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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Votre postulat est que le "coût" du travail entraverait la compétitivité

Allégement des charges des entreprises -

Par / 19 juin 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, même si je n’ai rien de très plaisant à dire sur cette proposition de résolution, je dois reconnaître à ses auteurs un certain talent. Ils nous permettent, malgré un hémicycle relativement vide, d’avoir un échange sur des sujets qui sont d’importance aujourd’hui.

Le parcours de cette proposition de résolution n’a pas été un long fleuve tranquille. Je rappelle en effet que, initialement, le groupe UMP avait inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi prévoyant la réduction de 44 % de la part patronale des cotisations sociales.

Le dispositif envisagé, qui était assez complexe, beaucoup en ont convenu, était loin de faire l’unanimité au sein même du groupe UMP, au point que vous avez préféré, mes chers collègues, lui substituer une proposition de résolution, dont l’objet est plus limité : vous y invitez le Gouvernement à effectuer des modifications substantielles dans le financement de notre système de protection sociale.

D’une certaine façon, et d’une manière sans doute plus radicale que ne le prévoit le Gouvernement, vous anticipez avec cette proposition le débat que nous aurons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, le PLFSSR, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, dans lesquels devrait être entériné le fameux pacte de responsabilité.

Le nombre de signataires de ce pacte tend à se réduire comme peau de chagrin au fur et à mesure que la CFDT rejette dans chacune des caisses, que ce soit la Caisse nationale des allocations familiales ou la Caisse nationale d’assurance maladie, les projets de PLFSSR qui lui sont soumis pour avis. De ce fait, il ne réunira bientôt plus que le MEDEF et le Gouvernement.

Or ce pacte, comme cette proposition de résolution, repose sur le postulat selon lequel le coût du travail en France et, par conséquent, le coût du financement de la protection sociale seraient trop élevés et constitueraient un frein à la création d’emplois.

Alors que le pacte de responsabilité ne prévoit qu’une réduction de la part patronale des cotisations sociales, comme d’ailleurs la présente proposition de résolution, cette dernière va plus loin en invitant le Gouvernement à étudier deux pistes nouvelles.

La proposition de résolution prévoit d’abord une diversification des ressources de la sécurité sociale, puis l’exclusion du champ de la sécurité sociale de la branche maladie et de la branche famille, lesquelles, selon les auteurs de la proposition, n’auraient aucun lien avec l’entreprise.

Nous contestons bien évidemment le postulat selon lequel le coût du travail serait trop important en France, mais aussi les préconisations formulées dans cette proposition de résolution.

En effet, la réduction du financement de notre système de protection sociale par les employeurs n’est pas nouvelle. Et d’une certaine manière, le pacte de responsabilité existe depuis plus de vingt ans sous la forme d’exonérations de cotisations sociales. Cette réduction aurait de multiples vertus puisqu’elle permettrait de restaurer la compétitivité et de créer des emplois.

Or vingt ans après l’instauration des exonérations et des exemptions de cotisations sociales, et malgré des baisses continues, la compétitivité des entreprises a nettement fléchi, sans doute parce que, dans le même temps, la part des richesses ponctionnées par ou pour le capital – coûts des emprunts financiers ou versement des dividendes – n’a cessé de croître.

Ainsi, selon un article d’Alternatives économiques intitulé Les distributions de dividendes plombent l’investissement des entreprises, en 2012, le coût du capital imposé aux entreprises et à leurs salariés représentait 299 milliards d’euros, soit plus de deux fois ce qu’elles ont acquitté au titre des cotisations patronales. En 2013, les distributions de dividendes des entreprises du CAC 40 ont crû de 6 % pour s’établir à 39 milliards d’euros, alors que les profits ont diminué de 8 %.

En outre, cette politique continue de réduction des cotisations sociales, qui profite d’abord et avant tout aux grands patrons, fragilise les salariés et notre système de protection sociale. Elle constitue un appauvrissement organisé, les gouvernements successifs n’ayant eu de cesse de réduire les prestations et les protections sociales, imposant des déremboursements, des franchises médicales, des allongements injustes et inégalitaires des périodes de cotisations pour financer les retraites ou encore, plus récemment, un délai de carence de six mois aux cadres avant que ces derniers ne puissent prétendre à l’indemnisation chômage.

