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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce projet réchauffe les vieilles recettes de la RGPP et de la MAP

Société de confiance : nouvelle lecture -

Par / 25 juillet 2018

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour débattre d’un projet de loi dont le moins qu’on puisse dire est qu’il a fait l’objet lors de sa présentation d’une offensive de communication pour le moins insistante. Je sens un acquiescement de votre part, monsieur le secrétaire d’État, et ça me met en confiance. (Sourires.)

Je ne sais plus de quand date le premier message à caractère davantage publicitaire qu’informatif relatif à la formidable avancée du droit que constitue le « droit à l’erreur »…

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Du 7 mai !

M. Pascal Savoldelli. Je vous remercie monsieur le secrétaire d’État. Nous allons finir par travailler en binôme… (Nouveaux sourires.)

Le droit à l’erreur était alors présenté comme la reconnaissance de la possibilité pour le contribuable ou le cotisant de ne pas produire la déclaration juste. Mais, ce dont je suis certain, c’est que le droit à l’erreur existe déjà et que sa « légalisation » procède de ce que j’appelle de l’enfoncement de porte ouverte. De plus, l’actualité la plus récente a mis en évidence les limites qu’on pouvait supposer au texte que nous réexaminons. Puisqu’on parle de confiance, vous voyez jusqu’où le dérapage pourrait aller…

M. Julien Bargeton. C’est tiré par les cheveux !

M. Pascal Savoldelli. J’y viendrai à la fin de mon propos.

Pour le reste, on ne peut isoler ce texte de son contexte. En effet, il doit être appréhendé en rapport avec la mise en cause du statut des fonctionnaires – no comment ! –, avec le CAP 2022 – franchement… – de réduction d’effectifs – 20 000 emplois rien qu’à la DGFiP – et avec le développement des contrats de mission et autres emplois contractuels. Outre que la recette est assez ancienne, comment peut-on faire de la bonne administration, avec la sécurité juridique et la confiance qui conviennent, quand on place les acteurs de ces administrations en situation d’insécurité professionnelle ?

Le projet de loi ne remet nullement en question les politiques qui, de révision générale des politiques publiques en modernisation de l’action publique, ont largement entamé la crédibilité du service public par l’abandon marqué de la présence territoriale des services déconcentrés des différentes administrations. Le pire, c’est qu’il les prolonge et en accentue les défauts et travers, pour faire de cas d’espèce la matrice de la suraccumulation législative que nous connaissons.

Le texte fait ainsi cohabiter des mesures à caractère général avec des mesures tout à fait circonstanciées ou circonstancielles dont nous pouvons nous demander, au demeurant, ce qui les a inspirées. Peut-être est-ce simplement la volonté de répondre aux attentes d’on ne sait quel groupe de pression ou groupement d’intérêts désireux de bénéficier de l’onction de la loi pour prolonger son action. Il est vrai que, depuis un an, nous ne sommes plus dans le régime des partis – normalement, vous devriez applaudir (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) –, mais que nous sommes passés à celui des lobbies, du mouvementisme, de la confusion des genres pouvant aller jusqu’à la sécurité des déplacements présidentiels !

Sur le strict plan du droit, qui doit être le même pour tous, fondé sur l’égalité entre les citoyens, nous ne sommes pas certains, à l’instar du Défenseur des droits, que ce texte apporte beaucoup. Outre qu’il va sans doute accuser les effets de la fracture numérique, à peu près irréversible tant que vivront en France des personnes nées avant la Seconde Guerre mondiale, le projet de loi risque de voir les dispositifs envisagés bénéficier essentiellement aux personnes déjà les plus à même de les mobiliser et de renforcer ainsi les inégalités d’accès au droit – c’est n’est pas que moi qui le dis, c’est aussi M. Toubon.

Il est évident que, dans la société de confiance décrite par le texte, excusez-moi cette formule, mais elle a le mérite d’être explicite, ce sera avocat-conseil pour les uns et écrivain public pour les autres. Il faut tout de même que chacun reste dans sa condition…

On ne peut enfin que souligner les liens existant entre ce texte et la conception de l’entreprise que portent le Gouvernement et sa majorité. Ils se situent en effet dans le droit fil des seules attentes des conseils d’administration de groupes industriels et financiers, attentes caractérisées par le respect de normes minimales au plan social, économique, administratif ou comptable. Qu’est-ce donc, par exemple, que cet article sur le prélèvement à la source dans les entreprises de moins de vingt salariés ? D’un côté, on a une exigence croissante de l’irresponsabilité sociale et, de l’autre, une perception de ressources publiques sans cesse plus importante !

Avec ce projet de loi, il sera demain nettement plus facile de frauder l’impôt sur les sociétés que d’obtenir illicitement une allocation de RSA. Qu’est-ce donc que cette société de confiance qui va passer la main sur la fraude au petit pied et ne va pas se donner les moyens de poursuivre la grande délinquance financière ?

Le projet de loi propose quelques mesurettes frappées au coin du bon sens – c’est pourquoi nous voterons un certain nombre d’amendements et d’articles –, mais il déguise en même temps les véritables enjeux attendus par nos concitoyens. Nous ne nous rallierons donc pas à ce texte d’inégalité entre usagers et administration.

Notre collègue Julien Bargeton a cité la symphonie de Mozart pour faire référence à Jupiter.

M. Julien Bargeton. Ce n’est pas la même symphonie : c’est la symphonie n° 41 !

M. Pascal Savoldelli. Après ce qu’a dit votre Président, cet humour-là ne me fait pas rigoler.

Quand le Président de la République parle comme une petite frappe des banlieues, je n’ai vraiment pas envie de rire.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pascal Savoldelli. C’est pourquoi, mon cher collègue, je vous renvoie à Sénèque : « Ayez moins de confiance dans les faveurs de la fortune, c’est la plus légère des déesses. »

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