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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Au lendemain de l’ouverture du procès d’UBS, ce texte prend un visage bien pâlichon

Lutte contre la fraude : conclusions de la CMP -

Par / 9 octobre 2018

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au lendemain de l’ouverture du procès de la banque suisse UBS, ce projet de loi de lutte contre la fraude prend tout à coup un visage quelque peu pâlichon. En effet, ce procès de toutes les démesures illustre à nouveau l’ampleur et la complexité de l’industrie de l’évasion fiscale.

À l’occasion des premières annonces relatives à ce texte, il fut fait grand cas de la création d’une police fiscale, disposition majeure du projet de loi consistant à placer quelques agents sous l’autorité d’un magistrat... Mais, dans le même temps, le Gouvernement annonce la suppression l’an prochain de 2 130 postes au sein de la direction générale des finances publiques. Or on constate depuis quelques années un recul du contrôle fiscal : selon certaines sources syndicales internes, en 2008, une entreprise soumise à la TVA faisait l’objet d’une vérification de comptabilité tous les quatre-vingt-quatre ans en moyenne – et tous les cent trente ans aujourd’hui...

S’agissant des particuliers, le nombre des contrôles de fond réalisés sur place est passé de 4 166 en 2008 à 3 613 en 2017. Ils ont ainsi concerné 0,011 % des contribuables en 2008 et 0,009 % en 2016. Ce sont pas moins de 3 100 emplois qui ont été supprimés dans les services de contrôle fiscal depuis 2010.

Rappelons que le procès de l’UBS qui s’est ouvert hier se tient, il faut le rappeler, grâce à l’action des lanceurs d’alerte qui avertirent dès 2009 les autorités de contrôle des pratiques illicites de leur banque. La discussion du présent projet de loi aurait dû être l’occasion de renforcer la protection des lanceurs d’alerte et de reconnaître leur rôle au sein des entreprises. La République devrait a posteriori leur apporter son soutien et leur témoigner sa reconnaissance, leur action permettant à l’État de récupérer des sommes considérables.

Le cas de l’UBS est aussi emblématique du fait qu’il s’agit d’une banque suisse. Ce projet de loi prévoyait une révision de la liste française des paradis fiscaux, qui comporte sept États : Brunei, Nauru, Niue, le Panama, les Îles Marshall, le Guatemala et le Botswana, point final ! Force est de constater que la Suisse n’y figure pas... On nous dit que le secret bancaire y est mort de sa belle mort. Pourtant, à la fin du mois de juillet dernier, au cœur de l’été, on a appris que le tribunal administratif fédéral de Saint-Gall, en Suisse, donnait raison à la banque UBS, qui refuse de répondre à la demande d’assistance administrative lancée par notre pays. A-t-on fait appel de cette décision, comme la loi nous y autorise ? Et l’on nous dit que la Suisse n’est plus un paradis fiscal...

Dès 2014, la banque UBS a tenté d’obtenir une « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ». Sans succès.

En 2016, la loi a institué un nouvel outil de négociation inspiré du système américain, la convention judiciaire d’intérêt public, ou CJIP, qui permet de négocier une amende sur reconnaissance des faits mais sans condamnation. C’est la négation même du name and shame anglo-saxon.

En 2017, HSBC, pour éviter un procès, toujours dommageable pour la réputation d’une honorable banque, a accepté de payer une amende de 300 millions d’euros, après avoir reconnu une fraude de 1,6 milliard d’euros ! À l’heure où nos concitoyens doutent de plus en plus de l’action publique et de son exemplarité, ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que ces dispositifs sont de nature à accréditer l’idée que la justice n’est pas la même pour tous ? Selon que vous serez puissant ou misérable, disait le fabuliste...

Le déroulement de cette CMP nous laisse aussi un goût amer au regard de la suppression d’un amendement qui avait été adopté à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement il est vrai. Cet amendement portait sur la délicate question des prix de transfert au sein des entreprises. Les représentants du personnel jouant un rôle essentiel dans le combat contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales, il s’agissait de permettre leur information et leur consultation sur la politique de prix de transfert retenue par l’entreprise et les cessions d’actifs au sein du groupe. Nous ne pouvons que déplorer que cet amendement ait été supprimé lors de la CMP, jeudi dernier. Il constituait, aux yeux de beaucoup, une réelle plus-value pour le texte et la marque d’une volonté forte d’avancer sur les questions de transparence. Cette suppression est un échec incompréhensible.

La CMP fut l’occasion d’un nouveau débat intense sur le fameux dispositif du « verrou de Bercy ». Rappelons que le ministre de l’action et des comptes publics, M. Darmanin, déclarait il y a quelques mois qu’il ne voulait pas entendre parler d’une suppression du verrou de Bercy, mais seulement d’un aménagement.

Ce débat eut lieu au Sénat au printemps dernier, sans réel succès, puis en juillet à l’Assemblée nationale. La lumière jaillit soudain : un nouvel amendement accepté par le Gouvernement allait être adopté et venir enfin supprimer, nous disait-on, le fameux verrou de Bercy. Depuis, il y a eu sur le sujet une communication intense ; nous reconnaissons volontiers qu’elle fut d’une efficacité redoutable auprès de l’opinion publique.

Il nous faut, à ce stade, y regarder d’un peu plus près.

Oui, le verrou est desserré, mais il n’est pas supprimé complètement. Avec l’adoption de cet amendement, le fisc sera obligé de transmettre les dossiers les plus graves à la justice, selon des critères inscrits dans la loi : montant fraudé supérieur à 100 000 euros, pénalités de 80 % ou de 100 %, ou de 40 % s’il y a récidive. Mais pour tous les autres dossiers, le « verrou de Bercy » demeure.

Le nombre des dossiers fiscaux qui seront transmis de façon automatique à la justice pourrait doubler, passant d’un millier aujourd’hui à environ 2 000 demain. C’est oublier que 4 000 dossiers sont considérés par l’administration fiscale comme relevant de fraudes graves…

Ces avancées sont à prendre en compte, mais elles sont notoirement insuffisantes, timides, au dire de nombreux observateurs.

Nous prenons acte de la création de sanctions contre les intermédiaires dans ce texte. De fait, on ne peut jamais s’évader sans un peu d’aide… Cette proposition figurait d’ailleurs dans les rapports des commissions d’enquête.

Nous prenons également acte de la clarification opérée concernant les plateformes de l’économie collaborative.

Cela étant, nous restons très nettement sur notre faim. Le compte n’y est pas. Le déroulement de la CMP a été particulièrement éclairant et a permis de jauger la réalité des intentions.

Aussi, au terme de ce débat parlementaire, nous ne pouvons nous associer aux conclusions de la commission, et nous émettrons un vote négatif sur ce texte.

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