Les salariés souffrent une seconde fois des méfaits de cette politique qui crée, comme l’a rappelé la Cour des comptes, de véritables trappes à précarité. Les emplois concernés sont en effet généralement les moins bien payés, les plus proches du SMIC, car plus les salaires sont éloignés du SMIC, moins les exonérations sont importantes.

Et pour quels résultats, mes chers collègues ? Aucun, ou si peu.

Selon certaines observations, les exonérations, notamment les allégements dits « Fillon », auraient permis de créer ou de sauvegarder entre 250 0000 et 500 000 emplois en cinq ans. Sur le fondement de ces déclarations, invérifiables dans les faits, la sécurité sociale et l’État auraient ainsi subventionné des emplois pour le coût astronomique de 75 000 euros chacun !

De son côté, l’Observatoire français des conjonctures économiques a évalué l’effet sur cinq ans du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à 150 000 emplois créés pour un coût annuel de 20 milliards d’euros à compter de 2014, soit 130 000 euros par an et par emploi. On est loin, très loin, de l’efficacité économique !

Dans le même temps, la sécurité sociale et l’État sont contraints d’emprunter chaque année des milliards d’euros pour compenser ces allégements de cotisations sociales.

Compte tenu de ces éléments, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous rejetterons cette proposition de résolution, comme nous avons d’ailleurs rejeté le pacte de responsabilité.

Les salaires, les salariés et notre système de protection sociale ne constituent pas un problème. Ils ne sont pas responsables du manque de compétitivité de nos entreprises, à la différence de la finance et de son appétit.

Depuis que cette politique de réduction de la part patronale des cotisations sociales est mise en œuvre, depuis qu’ont été instaurées les « exonérations Fillon », les économies réalisées par les entreprises servent en réalité non pas à l’emploi ou à l’investissement, mais à rétablir les marges de profit, notamment à l’export. La Commission européenne vient elle aussi de le reconnaître en ces termes : « Le corollaire d’une répercussion incomplète des coûts salariaux dans les prix est une augmentation des marges de profit ».

Or nous n’entendons jamais parler du poids de la finance et des dividendes sur notre économie, comme s’il était plus facile de s’attaquer aux femmes et aux hommes qui contribuent par leur travail à produire des richesses plutôt qu’à la finance.

Il existe pourtant des voies alternatives. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent ainsi d’instaurer une modulation de la part patronale de cotisations sociales en fonction de la politique d’emploi et de salaires des entreprises, ou encore de soumettre à cotisations sociales les revenus financiers des entreprises.

Les auteurs de cette proposition de résolution, comme d’ailleurs le Gouvernement, n’envisagent pas de mettre en œuvre ces solutions alternatives, préférant remplacer le financement patronal par des ressources fiscales, c’est-à-dire de l’impôt, majoritairement supporté par nos concitoyens.

Cette proposition de résolution prévoit ni plus ni moins – comment ne pas le souligner ? – de remplacer la part patronale de cotisations sociales par un prélèvement sur la consommation, ce qui signifie en fait le retour de la TVA sociale.

Vous le savez, nous sommes opposés à une fiscalisation de la protection sociale, notamment parce qu’elle pèserait essentiellement sur les ménages, comme nous le voyons déjà aujourd’hui avec la CSG et la CRDS. Cette fiscalisation mettrait un terme au financement de la protection sociale à partir des cotisations sociales, en même temps qu’au débat sur le partage des richesses créées dans les entreprises.

Enfin, comment ne pas nous opposer au projet des auteurs de cette proposition de résolution de sortir du champ de la sécurité sociale la branche famille – revendication ancienne de la droite, du MEDEF et, plus récemment, malheureusement, d’une partie de la gauche – et la branche maladie ?

Sortir le risque maladie de la sécurité sociale serait une aberration, y compris pour les employeurs, tant il est évident que la bonne santé des salariés bénéficie aux entreprises, en permettant une bonne productivité. L’état de santé du salarié constituant un élément de sa force de travail, il est illusoire de croire qu’il n’est pas sans conséquence sur la qualité de sa production.

Indépendamment du caractère historique de notre système de protection sociale, lequel a été mis en œuvre pour assurer la protection de chacun, de la naissance à la mort, nous sommes convaincus de sa pertinence économique et sociale. Pour notre part, nous entendons étendre ce système, quand d’autres, comme le prouve cette proposition de résolution, souhaitent le vendre à la découpe !

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