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Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cessez de réduire les capacités de nos collectivités

Projet de loi de finances pour 2016 -

Par / 19 novembre 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la première partie de ce projet de loi de finances s’inscrit très largement dans la continuité de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, que, d’ailleurs, nous n’avions pas soutenue, au moment de son examen, à l’inverse des groupes de la majorité sénatoriale.

Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit mon collègue Éric Bocquet. Je m’attarderai, pour ce qui me concerne, sur la situation des collectivités locales.

L’article 10 du PLF prévoit une nouvelle réduction, de 3,7 milliards d’euros, de la dotation globale de fonctionnement, principal concours de l’État aux collectivités territoriales. Cette réduction interroge sérieusement le sens que l’on tend à donner aujourd’hui au pacte républicain issu des lois de décentralisation.

En effet, la ponction réalisée par l’article 10, sorte de tribut payé par les collectivités locales à la réduction des déficits publics, qu’elles ont pourtant contribué à contenir dans des limites raisonnables, ramène le total de la dotation sous le montant notifié en 2004. Autrement dit, dans les faits, à compter du 1er janvier 2016, les collectivités territoriales ne toucheront même plus, au titre de la DGF, ce qu’elles percevaient comme compensation du fait de la disparition de la taxe professionnelle.

À la fin des années soixante-dix, la DGF a remplacé un « versement représentatif de la taxe sur les salaires », dans un contexte de généralisation de la taxe sur la valeur ajoutée. À l’origine, elle représentait une partie des recettes de TVA que percevait l’État. Il y avait donc un partage des ressources nationales entre l’État et les collectivités. On en est loin aujourd’hui !

Dans d’autres pays fortement décentralisés, comme la Belgique, l’Espagne ou la République fédérale allemande, c’est ce partage des ressources fiscales qui est à la base du « financement » de la décentralisation. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous qui cherchez souvent à savoir comment les choses se passent chez nos voisins, voilà un exemple qui peut vous intéresser !

Cela dit, je souhaite tout de même revenir sur ce qui constitue le problème principal de la contribution des collectivités territoriales, c’est-à-dire le caractère forcé de leur participation. En réalité, les collectivités doivent verser une rançon aux marchés financiers pour prix de la réduction des déficits et de la dette publique, avec pour conséquence essentielle la réduction de la dépense publique.

Que d’inepties peuvent être dites sur ce sujet, complaisamment relayées par tous ceux qui n’aiment la dépense publique que lorsqu’elle est fiscale et bénéficie aux plus grands groupes à vocation transnationale et aux ménages les plus aisés, grands consommateurs de niches fiscales et d’incitations diverses…

M. Éric Bocquet. Très juste !

Mme Marie-France Beaufils. La dette publique recouvre des réalités fort différentes.

Celle des collectivités locales, notons-le, est exclusivement consacrée à des dépenses d’équipement public. Les villes, les départements, les régions n’ont généralement pas de quoi payer rubis sur l’ongle la nouvelle piscine, le collège ou le centre culturel. Il ne serait pas logique que de tels équipements, dont la durée de vie se compte en dizaines d’années, soient financés sur un ou deux exercices budgétaires, par prélèvement sur les recettes de fonctionnement.

Le poids du recours à l’emprunt pèse sur les collectivités comme sur les ménages qui réalisent un achat important.

Il faut bien dire la vérité aux Françaises et aux Français : même durant les trente glorieuses, même sous la direction du général de Gaulle, la France émettait des titres de dette publique. À l’époque, l’inflation, cette hantise permanente des rentiers et des financiers, venait corriger une bonne part de cet endettement.

C’est aussi de cette manière que la France a pu se doter d’un réseau électrique de haut niveau, répondre au défi de la couverture du territoire par le téléphone automatique, sans parler du TGV, d’Airbus ou encore de Concorde. C’est ainsi que nous avons réalisé nos autoroutes, construit une bonne part de notre parc de logements locatifs sociaux ou encore nombre d’équipements sportifs et culturels.

Un endettement public n’est pas malsain quand il offre aux jeunes des lieux d’enseignement, de formation, de pratique sportive ou culturelle, quand il permet à la vie économique et sociale de se développer dans toute sa diversité, quand il donne aux entreprises les moyens modernes de communication. Cet investissement public, c’est un patrimoine que nous léguerons à nos enfants, mais c’est aussi un investissement dans la vie économique, porteuse d’emplois, de participation au maintien des entreprises et, par voie de conséquence, de ressources fiscales pour le budget de l’État.

Le débat sur la dette, mais surtout sur le coût de cette dette occulte souvent le fait que son poids repose sur les plus modestes.

Cependant, la période récente est marquée par l’insigne faiblesse des taux d’intérêt, réalité généralement négligée par tous ceux qui nous appellent au sacrifice.

La France dispose aujourd’hui d’une position favorable sur les marchés financiers. Les taux d’intérêt grevant nos émissions de maturité inférieure à trois ans sont négatifs. Le taux moyen de la dette publique française à dix ans se situe autour de 1 %. L’État va d’ailleurs encore émettre, cette année, 200 milliards d’euros de titres de dette publique et, comme la signature de la France est de qualité, 120 milliards d’euros seront mobilisés pour amortir la dette existante.

Mes chers collègues, ne confondons pas le début du cycle des déficits publics, en 1973-1974, et la dette publique, dont les titres les plus anciens encore en circulation doivent dater du début de ce siècle. N’oublions pas que circulent d’ores et déjà, sur les marchés financiers, des titres de dette publique qui seront amortis en 2055 ou en 2060…

Cessons donc d’agiter l’épouvantail de la dette pour justifier des politiques économiques et budgétaires que l’Europe impose aux pays de la zone euro. Le peuple grec, derrière Alexis Tsipras et sa coalition Syriza, et les électeurs portugais, en renvoyant à ses chères études le gouvernement qu’ils viennent de remercier, ont montré à quel point ils n’en voulaient plus.

Poursuivre cette politique d’austérité, c’est programmer une forme de suicide politique pour les forces de progrès social, pour tous ceux qui placent les individus avant les machines et les capitaux dans l’ordre des priorités de la société humaine.

La situation actuelle nous interroge tous – du moins, je l’espère – sur la forte implication qui doit être la nôtre afin d’éviter que des jeunes perdent toute perspective d’avenir et sombrent dans la désespérance au point de se laisser facilement embrigader par le discours de Daech.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cessons de réduire les capacités de nos collectivités ! Donnez-leur les capacités d’agir, pour que les services publics qu’elles organisent et les moyens qu’elles investissent dans l’éducation, la culture, le sport ou la vie associative permettent d’offrir à nos jeunes l’enrichissement nécessaire à leur développement, les armant mieux pour construire leur avenir.

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