Finances
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Ces créations de postes ne suffiront pas à compenser les emplois supprimés entre 2007 et 2012
Projet de loi de finances pour 2016 : sécurités -
Par Brigitte Gonthier-Maurin / 30 novembre 2015Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, regroupant les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité et de l’éducation routière, ainsi que ceux de la sécurité civile, le budget de la mission « Sécurités » bénéficie d’un nouvel effort financier et passe de 18,2 milliards d’euros en 2015 à près de 18,4 milliards d’euros pour 2016.
Si les attaques terroristes de janvier 2015 ont bouleversé la hiérarchie des préoccupations des Français, il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre 2015 vont faire de la lutte contre le terrorisme leur principale préoccupation.
Cette situation se traduit par un important surcroît d’activité pour les forces de sécurité intérieure.
Nous tenons d’ailleurs à saluer ici le dévouement des policiers et gendarmes, qui font face avec courage et détermination à ces défis nouveaux.
Sur le plan matériel, des mesures significatives ont été annoncées par le Président de la République après les terribles attentats du 13 novembre, avec la création de 5 000 postes dans la police et la gendarmerie et la promesse de moyens d’équipement et d’investissements supplémentaires. Ces annonces se concrétisent aujourd’hui dans le dépôt d’un amendement du Gouvernement visant à abonder ce budget « sécurité » de près de 340 millions d’euros.
La situation extrêmement grave dans laquelle notre pays est plongé exige cette augmentation des moyens. Il aura néanmoins fallu attendre que ces funestes événements se produisent pour prendre pleinement conscience des enjeux.
Cependant, ces créations de postes – bien qu’elles représentent un effort louable – ne suffiront pas à compenser les quelque 13 700 emplois supprimés entre 2007 et 2012, sous la précédente législature. Et les efforts consentis ne permettront pas toujours de garantir l’existence de véritables police et gendarmerie de proximité.
La même remarque vaut pour les investissements. En 2016, la police nationale pourra investir à hauteur de 259 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %, et la gendarmerie nationale pour 103 millions d’euros, soit une augmentation de près de 22 %. Si nous notons avec satisfaction la progression de ces budgets d’investissement, force est de constater que les budgets consacrés à l’équipement des fonctionnaires ou aux moyens mobiles restent stables, quand ils ne sont pas réduits. Cette situation est dommageable compte tenu du vieillissement préoccupant et de l’obsolescence des matériels.
Des moyens plus ambitieux encore doivent être consacrés à l’amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes.
Les policiers descendus dans la rue le mois dernier le faisaient non pour nourrir une polémique stérile sur les relations entre la police et la justice, mais bien pour dénoncer ce qui limite leur action.
Comme l’ont rappelé de nombreux représentants syndicaux, nos policiers ont voulu exprimer le « ras-le-bol » face aux conséquences du plan Vigipirate sur leurs conditions de travail, à l’état de fatigue préoccupant de nombre d’entre eux, ainsi qu’à la faiblesse des moyens mis à leur disposition pour accomplir des missions de plus en plus nombreuses.
Ainsi, comme le souligne le rapporteur spécial de la commission des finances sur les programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale », le renforcement des effectifs, les créations de postes ne masqueront pas la paupérisation des deux forces, lesquelles ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions.
C’est pourquoi nous vous invitons, budget après budget, à investir la question de la souffrance au travail et à reconsidérer la vision managériale de cette administration.
De plus, l’état d’urgence qui a été promulgué sollicite – légitimement – davantage nos forces de l’ordre, en parallèle à l’organisation d’événements d’ampleur. En ce moment même, se déroule la Conférence des Nations unies, la COP 21, au cours de laquelle notre capitale accueille les représentants de 195 pays. Dans les mois à venir, notre pays sera l’hôte de l’Euro 2016 de football.
Concernant la « sécurité civile », les crédits du programme sont en hausse de près de 2 %, s’établissant à plus de 441 millions d’euros. Néanmoins, cette hausse – bienvenue – masque, là encore, quelques insuffisances, notamment la situation des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 80 % des pompiers français – ils sont 193 756. L’objectif des 200 000 volontaires d’ici à deux ans semble hors de portée.
Outre la question du maillage territorial, qui doit rester étroit afin de garantir des interventions rapides, il nous faut aussi assurer une proximité accrue entre le domicile du volontaire et son centre. C’est pourquoi il est nécessaire d’agir auprès des bailleurs sociaux afin que soit rendue effective la facilitation de l’accès de ces sapeurs-pompiers volontaires aux logements sociaux. Il convient désormais de s’assurer que la convention signée en juillet en ce sens apportera des résultats tangibles.
Toutes ces raisons conduisent finalement les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à une abstention que je qualifierai cependant de « vigilante et attentive ».