on appelle la dépendance – ou encore la constitution de la famille.

C’est donc un choix collectif, consenti par celui qui travaille pour celui qui est malade, qui est âgé ou pour faciliter l’éducation de ses enfants ou des enfants des autres.

C’est l’expression d’un choix de solidarité collective, d’abord et avant tout, et en dernière instance !

Exonérer les entreprises du versement de ces cotisations, comme on le fait aujourd’hui, c’est tout simplement priver les salariés d’une partie du fruit de leur travail.

Mais ce premier hold-up se double d’un deuxième, celui qui veut que, pour faire face au financement des prestations ainsi désocialisées, on ait transféré des impôts, souvent des droits indirects d’ailleurs, pour alimenter les organismes sociaux et compenser la déperdition des ressources solidaires. Après avoir confisqué aux salariés le produit de leur travail, pour une partie, on leur a demandé de payer la facture par des impôts nouveaux ou maintenus...

Et, pour faire bonne mesure, est arrivé le troisième hold-up, celui qui veut qu’année après année on a rendu la couverture collective, fondée sur la solidarité et la mutualisation, de plus en plus mince en réduisant sans cesse le niveau des prestations sociales servies.

Il y a quelques instants, madame la ministre, vous avez dit ne pas vouloir faire peser ces mesures sur les Français. Mais le forfait hospitalier, le ticket modérateur, le parcours de soins, l’indexation des retraites ou des prestations familiales sur les prix, tout cela participe à cette mise en cause des garanties collectives et sociales.

Demandez-vous d’ailleurs, mes chers collègues, ce que cette mise en cause de la sécurité sociale a pu coûter à la croissance d’un pays où les salariés les plus modestes hésitent aujourd’hui de plus en plus à se faire soigner quand ils sont malades, où le pouvoir d’achat des retraités s’est réduit de 20 % depuis 1993, sans parler de la réforme Balladur sur les retraites !

En concentrant des sommes considérables à ainsi « alléger le coût du travail », la France crée de plus en plus d’emplois sous-qualifiés, de faible valeur ajoutée, et, en vertu de cela, nous perdons de plus en plus de compétitivité économique.

Autre exemple tout à fait instructif : cela fait quelques semaines que, au milieu du déferlement d’informations sur les agences de notation, la crise financière, les marchés boursiers et l’inexorable poids de la dette publique, toutes informations destinées à la fois à créer l’angoisse et à justifier l’austérité pour répondre aux défis posés, nous avons été abreuvés de discours et de controverses sur les niches fiscales. Il serait sans doute fastidieux de parler de tous les articles de presse qui ont porté sur la question.

Les paris, bien sûr, étaient ouverts : à quoi allait-on toucher ?

Allait-on supprimer la baisse de la TVA dans la restauration, dont l’efficacité sociale et économique semble assez faible ?

Allait-on revenir sur la niche des « emplois à domicile » ?

Seulement voilà, avant que nous ne parlions des mesures finalement contenues dans ce texte, disons qu’il y avait quelques oublis…

Jean-François Copé a imprudemment laissé paraître, le 5 août dernier, sur le site national de l’UMP un long article expliquant, avec force formules choc, que la France avait mieux résisté à la crise que les autres pays, ce qu’ont d’ailleurs répété tout à l’heure le ministre de l’économie et le ministre du budget.

Ce discours consternant, faisant fi des 800 000 chômeurs de catégorie 1 que compte la France depuis 2007, est d’ailleurs confirmé par le Président de la République lui-même !

Mais le 5 août, manque de chance, fut le jour où les places boursières ont commencé à dévisser de nouveau, entraînant le CAC 40 à proximité des 3 000 points !

Jean-François Copé est, en revanche, plus discret sur sa propre niche fiscale, qui permet aux grands groupes financiers et industriels de jouer au Monopoly avec leurs titres et leurs actions sans devoir payer la moindre taxation sur les plus-values qu’ils en retirent.

En trois ans, la niche Copé nous aura coûté pas moins de 22 milliards d’euros !

Mme Bernadette Bourzai. Voilà !

M. Thierry Foucaud. Encore sans doute une perte de recettes fiscales dont nous aurions pu nous dispenser et qui fait partie de ce qui manque aujourd’hui pour réduire les déficits !

Je pourrais également évoquer le projet de loi de finances rectificative du mois de juillet : 2 milliards d’euros en moins pour l’ISF !

Arrêtons-là ! Nous mettrons tout cela au passif de l’UMP depuis dix ans, et je pense que les Français feront de même !

Mais prenons un autre exemple.

Nous dépensons, mes chers collègues, plus ou moins 42 milliards d’euros pour permettre à nos plus grandes entreprises de payer un minimum d’impôt sur les sociétés, grâce, bien sûr, au régime d’imposition des mères et filiales et au régime d’intégration des groupes.

Ces 42 milliards d’euros doivent être comparés au produit de l’impôt sur les sociétés lui-même, qui n’est guère plus élevé et sur lequel il convient de s’interroger.

Qu’est-ce que le régime des sociétés mères et filiales et le régime d’intégration ?

Rien de moins en fait qu’une véritable subvention à la délocalisation des activités puisque le développement à l’international de nos entreprises s’est manifesté, bien souvent, par l’implantation de filiales commerciales puis, de manière de plus en plus forte et de plus en plus nette, d’usines de production de plus en plus nombreuses et complexes, reprenant de fait des activités jusqu’alors pratiquées sur le territoire français.

C’est-à-dire que nous avons financé, avec l’argent public, la déperdition de notre industrie, de ses emplois, de ses efforts de recherche et développement, la dégradation de notre solde commercial extérieur, et tout cela pourquoi ? Parce qu’il fallait, selon les termes employés, « assurer la neutralité fiscale des décisions de gestion des entreprises ».

C’est le droit au service des entreprises et non les entreprises qui doivent respecter le droit !

Nous la payons fort cher cette neutralité qui neutralise souvent l’impôt des grands groupes, comme l’ont montré les rapports de la Cour des comptes ou de l’inspection des finances !

Le banquier avisé qu’est Jean Peyrelevade disait récemment que nous avions un déficit commercial particulièrement important avec les pays de la zone euro, c’est-à-dire tous ceux avec lesquels nous sommes en lien direct pour ce qui concerne, notamment, la souveraineté monétaire...

Mais il faut aller plus loin sur ce sujet.

D’abord pour dire que c’est avec l’Allemagne que nous avons ce déficit. Ensuite pour dire que, bien souvent, ce sont aussi les réimportations de pièces détachées, de voitures ou de tout autre bien qui sont à la base de notre déficit extérieur.

Quand Renault fait jouer le régime des groupes en faisant produire en Espagne, en Turquie ou en Slovénie les voitures qu’il réimporte ensuite en France pour les vendre à la clientèle qui les attend, que fait-il ?

Rien d’autre que creuser notre déficit commercial. Et ce en gardant le bénéfice d’un régime d’imposition particulier...

Les filiales étrangères du groupe ne se gênent sans doute pas pour, de temps en temps, placer leur trésorerie disponible sur les marchés, en achetant des titres de dette publique française.

Mais, bien entendu, rien de tout cela dans le projet de loi dont nous allons débattre, puisque sa philosophie générale est tout autre.

Elle participe de deux principes auxquels nous ne pouvons souscrire.

Le premier, c’est qu’il est annonciateur d’une cure d’austérité pour notre pays inégalée par son ampleur et qui vise, en guise de programme électoral, à s’attaquer aux derniers éléments de solidarité collective qui existent, et ce qu’il s’agisse de l’éducation nationale – l’opération de démolition devrait prendre un tour nouveau –, des solidarités générationnelles entre les actifs et les retraités, des services publics en général...

Et, pour faire bonne mesure, vous vous occupez des finances locales et des collectivités territoriales pour les mettre au pas et organiser l’étranglement des dépenses utiles pour les populations.

Le second principe, c’est que les sacrifices et les efforts doivent être partagés, en partant d’un étrange postulat selon lequel notre système fiscal serait marqué par la justice et l’équité, ce qui est une pure escroquerie intellectuelle au regard du passé le plus récent depuis 1985 et que j’ai rappelé !

À qui, madame la ministre, deux mois après avoir fait voter une division par deux de l’ISF qui sera payée demain par les transmissions de patrimoines moyens, ferez-vous croire que ce projet de loi de finances rectificative présente des dispositions dites « équilibrées » ?

Vous rackettez plus de un milliard d’euros dans la poche des salariés qui ont souscrit des contrats de couverture mutualiste pour leur santé et, bien sûr, celle de leurs enfants ; et vous appelez cela équité et justice !

Je ne parlerai pas longtemps de ce qui a constitué une magnifique manœuvre de diversion et de perversion du débat parlementaire, c’est-à-dire la TVA des parcs à thème. Je dirai simplement, madame la ministre, qu’à l’instant où j’ai entendu l’annonce de cette mesure, j’ai pensé : voilà le cas typique de la disposition qui va être supprimée au détour du débat parlementaire, et vous en avez fait la démonstration tout à l’heure dans votre intervention.

Pour faire croire aux Françaises et aux Français que le Gouvernement dialogue avec le Parlement, et même avec sa majorité, on allait faire « monter la sauce » et on allait supprimer la disposition, en pouvant gloser à l’infini sur la « co-élaboration », la « co-construction » du texte et de la politique menée.

M. Ivan Renar. Du diabolisme au petit pied !

M. Thierry Foucaud. En effet, et cela permet de faire oublier la taxation des contrats mutualistes…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !

M. Thierry Foucaud. … et quelques-unes de vos nouvelles hypothèses de travail comme la réduction des allocations chômage des cadres privés d’emploi ou la fiscalisation des allocations familiales, toutes mesures populaires et équitables !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a qu’à entendre Nadine Morano sur les allocations familiales !

M. Thierry Foucaud. Ainsi, selon le président de la Mutualité française, en quatre ans, les taxes sur les mutuelles seront passées en moyenne de 13 à 76 euros, contraignant nombre de familles à se priver de cette couverture complémentaire !

Quelle mascarade et quelle caricature de débat parlementaire, quelles fausses réponses aux problèmes qui nous sont posés aujourd’hui et qui sont aussi le bilan de la droite au pouvoir depuis dix ans !

M. Jean Desessard. Oui !

M. Thierry Foucaud. Nous ne voterons évidemment pas ce texte, mais permettez-moi pour conclure de rappeler que nous ne sommes pas les seuls à dire que l’austérité met en péril la reprise. C’est notammentce que vient de dire la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement.

M. Jean Desessard. Évidemment !

M. Thierry Foucaud. Eh bien, madame la ministre, tant que votre politique sera faite pour les riches et surtout contre les pauvres et les classes moyennes, nous voterons contre ce genre de texte.

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